Je viens de lire avec un certain effarement, dans le journal professionnel l'Hôtellerie-Restauration, qu'un des points clés du plan d'action anti-obésité aux Etats-Unis allait passer par l'affichage des calories sur les menus des restaurants. L'affichage obligatoire des calories s'appliquera aux fast-foods, aux chaînes possédant au moins vingt restaurants et aux distributeurs automatiques. Avant peut-être une prochaine étape plus globale. Les pouvoirs publics pensent sans doute que cela va participer à l'éducation nutritionnelle des Américains. Pour ma part, je ne pense vraiment pas que cela va faire progresser la lutte contre l'obésité. Comme si les Américains ignoraient que des frites sont plus caloriques que des carottes bouillies !
Se mettre à compter les calories de tout ce qu'on mange est un très gros travail. Du coup, les voir ponctuellement sur un menu n'est pas d'une grande utilité, sauf à vouloir comparer des plats entre eux. Ce qui pourrait en diaboliser certains. Pourquoi ? Imaginons que je sois devant un menu. J'hésite entre deux plats, l'un me tente davantage mais il est plus riche en caloriees :
- soit je prends le plat le plus calorique. Il est possible que j'ai une certaine culpabilité en arrière-plan, qui m'empêchera de le savourer pleinement.
- soit je choisis le plat le moins calorique. Je suis frustré(e), je me situe dans une logique de restriction et je risque fort de craquer à un autre moment.
Serait-elle vraiment plus avancée si elle connaissait leur apport calorique ?De plus, les calories sont une notion simpliste qui ne tient pas compte de la composition nutritionnelle des aliments : compter les calories ne garantit en aucun cas d'avoir une alimentation variée et équilibrée.
Un peu agacée par cet article, je suis allée faire un tour sur le web. Quelques études ont été menées notamment dans des villes comme New York où cette règlementation est en place depuis 2008. Les études sont assez hétérogènes mais les bénéfices ne semblent pas évidents. Il semble qu'une minorité de personnes fasse attention aux calories et il ne semble pas flagrant que l'affichage des calories ait vraiment changé les habitudes des consommateurs.
Compter les calories, c'est avoir une alimentation guidée par la tête, des choix rationalisés et non par le goût, les envies, les préférences. C'est avoir une alimentation fonctionnelle et non une alimentation de plaisir et de convivialité. C'est le modèle américain et britannique d'alimentation versus le modèle français ou italien. Or, comme l'avait montré le livre "Manger" des sociologues Claude Fischler et Estelle Masson (éditions Odile Jacob, 2008), notre modèle génère nettement moins de problèmes de surpoids que le leur.
Alors, laissons les Américains avec leur modèle et luttons pour ne pas l'adopter ! Je suis pour une éducation alimentaire et gustative qui permette de découvrir les aliments, de les apprécier dans leur diversité et de former son goût et ses préférences, et non pour une éducation nutritionnelle qui fasse surtout connaître les nutriments et les calories.
Je suis donc plutôt en accord avec une enseigne comme Cojean qui refuse l'affichage des calories (cf mon billet sur Cojean). A l'inverse, je viens de voir un nouvel espace de restauration rapide s'installer à proximité de mon cabinet et il croit bien faire en affichant non seulement les calories mais aussi les besoins caloriques des personnes (H/F) comme si nous étions tous identiques !
ON NE MANGE PAS DES CALORIES, ON MANGE DES ALIMENTS !
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