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Anthologie permanente : William Shakespeare, sonnet 63, quatre traductions

Par Florence Trocmé

Poezibao propose ici quatre traductions du sonnet 63 de William Shakespeare, à l’occasion de la parution d’une nouvelle traduction, celle de Frédéric Boyer, chez P.O.L. (présentation de ce livre).  (La version originale est proposée après les quatre traductions).
 
 
quand mon amour sera comme je suis 
écrasé usé sous la main meurtrière du temps 
les heures l’auront vidé de son sang auront  
strié ridé son front son jeune matin aura  
fait le voyage jusqu’à la nuit escarpée de l’âge 
toutes ces beautés dont il est aujourd’hui le roi  
évanouies ou s’évanouiront sous son regard  
emportant avec elles le trésor de son printemps 
en attendant ce temps je rassemble des forces  
contre le couteau cruel décevant du temps  
pour qu’il ne coupe jamais de ma mémoire 
ma beauté mon amour si mon amant n’est plus  
 
on verra sa beauté dans ces lignes noires  
vivantes où lui restera toujours vivant  
 
William Shakespeare, Sonnets, traduction par Frédéric Boyer, P.O.L, 2010, p. 77. 
 
 
 
Pour quand mon cher amour sera devenu 
Proie comme moi des insultes du temps, 
Usé, brisé, exsangue, le front couvert 
De rides et de taches ; pour quand cette aube 
 
Aura sombré dans la nuit du vieil âge 
Et qu’auront disparu ou disparaîtront 
Tous ces charmes dont pour l’instant il est le prince, 
Et avec eux l’or de l’instant vernal. 
 
Pour ce temps-là je m’arme, contre la faux 
Cruelle du vieillir, qui nivelle tout, 
De façon que jamais, de ma mémoire, 
Ne tombe sa beauté, même tranchée sa vie. 
 
Sa beauté paraître dans les vers que j’écris. 
Ce signes, noirs, vivront, ils le garderont jeune.  
 
William Shakespeare, Les Sonnets précédé de Vénus et Adonis et du Viol de Lucrèce, présentation et traduction d’Yves Bonnefoy, Poésie/Gallimard, n° 437, 2007, p. 221. 
 
 
 
Contre ce que sera l’aimé, tel que moi maintenant 
Écrasé et détruit par la main pernicieuse du Temps, 
Lorsque les heures auront vidé son sang et sillonné son front 
De lignes et de rides, quand son jeune matin 
 
Aura fait son chemin jusqu’à la plein nuit de l’âge, 
Et qu’aura disparu, échappant à la vue, 
Chacune des beautés où pour l’instant il règne, 
Lui dérobant tout le trésor de son printemps, 
 
C’est contre ce temps-là qu’aujourd’hui je m’efforce 
En repoussant de l’âge le couteau destructeur, 
Pour que du souvenir il ne retranche pas, 
En lui prenant la vie, cette beauté de mon amour. 
 
C’est dans ces noirs sonnets qu’il faut la contempler, 
Car ils lui survivront, et lui en eux, éternelle jeunesse 
 
William Shakespeare, Sonnets, Traduction nouvelle de ClaudeMourthé, 1609-2009, Éditions de l’Atlantique, 2009, p. 77 
 
 
 
Pour le jour où, comme moi déjà, mon amour 
Sera broyé, usé par la main destructrice  
Du Temps ; où les heures auront drainé son sang.  
Barré son front de lignes, où sa jeune aube aura  
Cheminé jusqu’à la nuit escarpée de l’âge ;  
Où toutes les beautés dont se pare son règne  
Disparaîtront, ou auront disparu déjà,  
Lui dérobant tout le trésor de son printemps :  
En vue de ce temps-là, je m’arme maintenant  
Contre la faux cruelle du Temps dévastateur  
Pour que jamais la beauté de mon doux amour,  
Sa vie tranchée, ne soit tranchée de la mémoire. 
 
Sa beauté se verra dans le noir de ces lignes  
Qui vivront, et en elles il vivra toujours vert.  
 
William Shakespeare, Œuvres complètes, Tragicomédies II, Poésies, Traduction de Robert Ellrodt, Laffont, Bouquins, p. 823. 
 
 
 
Against my love shall be as I am now, 
With time’s injurious hand crushed and o’erworn ; 
When hours have drained his blood and filled his brow  
With lines and wrinkles ; when his youthful morn 
Hath travelled on to age’s steepy night, 
And all those beauties whereof now he’s king  
Are vanishing, or vanished out of sight, 
Stealing away the treasure of his spring :  
For such a time do I now fortify  
Against confounding age’s cruel knife,  
That he shall never cut from memory 
My sweet love’s beauty, though my lover’s life.  
 
His beauty shall in these black lines be seen, 
And they shall live, and he in them still green. 
 
par Mathieu Gosztola,  


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