2015. L’équilibre mondial a vacillé et la planète est à feu et à sang. Les USA et ses alliés occupent de nombreuses zones d’Eurasie où des séries de catastrophes naturelles provoquent la famine. Les réfugiés migrent en masse vers les pays du Sud où le taux de criminalité explose en laissant des pays entiers en proie au chaos. Pour reprendre le contrôle des régions en conflit, l’Alliance Occidentale déploie ses unités d’élite : les pilotes d’AWG, des appareils à la mobilité et à la puissance de feu phénoménales…
Avec son futur immédiat, même à l’époque de sa sortie il y a dix ans, et des zones de combat telles que le Tibet ou l’Ukraine, dont il a souvent été question au JT dans les quelques années précédant la réalisation de ce titre – et qui restent hélas plus ou moins d’actualité encore aujourd’hui – Gungriffon Blaze se place résolument dans la catégorie des « mechas réalistes » : ici, les combats de mechas se posent sur un fond de conflits géopolitiques qui donnent à cette production un niveau de crédibilité rarement atteint dans le domaine, et surtout sur le média des jeux vidéo. En effet, mises à part des réalisations telles que Patlabor (1), peu de titres du genre situent leur action à une date aussi proche dans l’avenir – en s’évitant ainsi la contrainte de replacer leur intrigue dans un contexte dérivé du réel.
C’est ce qui différencie la série des Gungriffon de la plupart des autres productions du genre « mechas réalistes » dans le secteur des jeux vidéo, qu’il s’agisse de Front Mission, d’Armored Core ou de Mechwarrior – pour n’en nommer que quelques-uns – dont les univers sont placés dans des futurs bien plus éloignés que celui-ci. Mais il ne faut pas s’y tromper pour autant car Gungriffon Blaze ne se base que sur l’action et les délicatesses de la politique n’y servent que d’une toile de fond dont le joueur peut faire totale abstraction : en effet, les six scénarios que propose le jeu sont tout à fait indépendants et ne dessinent aucune trame ; ils sont d’ailleurs tous accessibles dès le départ – même si leur niveau de difficulté croissant fait qu’il vaut mieux les jouer dans l’ordre de présentation – mais vous pourrez débloquer la version « spéciale » d’une mission si vous dépassez un certain score en jouant d’abord ce scénario en mode « normal » : en plus de proposer une difficulté plus élevée, la mission se passera à une heure différente du jour – transformant ainsi un scénario diurne en mission nocturne, par exemple. Sinon, outre les différents types de mechas à débloquer en accumulant points et médailles, les principaux bonus consistent en divers items sous forme de caisses à ramasser au cours des scénarios pour bénéficier de quelques possibilités de personnalisation – hélas assez restreintes et surtout aléatoires, de sorte qu’on ne peut choisir que la catégorie d’amélioration qu’on veut (arme ou équipement) et non quel élément précis sera amélioré (2).
Pour le reste, Gungriffon Blaze se présente sous la forme d’un FPS tout ce qu’il y a de plus classique – y compris dans les défauts de ce type de jeu qui reste encore mal adapté aux consoles. Divers items permettent de récupérer des munitions, du blindage ou du fuel, une fonction de zoom permet de faire le sniper, et le nombre réduit d’armes limite la possibilité de s’emmêler les pinceaux dans les temps forts du jeu. S’il est impossible de personnaliser les touches du pad, plusieurs configurations sont néanmoins disponibles, classées en « débutant » et « traditionnel » et avec diverses variantes. Votre mecha a aussi des capacités de vol limitées, ce qui est souvent utile pour passer certains obstacles ; mais à moins d’utiliser un équipement spécial, vous ne pourrez décoller que trois fois au cours d’une mission. Quant à l’absence de radar et de carte du terrain, la manœuvrabilité et la vitesse de votre engin compensent assez bien ces défauts ; néanmoins, l’HUD propose quelques systèmes de détection, pour les cibles cachées derrière des obstacles comme pour les missiles adverses, et des messages vous préviennent de l’arrivée d’ennemis et de la direction où vous les trouverez. Seul véritable bémol : le titre ne proposant aucune possibilité de jeu multi, même en écran splitté, sa durée de vie reste assez courte – sauf si vous souhaitez y consacrer le temps requis pour débloquer tous les types de mechas disponibles…
La réalisation est honnête pour un jeu de l’époque, en dépit de textures assez grossières et de modélisations parfois sommaires. Tout à fait appréciable, et très jouissive, la possibilité de détruire la quasi totalité des décors – du moins ceux représentant les constructions – ce qui donne une bonne mesure de la capacité de destruction de votre machine. À ce sujet, les impacts de vos projectiles sur les adversaires sont bien retranscris et restituent eux aussi de façon très satisfaisante votre force de frappe. Les bruitages amplifient beaucoup cet effet et sont tout à fait en adéquation avec l’ambiance de folie furieuse de ces combats souvent acharnés ; au point d’ailleurs que cette bande son devient souvent stressante dans les moments les plus forts, quand les projectiles pleuvent de tous les côtés… Enfin, les messages vocaux de vos coéquipiers, saturés de parasites, parachèvent l’ensemble. Quant à la musique, si elle aussi se montre tout à fait adaptée à cette atmosphère de pure boucherie, elle devient hélas vite cacophonique et vous voudrez peut-être la couper.
Loin d’être un chef-d’œuvre, Gungriffon Blaze reste néanmoins une réalisation tout à fait sympathique, très respectueuse des impératifs du genre « real mechas » – jusqu’aux fondements de son univers – et qui saura occuper de nombreuses heures de votre temps. Avec son focus sur l’action pure située dans un contexte quasiment réel, ce titre permet une immersion peu souvent observée dans une production se réclamant de ce genre pour le moins particulier, et qui ravira tous les mechaphiles.
(1) dont les designs de Gungriffon semblent d’ailleurs s’inspirer beaucoup, ce qui n’est certainement pas un hasard ; le titre propose d’ailleurs une galerie en 3D des mecha designs si vous souhaitez étudier au calme le travail des talentueux artistes de Game Arts.
(2) on peut toutefois admettre que c’est une assez bonne retranscription des exigences du champ de bataille, quand les équipements ne sont pas en quantité illimités et qu’il faut parfois « cannibaliser » les réserves prises à l’ennemi pour renflouer ses propres unités…
Notes :
AWG est l’acronyme de Armored Walking Gun ; mérite d’être précisé que dans sa version originale, ce jeu présente les AWG sous le nom complet d’AWGS, pour Armored Walking Gun System.
Gungriffon Blaze est la suite de Gungriffon (1996) et Gungriffon II (1998), tous deux pour la Saturn mais dont seul le premier est disponible hors du Japon à ce jour ; il précède Gungriffon: Allied Strike (2004) pour la Xbox.
Gungriffon Blaze
Game Arts, 2000 (version PAL)
Playstation 2, env. 2 € (occasions seulement)