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164ème semaine de Sarkofrance : privilèges, mépris et indifférence

Publié le 26 juin 2010 par Juan
164ème semaine de Sarkofrance : privilèges, mépris et indifférenceOn reconnaît notamment un chef d'Etat à son sens des priorités. Nicolas Sarkozy, pour sa 164ème semaine à l'Elysée, n'en a avait aucun. A moins qu'il ne s'agisse d'une volonté délibérée de préférer le football aux retraites, de visiter les banlieues en pleine nuit et sans caméra, de critiquer les constructions en zones dangereuses après avoir demander la dérégulation de l'urbanisme.
Le Var contre les Verts
Le gouvernement s'est fait discret sur le rejet sine die d'un projet de taxe carbone au sein de l'Union européenne. La règle de l'unanimité des 27 Etats membres pour ce type de décision a eu raison du projet. La Grande-Bretagne en a déjà créé une et ne souhaite pas en ajouter; l’Allemagne et la Pologne consomment trop de charbon pour y être favorables. La secrétaire d'Etat à l'écologie Chantal Jouanno n'a même pas été interrogée à ce propos. L'attention écolo était dans le Var, où des crues violentes ont causé la mort de 25 personnes. Sarkozy s'y est rendu lundi. Il a réaffirmé sa détermination à interdire les constructions dans les zones reconnues dangereuses. Une carte de ces zones sera proposée l'an prochain, a prévenu Jouanno. Le même Sarkozy expliquait, en avril 2009, qu'il fallait au contraire «déréglementer», «permettre aux propriétaires d'agrandir leur maison individuelle, rendre constructible les zones inondables» et «changer les procédures».
Autre sujet d'inquiétude dans les milieux écologistes, certains dispositifs fiscaux «écolo» ont déjà été abandonnés, comme la défiscalisation de la vente d'électricité produite par certaines installations photovoltaïques.
Mardi, le Monarque s'est échappé dans les Pyrénées-Atlantiques. Officiellement, il visitait une usine opportunément choisie ... dans la circonscription de François Bayrou. Le leader centriste est resté distant, refusant d'accompagner seul le Monarque à son retour à l'aéroport local. Sarkozy cherchait sa photo aux côtés du patron du Modem. Il l'a eu.
Sarkozy préfère le foot
Mardi, puis jeudi, le président français a annulé deux rendez-vous prévus de longue date pour cause de ... football. Le premier, avec la première ministre suisse, coïncidait avec le dernier match de l'équipe de France en Afrique. Sarkozy préférait se consacrer aux piètres performances des Bleus. Le second, avec des ONG internationales, fut annulé pour laisser place à une rencontre avec Thierry Henry, le jour même d'une journée de contestation sociale. La démarche est inédite, incongrue, déplacée. Sarkozy cherche la diversion ou témoigne son mépris. Dans les deux cas, c'est détestable. Roselyne Bachelot, la ministre de la santé et des Sports, ne s'est pas non plus ménagée pour attaquer les Bleus et leur entraîneur, elle qui qui les soutenait encore voici 10 jours, contre vents et marées. L'expulsion d'Anelka samedi, la grève de l'entrainement dimanche, la déroute face à l'Afrique du Sud mardi, puis le retour piteux et séparé des Bleus vers Paris ont été instrumentalisés par l'Elysée comme un feuilleton de diversion bien utile à quelques heures d'une manifestation nationale contre la réforme des retraites.
Mercredi, Nicolas Sarkozy s'est rendu en catimini en banlieue parisienne, en Seine-Saint-Denis. Sans prévenir, sans journalistes, il a voulu visiter Tremblay-en-France, bousculée par des caillassages et incendies de bus voici trois mois, la cité des 4000 à la Courneuve, et la gare SNCF de Saint-Denis. Sa visite n'a pas du être si discrète que cela puisqu'il a réussi à se faire insulter par un jeune, d'abord présenté comme multi-récidiviste par police, dont l'interpellation fut difficile, toujours d'après la police. Le jeune homme a écopé de plusieurs heures de garde à vue, d'une comparution immédiate vendredi, et d'une dizaine de jours d'arrêt de travail après son arrestation musclée. En juin 2005, la visite de Nicolas Sarkozy sur place, alors qu'il était ministre de l'Intérieur, avait choqué jusqu'aux émeutes inouïes en banlieue au mois de novembre suivant. Autre incident, un journaliste de France 3 Ile-de-France, en reportage sur place, a été giflé par l'un des membres du service de sécurité de l'Elysée.
