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Notes sur la poésie : Pierre Michon

Par Florence Trocmé

" Leroi-Gourhan [...] parlait du " champ antérieur ", dans le Geste et la parole. Le champ antérieur, cette spécificité de l'humain, c'est la main et la bouche, l'incessant circuit entre les deux, le vide toujours comblé entre les deux, ce va-et-vient perpétuel où s'instaure le langage. Et bien ! l'écriture, je dirais que c'est un comble de perfection fonctionnelle du champ antérieur : la bouche ne semble pas impliquée, mais elle parle en même temps que la main écrit. La main et la bouche y sont en phase absolue, le champ antérieur triomphe. Évidemment, il y a aussi de la finauderie, de la ruse, de la manœuvre, de l'artifice, mais au bout du compte, c'est la main qui décide, et elle, elle ne peut dire que la vérité. Si la main tout à coup s'emballe sur de l'écrit, c'est parce que ce n'est pas seulement avec de l'écrit qu'elle est en train d'entrer en relation. C'est, tout autant, avec de la nourriture, avec le corps entier, avec l'âme, avec la mémoire, avec l'idée et la voix, une voix chuchotée au-dedans qui semble venir d'ailleurs.

Pierre Michon, Le roi vient quand il veut, Propos sur la littérature, Albin Michel, 2007, p. 278


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