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Le code noir ou le calvaire de canaan - louis sala-molins

Par Tinusia

23 juin 2010

LE CODE NOIR OU LE CALVAIRE DE CANAAN - LOUIS SALA-MOLINS

Un peu d'exégèse, d'abord...

Dans un récent billet, j'ai fait allusion au CODE NOIR, et j'y exprimais mon envie d'approfondir ces textes de la Bible qui ont justifié la traite des Noirs.

Les positions de la Bible sont la source fondamentale de la pensée et de la morale chrétienne. Nombre de ceux qui se sont appuyés sur les textes, l'ont fait surtout pour libérer leur conscience. C'est, par ailleurs, un fonctionnement qui persiste, si l'on entend , du point du vue de l'Islam - entre autre -, les références au Coran qui veulent disculper les auteurs d'actes et de positions indéfendables.

Presque tous les textes bibliques invitent à la soumission et à l'obéissance au "maître" ; ils engagent à accepter la souffrance, même en cas d'injustice, plutôt que d'y opposer la révolte. Il incitent à l'obéissance inconditionnelle.

C'est l'utilisation tendancieuse de la malédiction de Cham, thème récurent de la justification des esclavagistes, mais aussi de celle des missionnaires qui se déclarent investis du devoir d'offrir le salut à sa descendance, qui instaure les rapports d'allégeance des Noirs vis à vis des Blancs. Aux Noirs d'Afrique, est attribuée la qualification "d'enfants maudits de Cham".

La Bible dit que ce fut aux trois fils de Noé, Sem, Cham et Japhet, qu'échut la responsabilité de repeupler la terre après le déluge. Noé, lui, planta et fit croître la vigne. Il en goûta les fruits et se retrouva ivre. Dans sa tente, il se dénuda, et Cham, le plus jeune de ses fils, le vit ainsi. Il alla rapporter l'incident à ses frères, qui, tournant volontairement et physiquement le dos à l'indécence de leur père, le recouvrèrent de leurs manteaux. Mais le lendemain ils rapportèrent au père les "moqueries" du plus jeune. Noé, en colère, proféra cette malédiction : " Maudit soit Canaan ! Qu'il soit pour ses frères le dernier des esclaves !"

Ce que les chercheurs n'expliquent pas, c'est la raison pour laquelle Noé aurait maudit Canaan, le fils de son fils. Canaan était innocent, si tant est que Cham soit coupable.

L'opinion qui fait des Noirs (les Éthiopiens) les descendants d'un père maudit est, sans nul doute, une de ces légendes qui ont la vie dure. On peut lire, en 1652 que " Dieu a répandu les Européens en Amérique, pour habiter dans les demeures des Américains descendus de Sem ; et que les descendants de Cham, qui sont nos nègres africains, les y serviront".

Pour cautionner cette légende, certains affirmeront que " commander et obéir font partie des choses non seulement inévitables, mais encore utiles ; certains êtres, immédiatement dès leur naissance, se trouvent destinés les uns à obéir, les autres à commander [...] Il est donc évident qu'il y a par nature des gens qui sont les uns libres, les autres esclaves, et que, pour ceux-ci, la condition servile est à la fois juste et avantageuse".

Il semble que l'Islam esclavagiste ait joué un grand rôle dans les débuts du commerce triangulaire.Il a joué les médiateurs entre l'Occident chrétien et l'Afrique méconnue et mystérieuse. Et le monde chrétien s'est parfaitement accommodé de cet état de fait en capturant, achetant et revendant en quatre siècles des millions d'êtres humains. C'est, pour le moins, qualifiable de crime contre l'humanité ! Comment définir autrement cette absence d'objection morale à traiter comme des marchandises des hommes, des femmes et des enfants, à se servir de la complicité des esclavagistes locaux dans l'intention de l'appât du gain ? Si, comme dans tous les continents, l'Afrique a été le champ de l'esclavage depuis l'Antiquité, l'islam arabe a grandement favorisé cet état de fait ; prenez l'exemple des harems, "indispensables" à un certain standing : les eunuques chargés de la surveillance de ces gynécées étaient des esclaves noirs. Si une partie des captifs étaient assignés au service domestiques des puissants, une autre grande partie était exportée, par caravane, vers le Maroc ou l'Égypte. La traite transsaharienne a fait le nid de la traite négrière : l'Europe a trouvé un terrain favorable à la mise en place massive de la traite atlantique pour trouver de nouvelles sources de profit.

Même si la raison religieuse est constamment mise en avant, le militaire, l'économique et le politique sont les nerfs puissants de "la Reconquista" poursuivie par la péninsule ibérique qui cherche à lutter contre les royaumes islamiques.

La traite négrière atlantique ne fut pas tout d'abord un commerce triangulaire. Il s'agissait plutôt de déportations de l'Afrique vers l'Europe, puis de l'Afrique vers les îles proches des côtes ouest-africaines et de la péninsule ibérique. Ces premières expéditions se voulaient découvertes scientifiques de nouvelles routes de navigation et croisades contre l'islam.

