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Le mariage est une mauvaise action **/Voltairine de Cleyre

Par Essel

decleyre Cet ouvrage très court est composé de moitié par les extraits d'une courte biographie qu'a retracé Chris Chras de Voltayrine de Cleyre, et de l'autre par la conférence que cette dernière donna en réponse au plaidoyer de la Dr Henrietta P. Westbrook en faveur du mariage, dans les locaux de la Radical Liberal League, à Philadelphie le 28 avril 1907.

Née en 1866 dans le Michigan, Voltairine de Cleyre fut influencée par un père libre-penseur et socialiste, grand admirateur de Voltaire et de sa critique de la religion, et par un grand-père ardent défenseur des positions abolitionnistes. Pour qu'elle ne connaisse pas la pauvreté, son père la place néanmoins pour étudier trois années dans un couvent, dont elle sortira réfractaire à toute autorité. Elle assure alors sa subsistance en donnant des cours particuliers de musique, de français, d'écriture et de calligraphie, tout en commençant à donner des conférences et à écrire dans différents hebdomadaires libre-penseurs. Découvrant l'anarchisme puis le socialisme, sans en épouser les conceptions étatistes, elle défend l'idée d'un anarchisme sans étiquettes, tolérant, féministe et non-violent. En 1905, elle ouvre avec plusieurs de ses amies anarchistes la Bibliothèque révolutionnaire.

Voltairine entame son argumentation par deux questions :

- Comment peut-on distinguer entre une bonne et une mauvaise action ?

- Quelle est ma définition du mariage ?

Pour la première, elle observe que la tendance sociale actuelle s'oriente vers la liberté de l'individu, ce qui implique la réalisation de toutes les conditions nécessaires à cette liberté.

Pour la seconde, elle considère non pas la cérémonie en elle-même, civile ou religieuse, qui rend publique une affaire strictement privée, mais "son contenu réel, la relation permanente entre un homme et une femme, relation sexuelle et économique qui permet de maintenir la vie de couple et la vie familiale actuelle."(p. 39).

En ce qui concerne la vie de couple, elle a la conviction que

"le moyen le plus facile, le plus sûr et le plus répandu de tuer l'amour est le mariage"

car il est voué à être souillé par les "mesquineries indécentes d'une intimité permanente."(p. 40). Mieux vaut garder une certaine distance que fusionner en une entité.

Quant à la vie familiale, elle remarque qu'à notre époque, on peut avoir d'autres soucis que l'effort reproductif pour perpétuer l'espèce. Donc 

"l'épanouissement de l'individu n'implique plus nécessairement d'avoir de nombreux enfants, ni même d'en avoir un seul." (p. 47) "Pour une minorité, l'éducation des enfants représentera le besoin dominant de leur vie tandis que, pour une majorité, cela constituera seulement un besoin parmi d'autres", physiques et spirituels, élémentaires et sexuels, artistiques et intellectuels. L'enfant d'ailleurs n'a pas forcément besoin d'un couple sclérosé pour grandir, bien au contraire.

Enfin, au bout de quelques années d'existence commune, l'interdépendance croît au point d'handicaper chacun dans sa liberté individuelle : sans l'appui économique d'un mari, l'épouse ne peut subsister, tandis que ce dernier, se retrouvant sans elle, se déclare incapable de tenir une maison, de se nourrir et de se vêtir décemment.

Les deux individus ne savourent plus la présence de l'autre, les petits détails mesquins de la vie commune les irriteront, et leur attirance physique, au fil des ans, s'émoussera avec l'altération de leur corps et l'habitude.

Sa conclusion ? "Le mariage défraîchit l'amour, transforme le respect en mépris, souille l'intimité et limite l'évolution personnelle des deux partenaires." (p. 59-60)

Une conclusion ferme et catégorique s'il en est... A nous de faire en sorte que la personnalité de l'un n'absorbe pas l'autre, mais qu'elle aille dans le sens du partage.

D'autres pistes de libre-penseurs :

Wendy Mc Elroy, auteure féministe canadienne,

Thomas Paine, journaliste et pamphlétaire britannique,

Mary Wollstonecraft, écrivaine britannique féministe, épouse de l'anarchiste communiste William Godwin et mère de la future Mary Shelley,

Emma Goldman, célèbre figure de l'anarchisme américain,

Natasha Notkin, militante révolutionnaire russe,

Perle McLead, militante anarchiste d'origine écossaise,

Jean Grave, cordonnier autodidacte, vulgarisateur des thèses de Kropotkine,

Francisco Ferrer, pédagogue et anarchiste espagnol,

Sharon Presley,

Ricardo Flores Magon.

Traduit et annoté par Yves Coleman. - Paris : éditions du Sextant, 2009. - 59 p.. - (Les increvables). - ISBN 978-2-84978-029-9 : 7 euros.


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