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Mark Tompkins, Animal femelle : ta fille en string au temps des cavernes ?

Publié le 12 décembre 2007 par Jérôme Delatour

Il y a des jours où l'on n'a pas envie d'écrire, et des spectacles dont on n'a pas très envie de parler. C'est le cas de l'Animal femelle de Mark Tompkins.

Ce spectacle entre typiquement dans la catégorie que je nommerais des "divertissements à prétention intellectuelle". Le titre promet beaucoup, mais ne tient guère. On s'attendrait à quelque réflexion sur l'animalité de la femme, mais en vérité le billet d'entrée ne vous donnera droit qu'à

1. Un résumé en dix minutes de l'évolution humaine
2. Une scène de catch
3. Une scène de lutte libre
4. Un témoignage libre des danseuses,
avec, en paquet cadeau, un Mark Tompkins jouant les dictateurs pervers.

Non qu'il y ait de belles choses dans ce spectacle - et comment pourrait-il en être autrement avec quatre jeunes femmes talentueuses et si agréablement dévêtues ? Mais il ne sort de là aucun propos, aucun début de sens.

Les pseudo-critiques qui prétendent qu'Animal femelle "interroge" ou "questionne" jene sais quoi (si j'étais dictateur, j'interdirais ces creuses expressions pour mille ans) se moquent du monde. Hélas, il se trouve toujours des autorités pour légitimer n'importe quoi. Le 10 décembre prochain, un psychiatre et psychanalyste vous psychanalysera la pièce. Si vous préférez chercher une caution dans l'université, voyez du côté du pauvre Gérard Mayen, que la boursouflure universitaire semble avoir définitivement gâté. En 2005 encore, celui-ci publiait une critique à peu près sensée d'Animal mâle, le premier volet de la pièce. Deux ans plus tard, il nous revient avec un tissu d'inepties, dans la plus pure tradition pédante, avec notes de bas de page et tout ce qu'il faut : "Dans cette optique", écrit-il à propos du travail de Tompkins, "le « soi » est à considérer comme rien de plus que « l’étrange non-consistance d’un espace-entre », espace, vibratile, d’interprétation permanente. Là peut s’envisager le mouvement de la danse, non comme extériorisation d’une intériorité constituée, ni comme décodage de significations imprimées sur des corps de surface préalablement existant, mais comme mise en jeu d’une performativité de l’incorporation, ayant valeur d’énonciation autant que de désignation, dans une dynamique d’embrayage visionnaire." Remarquable exemple de ce que produit l'endogamie forcenée du logos universitaire : une pensée logorrhéique et dégénérescente.

Oui, certes, il se passe d'assez belles choses sur ce ring sans cordes enfumé d'encens, bordé d'une loge d'artistes. Voir ces quatre femmes en pyjamas de détenus, d'abord cellules endormies comme des souris blotties, se dégeler peu à peu jusqu'à mimer l'excitation exacerbée des premiers âges. Voir comment, dans ce contexte, le Verbe prend le pouvoir. Voir l'oeil nazi, assez glaçant, de Mark Tompkins, débitant un discours délirant, digne du meilleur fou de bibliothèque. Et les yeux des lutteuses.

Mais tout cela ne fait pas sens, et ne m'enseigne (ne m'inspire) rien sur l'animalité de l'homme. Tompkins cite saint Augustin pour faire chic, Hitler pour faire choc. Mais il ne dit rien. Au commencement de la scène de lutte, Tompkins représente certains rituels ancestraux des sports de combat : jets de sel pour éloigner les mauvais esprits, lustrations purificatrices, frappements de la lice pour écraser les forces du mal, chants de bravoure pour galvaniser les énergies. Quel rapport avec son sujet ?

Animal femelle est le pendant, initalement non prévu, d'Animal mâle, créé il y a deux ans. Je n'ai pas vu Animal mâle ; mais d'après ce que j'en ai lu et vu par photos interposées, Animal femelle en est la copie conforme, à ceci près que les quatre hommes ont été remplacés par quatre femmes. Si l'on est très sérieux, on verra donc les deux pièces et l'on comparera. Mais ces hommes et ces femmes ne faisant guère que jouer les scènes que Mark Tompkins leur a assignées, je ne crois pas que l'on en tire davantage d'enseignement sur l'animalité humaine. Dommage.

S'il est une leçon à retenir de tout cela, elle réside sans doute dans l'extraordinaire capacité de l'homme (et plus encore de la femme ?) au mimétisme, à se plier à mille bassesses comme à mille sacrifices pour sa survie et celle de son espèce. A qui ces quatre femmes obéissent-elles ? Pourquoi se plient-elles à ces exhibitions qui, en partie, peuvent paraître dégradantes (bien qu'en vérité, naturellement, elles ne dégradent que celui qui les ordonne) ? Qui les exécute ? Des femmes ou des comédiennes ?
Leur performance, qui n'est pas sans risques (je souhaite au nez de Cecilia Bengolea un prompt rétablissement), force en tout cas l'empathie, et leur beauté ne manquera pas de ravir hommes et femmes.

♥♥ Animal femelle, de Mark Tompkins, est donné à la Cité internationale universitaire du 6 au 18 décembre 2007. Les 17 et 18 décembre, vous pourrez l'y voir avec Animal mâle à partir de 19 heures.

J'en profite pour râler contre la nouvelle charte graphique de la Cité internationale. Entremêler les caractères latins de caractères d'autres systèmes d'écriture part d'un généreux sentiment, mais pourquoi diable avoir affublé l'adjectif "internationale" d'un lambda ??? Cela fait "internltionale". Quelle ânerie !


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