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Sarkozy est-il contreproductif ?

Publié le 30 juin 2010 par Juan
Sarkozy est-il contreproductif ?Nicolas Sarkozy est-il contreproductif ? La question se pose, sur deux sujets différents de l'actualité récente: ses interventions répétées dans les médias, de France Inter au Monde, d'une part, et ses récentes annonces sur le plan d'économie de fonctionnement dans ses ministères, d'autre part.
Médias, ou l'effet repoussoir
Le conseil de Surveillance du Monde a voté, de justesse, en faveur de l'offre de reprise conjointe de Mathieu Pigasse, Pierre Bergé et Xavier Niel. Jusqu'au bout, l'Elysée avait cru dans les chances de l'offre concurrente, portée par Claude Perdriel et France Télécom. Ce weekend, les différentes sociétés représentants le personnel avaient plébiscité le trio «BNP».
Las, Perdriel, déjà administrateur du groupe Le Monde, a annoncé en séance lundi qu'il retirait sa proposition, et se rangeait en faveur du trio, un «geste de grand seigneur». Malgré cela, le vote fut serré, 11 voix favorables contre 9 abstentions. «Le Monde vote contre Sarkozy» pouvait titrer le JDD. C'est exactement cela. Le Monarque a soudé contre lui la totalité du journal.
A France Inter, le directeur Philippe Val répète sur tous les toits que sa grille de rentrée aura beaucoup d'humour. Mais l'éviction de Sétphane Guillon et Didier Porte, ainsi que la suppression de plusieurs autres émissions, aura des séquelles. Une manifestation est prévue ce jeudi, devant la Maison de la Radio, à Paris, à l'appel des syndicats et des humoristes licenciés. «Le licenciement de Stéphane Guillon est tout sauf un drame national.» écrit notre confrère Philippe Bilger. Il a raison. La France médiatique s'emballe. Il est des causes plus sérieuses et plus graves. Mais la direction de Radio France s'est plantée. C'est dommage pour elle, et dommageable pour la station publique.
A France Télévisions, il était dit que Nicolas Sarkozy voulait Alexandre Bompard, actuel président d'Europe 1 à la tête de France Télévisions. Quand la nouvelle fut fuitée en avril dernier, le président entra dans une vive colère. A force de personnaliser ainsi la conduite du pouvoir, le Monarque entretient toutes sortes de phénomènes de cour. Quelques courtisans se sont ainsi vantés trop tôt du choix présidentiel. Le président sortant de France Télévisions n'était pas officiellement prévenu. Las, Sarkozy changea son fusil d'épaule. Hier soir, France info annonçait que Remi Pflimin, un ancien de France 3, serait finalement le futur PDG des chaînes publiques. Patatras !
Rigueur, ou tartufferie ?
Le courrier de rigueur adressé par Nicolas Sarkozy lundi à son premier ministre a fait flop. Il y avait de quoi se frotter les yeux en le lisant. Sarkozy parle de «lutte contre les gaspillages», et réclame que le gouvernement soit exemplaire en la matière. Soit. Mais à lire ce courrier, on a surtout l'impression que le Monarque et ses proches sont déconnectés de toute réalité et exigence éthique.
1. Selon Sarkozy, cela signifie que les ministres doivent désormais régler eux-même leurs dépenses privées et n'ont plus se servir de l'argent du contribuable: «Il est également impératif que tous les frais liés à leur vie privée soient acquittés sur leurs deniers personnels et non sur des budgets publics. » On croit rêver. N'est-ce pas une règle évidente de bonne gouvernance, crise ou pas ? Sur le même registre, Sarkozy précise : «Concernant plus généralement les agents publics, je demande que les avantages en nature qui sont concédés à certains d'entre eux soient strictement circonscrits à l'exercice de leurs fonctions.»
2. Sarkozy promet de vendre les deux moyens courriers quand son bel avion Air France One sera livré. On avait quelques difficultés à croire que l'Elysée aurait conservé la jouissance de ces avions en plus de l'Airbus A330 qu'elle a du commander sur instruction présidentiel. Le nouvel Airbus, acheté à Air Caraïbes et rénové de fond en comble, coûtera environ 176 millions d'euros à l'Etat , sans compter  le réaménagement de l'aéroport de Villacoublay en banlieue parisienne (incapable d'accueillir en l'état un tel avion), ni les deux nouveaux Falcon tous neufs (35 millions d'euros prix catalogue) surnommés par l'Armée «Air Carla». SaL'inflation des dépenses présidentielles depuis 2007 est particulièrement affectée par le nombre de déplacements, publics ou privés (aller-et-retour avec le Cap Nègre une vingtaine de weekend par an). Chaque déplacement du président sur le terrain nécessite un cortège impressionnant de voitures officielles, une sécurisation massive des lieux, des centres-villes vidés de leur circulation, etc. Sarkozy s'appliquera-t-il à lui-même la consigne de recourir «de manière privilégiée aux transports ferroviaires» et de limiter le nombre de personnes qui l'accompagnent ? Le Monarque précise même que «les déplacements en avion des agents publics seront prohibés, dès lors qu'existe une liaison ferroviaire de moins de trois heures.» Pourquoi n'a-t-il pas été exemplaire lorsqu'il a récemment visité le Loir-et-Cher (le 1er juin, moins de 3 heures de train), à Marignane, à Morteau et à Laon (en mars), ou à Bruxelles (en avril) ?
3. Sarkozy aimerait que les effectifs ministériels soient réduits (20 conseillers par ministre, et 4 par secrétaire d'Etat). Il n'a jamais respecté sa promesse d'un gouvernement restreint (21 ministres contre 15 promis, et presque autant de secrétaires d'Etat). De surcroît, ses propres effectifs à l'Elysée ont cru de façon incroyable (+10% la première année selon le Figaro).
4. Sarkozy supprime les chasses présidentielles... déjà supprimées depuis 1995 par Jacques Chirac comme l'ont relevé tous les journalistes. Pourquoi donc faire une telle annonce invalidée aussi rapidement ? Sarkozy ne savait-il pas que l'imposture serait aussi vite dévoilée ?
5. Enfin, on attendait quelques clarifications des règles de bonne gouvernance. Le permis de construire d'Alain Joyandet, le cumul des fonctions de trésorier de l'UMP et de ministre par Eric Woerth, les pantouflages à répétition de proches collaborateurs de Nicolas Sarkozy, la rémunération des personnalités missionnées par l'Elysée. En marge de l'affaire Woerth, on apprenait d'ailleurs que la nomination de François Pérol, ex-conseiller économique de Nicola Sarkozy et nommé à la tête des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires (depuis fusionnées) ferait bien l'objet d'une information judiciaire pour « prise illégale d’intérêt ». 
Au final, cet inventaire à la Prévert paraît mal préparé, brouillon, incomplet voire contradictoire. Le Monarque croyait corriger l'image désastreuse donnée par ses ministres et lui-même depuis plusieurs mois. Ses annonces ont peut-être eu l'effet inverse.
Crédit illustration Patrick Mignard

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