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Ce que je suis en réalité demeure inconnu, Virginia Woolf

Publié le 27 juin 2010 par Antigone

CE_QUE_JE_SUIS"Je n'arrive pas à écrire avec cette plume vicieuse, mais il me faut continuer cahin-caha pour vous dire que j'admire réellement ce pauvre Henry [James], que j'ai effectivement lu Les Ailes de la colombe l'été dernier et que j'ai trouvé que c'était là une telle prouesse, à la fois de sa part et de la mienne, que j'estime désormais que lui et moi sommes de vrais compagnons de mérite - je veux dire que nous avons également mérité de la littérature. J'ai tout démêlé. Mais après, je me suis sentie très mal pendant quelques temps. Je suis en train de lire Joyce, et au bout de 200 pages (sur 700), mon impression est que ce pauvre jeune homme n'a guère que des reliefs d'intelligence, comparé même à un George Meredith. Ce que je veux dire, c'est que si l'on pouvait peser le sens d'une page de Joyce, on s'apercevrait qu'il est 10 fois plus léger que celui d'une page de James." Lettre à Lady Ottoline Morrell - 18 août 1922

La correspondance que Virginia Woolf a tenu (dont ici nous ne connaitrons que ses lettres), nous donne à lire un personnage riche, exalté, qui ne mâche pas ses mots, ni ses passions, ni ses aversions. Elle écrit à tout le monde, à de simples connaissances, à sa famille, à ses amis, à son mari, à des confrères. Elle donne des rendez-vous, se plaint du peu de temps que lui laisse les mondanités, parle de littérature, de son peu d'estime pour Henry James, de son admiration pour Proust et Shakespeare, de son amitié avec Katherine Mansfield, de sa rencontre avec Leonard Woolf, de l'attachement qu'elle a pour le groupe Bloomsbury. Le doute la travaille quotidiennement, la soif d'écrire aussi. La douleur qui accompagne son travail, la maladie qui rôde autour d'elle et qui parfois la terrasse, la reconnaissance de son travail d'écrivain, tout cela la rend sensible aux marques d'amitié et d'amour dont elle semble faire son sel journalier. Elle se juge vaniteuse, mais chaque lettre de ses correspondants lui procure un plaisir immense.

"Parcourir les lettres de Woolf, c'est retracer l'histoire du Bloomsbury Group, en découvrir la géographie, depuis Cambridge jusqu'à Londres, en passant par les lieux d'adoption, Paris ou le sud de la France. C'est rencontrer ses peintres, Vanessa Bell ou Duncan Grant, ses mécènes et ses philosophes, ses théoriciens, Roger Fry ou Clive Bell pour l'art, Maynard Keynes pour l'économie, ses écrivains, Lytton Strachey, Edward Morgan Forster, dont Virginia pensait qu'il était sans doute le seul à avoir compris le sens de ses recherches, ou ses journalistes, Leonard Woolf ou Desmond MacCarthy. C'est aussi découvrir tous ceux, amis ou ennemis, qui gravitent autour du cercle, soit parce qu'ils en sont exclus [...], soit parce qu'ils choisissent de rester sur la frange [...]. C'est connaître leurs passions, pour la peinture impressionniste ou la Grèce, leurs amours, homosexuelles pour la plupart, et leurs amitiés, solides malgré de flagrantes imcompatibilités d'humeur, leur ouverture d'esprit aussi bien que leur snobisme. C'est vivre au quotidien leurs illusions, le pacifisme entre autres, leurs succès et leurs deuils."  Extrait de la préface de Claude Demanuelli

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Ce que je suis en réalité demeure inconnu est une lecture passionnante que je suis bien heureuse d'avoir entreprise. Elle révèle combien l'écriture côtoie sans cesse le doute et la frustration. Elle met la lumière sur un personnage dont on a bien souvent, et à tort, une image compassée.
Une lecture essentielle et forte, et un exemplaire terriblement corné auquel je suis dorénavant très attachée.

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Note de lecture : coup de coeur ! - Editions Points - 7.80€ - janvier 2010

J'avais également lu Une chambre à soi, que je vous recommande


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