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L’école de la haine

Par Borokoff

A propos de Dog Pound de Kim Chapiron 3 out of 5 stars

L’école de la haine

Davis, Butch et Angel ont entre 15 et 17 ans. Deux Blancs et un « Latino ». Ils viennent d’arriver à la prison pour délinquants juvéniles d’Enola Vale dans le Midwest, coupables de larcins différents. Très vite, pour survivre, ils ne vont avoir qu’un choix, s’imposer par la violence physique pour ne pas devenir des victimes…

Plongée dans l’univers carcéral pour jeunes aux Etats-Unis, Dog Pound (littéralement la fourrière en anglais) est une démonstration probante de l’incapacité du gouvernement américain à faire de ces prisons un tremplin pour leur réinsertion. Les adolescents filmés dans Dog Pound sont des Noirs, Blancs, Latinos issus de milieux défavorisés pour la plupart. Davis et Butch sont issus de la « White trash » (population blanche et pauvre des Etats-Unis). Véritable réquisitoire contre l’échec de ces prisons, qui au lieu de remettre des jeunes délinquants dans le droit chemin, les transforment au mieux en fous, au pire en caïds ultra-violents, Dog Pound est marqué par la violence des rapports, d’abord physiques, que ces jeunes détenus entretiennent entre eux. Où s’imposer par la force est la seule manière de s’en sortir.

C’est un film qui ne laisse aucun répit au spectateur. Même dans ses courtes respirations (scène de jeu de balle au prisonnier), la tension est tangible entre ces adolescents issus de différentes communautés ethniques. Au lieu de les défouler, le sport exacerbe leur haine et leur ressentiment et décuple leur puissance physique. Il devient l’enjeu symbolique d’une domination voire d’une suprématie pour le gagnant qui dépassent largement le cadre du sport.

Dog Pound est une démonstration sans concessions de la faillite de ces prisons américaines. Pas d’échappatoire pour ces jeunes, condamnés à crever ou à survivre dans la violence. Le film ne laisse aucune ouverture. Comme pour toute démonstration, il est fermé de bout en bout, cadenassé de part en part. Et c’est peut-être ce que l’on peut lui reprocher, de ne pas laisser respirer assez le spectateur, « condamné » à marcher droit dans les tunnels de sa démonstration. Sans avoir son mot à dire.

Qu’a voulu dire Chapiron au juste ? Dans une interview, le réalisateur de Sheitan a confié qu’« en parlant avec certains gardiens, et même certains prisonniers, on se rend compte que l’on vend de la peur pour acheter des prisons, pour acheter des hommes politiques qui vont combattre cette délinquance. Personne ne cherche vraiment à la résoudre, tout le monde en vit ». Pourtant, le film a des nuances et n’est pas aussi binaire, noir ou blanc que l’on penserait.

La première cause de cette descente aux Enfers pour ces adolescents vient de l’échec dans l’éducation des parents. Les scènes au parloir montrent des adolescents devenus hostiles à leurs parents pour ne pas dire des étrangers. De même, les gardiens de prison ne sont pas des salauds comme on pourrait s’y attendre. Ils éprouvent au contraire une forme d’empathie pour les prisonniers (scène où un gardien fait vomir un Davis défoncé dans la douche).

Dog Pound n’est pas un film simpliste ni binaire ou manichéen. C’est un journal de bord réaliste racontant en tableaux et au jour le jour les épisodes de la vie carcérale d’adolescents américains mineurs et délinquants. Une chronique du désastre filmée par un œil omniscient. En ce sens, on peut rapprocher l’itinéraire de Butch de celui de Malik (Tahar Rahim) dans Un prophète d’Audiard.

Mais Dog Pound, dont le dénouement et la chute finale son très réussis, est surtout incarné par un superbe acteur, Adam Butcher (Butch), dont  Chapiron dit qu’il a tout de suite senti « cette folie dans le  regard » qu’il cherchait pour son personnage. La crispation qui monte en lui et qui précède la folie. Comme dans Un prophète, Dog Pound raconte l’ascension d’une petite frappe qui, prise dans l’engrenage de la prison, va devenir un caïd. Celui qui tout perdu aussi…

www.youtube.com/watch?v=ZpLH-3Mm8Qo


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