La traite négrière était connue et reconnue par l'Église, comme en témoignent les innombrables bulles pontificales de cette époque. Pour n'en citer qu'une, voici un extrait de celle du pape Nicolas V, adressée au roi du Portugal le 18 juin 1452. Le Siège apostolique " approuva l'intention [d'attaquer les Sarrasins] et concéda au roi d'une façon très générale l'autorisation d'attaquer, de conquérir et de soumettre les Sarrasins et autres infidèles ennemis du Christ, de s'emparer de leur territoire et de leurs biens, de soumettre leurs personnes en perpétuelle servitude...".

Christophe Colomb, qui a fait ses premières armes de navigateur trafiquant, revient, conquérant, d'Amérique en 1492. Voici ouverts de nouveaux possibles... Le pape Pie II, parle pourtant de l'esclavage des Nègres comme d'un "grand crime" et condamne la traite. Mais son énergique protestation n'a aucun effet. Au contraire, le trafic négrier s'intensifie. Les premiers Noirs débarqués en Amérique ne venaient pas d'Afrique, mais d'Europe. Ils ont "remplacés" les Indiens, décimés par les colons. Ils étaient surtout considérés pour leur force de travail. C'est une longue et cruelle exploitation humaine qui résulte de la conquête de l'Amérique.

J'ai pris les sources de cet historique très superficiel de la traite négrière dans l'ouvrage d'Alphonse Quenum : Les Églises chrétiennes et la traite atlantique du XVè au XIXè siècle.

LE CODE NOIR OU LE CALVAIRE DE CANAAN - LOUIS SALA-MOLINS
Voici un ouvrage qui trouble terriblement les consciences ! Notre mémoire collective de Blancs est entachée de cette sinistre partie de l'histoire, même si elle remonte avant nous. Selon l'historien Pierre Nora, la mémoire collective est " le souvenir ou l'ensemble de souvenirs, conscients ou non, d'une expérience vécue et/ou mythifiée par une collectivité vivante de l'identité de laquelle le sentiment du passé fait partie intégrante".

Louis Sala-Molins l'écrit lui-même : " j'ai choisi, dès la première ligne de mon livre, de lire l'histoire que je raconte en me situant, dans la mesure du possible, du côté des esclaves, non celui des techniciens de la politique, aussi révolutionnaires fussent-ils.".

L'histoire sans histoire que raconte le Code Noir ne commence pas avec "il était une fois dans un lointain pays", les textes juridiques ne s'accommodent jamais de ce genre d'exorde. Ses rédacteurs ne divaguent pas inutilement sur les préambules. Ils jettent d'emblée l'esclave noir sur les quais, au bout des ports de Saint-Domingue, poursuit-il. D'où vient-il ? Qui l'a mené là-bas ? Pourquoi donc est-il esclave ? Le Code Noir n'en dit rien. Pour lui, un Noir aux îles du Vent et Sous-Le-Vent vient d'ailleurs et il est esclave, voilà tout.

"Celui qui volera un homme et le vendra, mourra dès qu'il sera convaincu de son crime", énonce un passage de l'Exode. Si ce prédicat avait été suivi, combien serions-nous d'hommes blancs aujourd'hui, descendants de ceux qui ont commis de telles barbaries ?

Mais à quoi sert-il de battre sa coulpe ? Je ne pense pas qu'il faille entretenir une culpabilité collective. En revanche je ressens l'impérieux besoin de "savoir", pour entretenir la mémoire...

Louis Sala-Molins, même s'il n'est pas exhaustif, s'emploie à informer avec virtuosité. L'on pourrait penser qu'un livre traitant de lois, rédigé par un professeur émérite de philosophie politique, risque d'être particulièrement indigeste. Loin s'en faut ! Le Code Noir est un livre d'initiation.

On y trouve trois parties,les unes aussi documentées que les autres.

Le Code Noir à la lumière des préjugés , qui remonte le temps, les légendes, les mythes, l'histoire, et fournit au lecteur l'éclairage indispensable à la compréhension de cette infamie aberrante.

Le Code Noir, textes et commentaires , qui énonce les articles de la loi scélérate rédigée par le Roi Soleil en mars 1685. Chaque article énoncé est assorti d'un commentaire de la plume de Louis Sala-Molins visant à expliquer, à analyser, à donner sens à ce qui animaient les puissants du monde d'alors. Ces textes sont limpides et aisés à lire.

Le Code Noir à l'ombre des Lumières , qui étudie le comportement souvent abject des grands philosophes, à défaut, leur silence, en toute connaissance de cause. L'auteur nous laisse entrevoir ces "grandes personnes", que beaucoup d'entre nous ont croisées et admirées pendant nos années-lycée ou université, pas aussi "nobles" que l'on a bien voulu nous faire croire.

Voici un ouvrage, à l'érudition non prétentieuse, qui devrait figurer dans les bibliothèques de tous les lecteurs enclins à l' HUMANISME.

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