Mercredi, le Monarque a également fait savoir qu'il annulait sa traditionnelle Garden Party à l'Elysée le 14 juillet prochain. Il veut montrer qu'il fait lui aussi des économies en ces temps difficiles. Annuler l'évènement à 20 jours de son organisation est une belle hypocrisie. Les bons de commandes sont partis... Et d'autres ministères et ambassades maintiendront les leurs... L'an dernier, cette coterie avait coûté 700 000 euros, sans compter les 3 millions d'euros du concert de Johnny Halliday le soir même, une facture dont le montant a finalement été avoué cette semaine par  Frédéric Mitterrand. L'an dernier, les communiquants de l'Elysée avaient soutenu qu'elle coûtait deux fois moins... La veille de ce jour férié, le mardi 13 juillet, Sarkozy a organisé un conseil des ministres qui validera le projet de réforme des retraites en vue de sa présentation au Parlement en septembre. On est sûr que la mobilisation sociale, la veille d'un pont de 5 jours, sera faible. On imagine aussi qu'il filera ensuite, en avion présidentiel, vers la résidence du Cap Nègre de son épouse.


«Parce qu'ils le "Woerth" bien»
L'utilisation des moyens publics à des fins privées est l'une des autres spécificités françaises. En d'autres lieux, sous d'autres cieux, les ministres Christian Blanc, Eric Woerth, Christian Estrosi, Fadela Amara, et Alain Joyandet auraient tous démissionné. En Allemagne, l'utilisation d'une voiture de fonction pour un déplacement privé a coûté sa place à un ministre. Au Canada, il n'y a pas de voiture de fonction. En Angleterre, le scandale des notes de frais a eu raison du tout nouveau ministre des finances de David Cameron.
En France, on cultive nos bananes et on donne des leçons au monde entier. Christian Blanc s'est empressé de dénoncer l'un de ses anciens collaborateurs comme l'auteur de ses dépenses de cigares et des fuites à la presse. Du vrai courage ! Son collègue Joyandet a abandonné son projet d'agrandissement contesté de villa à Saint Tropez.
Eric Woerth a tenté de déminer l'affaire qui l'emporte depuis la publication, le 16 juin dernier, d'enregistrements pirates de conversation entre Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune. Le Woerthgate est devenu une affaire d'Etat. L'épouse du ministre, qui conseille les placements de Mme Bettencourt, a été embauchée quelques mois après l'élection de Sarkozy en 2007. Le gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, a été décoré de la Légion d'Honneur, quelques semaines plus tard par Eric Woerth, ministre du Budget. Des soupçons d'évasion fiscale sont apparus. Eric Woerth, trésorier de l'UMP, était allé en Suisse en mars 2007 récolter quelques fonds auprès de sympathisants UMP. Le comité suisse de soutien à Nicolas Sarkozy comptait environ 150 000 supporteurs avant l'élection présidentielle. La riposte, le week-end dernier, usa de trois arguments. Eric Woerth, soutenu par les proches du président, a crié au complot. Ensuite, il a répété que ni son épouse ni lui n'avaient rien commis d'illégal, ce qui est vrai. Florence Woerth a confirmé cependant qu'elle quitterait les services de Mme Bettencourt d'ici quelques semaines. Enfin, François Baroin a promis de publier les bons résultats de l'action de son prédécesseur Woerth contre la fraude fiscale. Un milliard d'euros auraient été récupérés en 12 mois. On se souvient des gesticulations du ministre du budget en 2009. Il avait créé une cellule spéciale pour accueillir les évadés fiscaux soucieux de régulariser leur situation. Il leur avait donné jusqu'au 31 décembre pour se mettre en conformité avec la loi. Il avait même brandi une liste de suspects, récupérée dans des conditions troubles auprès de la banque HSBC.
