Remplacer un membre manquant par un membre artificiel nous apparaît un incontournable pour l’amputé qui veut recommencer à vivre normalement. Par contre, ce n’est pas automatiquement le scénario qui se présente. Une partie d’entre eux décideront ou se verront dans l’obligation de vivre sans prothèse.
Quand une personne récemment amputée de la jambe arrive en réadaptation, on évalue d’abord les forces et les faiblesses physiques du patient. On observe comment il se déplace, s’il est fort physiquement. «Même les capacités cognitives jouent un rôle dès le départ», expliquent Marie-Noëlle Roussin et Julie Paquette, ergothérapeutes à l’hôpital de réadaptation Villa-Medica (HRVM), situé à Montréal.
Cet établissement reçoit en majorité des aînés dont l’amputation est souvent la conséquence de problèmes vasculaires engendrés par de mauvaises habitudes de vie. Ces patients sont les plus susceptibles d’avoir à se débrouiller sans membre artificiel, puisque leur corps entier est souvent en mauvais état.
Pour les handicapés qui ne peuvent pas porter la prothèse, la réadaptation est différente. La première étape consiste à déterminer un substitut à la jambe artificielle : béquilles, marchette ou fauteuil roulant. Puis, le domicile est adapté à l’option choisie, par exemple en installant des rampes à plusieurs endroits dans la maison, ou en déménageant dans un endroit plus sécuritaire.
Tout au long de la réadaptation, des experts conditionnent l’amputé à devenir le plus autonome possible. Les physiothérapeutes l’entraînent pour une meilleure condition du moignon. Ils renforcent le bout de jambe qui reste au patient ou le sensibilisent à avoir les bras plus forts pour ne pas se fatiguer lors de déplacements en chaise roulante. Les ergothérapeutes, eux, initient et habituent le patient aux activités de tous les jours: entrer dans leur voiture, utiliser les toilettes, prendre une douche, cuisiner sur le comptoir, etc.
Changer d’idée
Louis Bourassa, des Amputés de guerre, mentionne que ce sont les limites de la technologie qui parfois empêchent un amputé d’opter pour la prothèse. «Il existe des prothèses pour la hanche, mais elles sont encore inefficaces et peu confortables», donne-t-il en exemple.
Dans le cas d’un bras amputé, la prothèse s’avère souvent moins indispensable. Chez les Amputés de guerre, certains jeunes qui vivent sans prothèse au bras changeront par contre d’idée en cours de route. «L’évolution d’un jeune implique l’affirmation de sa personne et de ses champs d’intérêts. L’adolescent qui veut plaire aux jeunes filles finira par se faire poser un bras artificiel, histoire de présenter un esthétisme plus normal et ne pas attirer l’attention vers le bras incomplet.» Ou, en découvrant une activité qui lui plaît particulièrement, un jeune cherchera à se procurer un bras adapté à son nouveau passe-temps.
C’est précisément dans ce cas que les Amputés de guerre sont importants. Le gouvernement ne paie que pour la prothèse de base. L’organisme fournira du mieux qu’il peut une prothèse adaptée pour l’activité que le jeune veut pratiquer, ou initiera des recherches pour en créer une. Et ces prothèses adaptées vont de celle conçue pour se mouler à la botte de ski alpin, à celle qui sert…à tricoter!
Encadré
Les Amputés de guerre, c’est quoi?
Les Amputés de guerre forment un organisme qui vient en aide aux Canadiens amputés et âgés de 0 à 18 ans, qui sont regroupés dans le programme «Les Vainqueurs». L’organisme soutient ces «Vainqueurs» moralement et financièrement. «Nous déboursons pour les réparations, les frais de transport et les recherches pour les prothèses adaptées. Le gouvernement paie seulement pour la prothèse de base. Nous envoyons aussi à nos adhérents la documentation sur les nouvelles technologies et les recherches en cours», explique Louis Bourassa, des Amputés de guerre.
Depuis 1946, environ 15 000 jeunes ont eu recours à l’organisme connu pour ses petits porte-clés. Aujourd’hui, le programme «Les Vainqueurs» compte environ 4000 adhérents, et près de 100 nouvelles inscriptions ont lieu chaque année. Et une fois l’âge majeure atteint? «Nous aidons encore financièrement l’amputé qui est devenu adulte. Seulement, il n’est plus compilé aussi précisément qu’auparavant dans les statistiques de l’organisme. Il a cessé de grandir et est donc relayé à des prothésistes pour adultes», précise M. Bourassa.