Sur un sujet délicat, souvent mal exploité par les philosophes, les intellectuels et autres "experts" en sciences de l'éducation, Jeanne Benameur signe un roman intéressant, réaliste, écrit avant les terribles émeutes de novembre 2005 en France.
Née en 1952 en Algérie, d'un père tunisien et d'une mère italienne, Jeanne Benameur a été enseignante pendant des années dans divers collèges de France. Elle avait à coeur de nous faire passer certains messages qui gravitent autour de l'enseignement et des différents acteurs qui le composent.
Mon avis : avec ce roman, Jeanne Benameur s'est lancée dans une galerie de portraits, débordant d'humanité, prétexte à présenter la vie particulièrement prenante et difficile dans un établissement scolaire de banlieue ; cette banlieue si souvent décriée, accablée de reproches et crainte par les médias. Nous découvrons entre autre une jeune professeur de sciences, issue de la province, fraîchement mutée, dépressive parce que ne supportant pas la vie dans une banlieue difficile et séparée de sa moitié ; une principale de collège qui a tendance à jouer le rôle d'assistante sociale, un professeur de lettres qui n'arrive plus à lire mais qui parvient à changer la vie d'un élève ou encore une adolescente discrète, en échec scolaire, mais qui se révèle formidablement talentueuse pour le dessin...
L'auteur aurait pu, me semble-t-il, développer davantage ces moments de vie, nourris de ses expériences personnelles. Quoi qu'il en soit, à une époque où l'on ne sait plus à quelles saines valeurs se vouer, le lecteur prend inévitablement conscience de la difficulté à enseigner aujourd'hui, et assiste, impuissant, a u naufrage de l'éducation nationale à la française.
Pourtant, Jeanne Benameur refuse la fatalité ; ses morceaux de vie choisis tentent de se départir des clichés trop simplistes et malgré les soucis et la violence, le roman dégage une certaine énergie à espérer des jours meilleurs, où chacun peut avoir sa chance. Pour Benameur, être "présent" demande finalement un investissement de chaque instant, être en vie tout simplement auprès de ces jeunes. Certes, l'auteur ne répond pas aux grandes questions que soulève ce roman mais préfère apporter quelques pistes qui varient selon les individus et les méthodes employées, dans un monde globalisé qui ne cesse de bouger.