Le jeune homme interpellé mercredi soir pour outrage à chef de l'Etat n'aura pas bénéficié de la même clémence. Il n'est pas millionnaire, ni exilé en Suisse.
En fin de semaine, la France médiatique s'inquiétait du licenciement des humoristes Stéphane Guillon et Didier Porte sur France Inter. L'affaire est symbolique. Après les intrigues présidentielles pour sécuriser la reprise du quotidien Le Monde, voici la fin de l'humour caustique et souvent politique, sans oublier d'autres départs ou mises au placard à France Inter. La tranche était la plus écoutée de la station, avec près de 2 millions d'auditeurs. Les patrons de Radio France et de France inter souffrent d'un péché originel prévisible et involontaire : leur nomination directe par le Monarque. Il est aussi toujours surprenant de constater que la complaisance journalistique choque moins que les «saillies» verbales d'une poignée d'humoristes.
Retraites, dialogue de sourds
Les comptes ne sont pas bons. Le chômage a augmenté en mai, dans des proportions inégalées depuis 7 mois. Même le Figaro s'en inquiète. Jeunes et seniors sont durement frappés. La croissance économique restera faible cette année. L'INSEE l'estime à 1,4%. Le gouvernement espérait mieux. Ses prévisions de recettes fiscales en dépendent... Partie au G20 en fin de semaine, Christine Lagarde a tenté de faire bonne figure. La France serait sur de bons rails, avec un plan de rigueur maîtrisé, des investissements stratégiques garantis grâce au Grand Emprunt et une note Triple A stable auprès des agences de notation internationale. Le weekend dernier, le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, avait choisi le Financial Times pour annoncer que de nouvelles mesures de rigueur étaient nécessaires. Parmi les pistes, dévoilées par les Echos, le gouvernement entend réduire de 100 000 nouveaux postes la Fonction publique de 2011 à 2013, dont 34 000 l'an prochain. L'Education nationale perdra 16 000 emplois, et la police retombera, dès 2011, a son niveau d'effectifs de ... 2002.
Après le succès, un 24 juin, à une semaine des vacances scolaires d'été, des manifestations sociales contre la réforme des retraites, le gouvernement joue la montre. Plus de deux millions de personnes se sont retrouvées dans les rues. La grève a frappé les transports publics, les établissements scolaires, les hôpitaux, et même Radio France.
Eric Woerth a dû reconnaître l'importance du mouvement. Lui comme Lagarde ont répété que le Monarque leur avait donné blanc-seing pour aménager certaines dispositions sur la pénibilité, les poly-pensionnés et les carrières longues. Sur le déséquilibre général de leur projet, pas un mot. Les salariés, surtout modestes, supporteront 20 milliards d'euros de l'effort annuel d'économie. Les hauts revenus 230 millions; l'épargne et les entreprises 3,5 milliards. Où est l'équilibre ? Pire, la réforme, qui relève l'âge de départ sans réduire la durée de cotisation, transforme le système français en l'un des durs d'Europe : notre régime national cumulera en effet une durée de cotisations parmi les plus longues (41,5 ans contre 30 ans au Royaume Uni, 35 ans en Allemagne, 36 ans en Italie, 40 ans en Espagne) et des âges de départ et de retraites à taux plein élevés (62 et 67 ans).
Jeudi après-midi, on pouvait entendre des témoignages de salariés au travail précoce se plaindre d'avoir à cotiser 44 ans, des mères de familles aux carrières incomplètes s'indigner de devoir pousser le boulot jusqu'à 67 ans. Nicolas Sarkozy est resté silencieux. Son premier ministre Fillon est intervenu vendredi matin pour signifier une fin de non-recevoir : «Aucune mobilisation ne réglera le problème démographique». A l'Elysée, la messe est dite.
Ami sarkozyste, où es-tu ?

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