TOURNEE de Mathieu Amalric

Mélancolique et tourmenté, Amalric décortique et filme la figure féminine, icône américaine déchue, dans ses splendeurs et tristesses, perdue, seule, enthousiaste, évanescente. Dans une mise en scène éblouissante de maîtrise (le prix cannois n’est pas volé), il utilise l’imagerie du New Burlesque et tout l’univers (mensonger, joyeux, illusionniste, entraînant) du spectacle pour saisir les grimaces derrière les sourires, l’envers du décor, le plaisir et les chaînes- tout à la fois- inhérent à l’anticonformisme. Son film est entièrement dédié à un état d’esprit contestataire, à celui d’une vie assumée d’outsider, sur les routes, autant sur la forme que dans le fond, ne prenant appui sur rien d’autre qu’un foutraque revendiqué, trouvant sa poésie et son rythme languissant dans ses errances moroses. Cette vie, ballotée entre mille eaux, entre solitude et effet de groupe, festivités nécessaires et silences des lendemains, trains qui se suivent et opportunités de normalité qui fichent le camp, Amalric la chérit autant qu’il l’abhorre, captant au vol une tranche de vie, entre docu fictionnel et vrai souffle de vie. Ses femmes qui l’entourent, tour à tour alertes, folles, souriantes et abattues, sont les reflets multiples du rejet d’un certain assujettissement social et des contraintes que celui-ci impose, des sacrifices qu’il faut savoir faire, des récompenses (parfois, seulement la chaleur d’un applaudissement) qui éclatent comme des baudruches, des éphémères qui se saisissent comme autant de minces (mais extatiques) rayons de soleil. Il n’y a pas vraiment d’histoire, sauf que l’essentiel est dit. Sur le sens de la vie. Sur son non-sens. Sur le vide et ses personnages, qui s’agitent, s’amusent, se débattent. Toujours affreusement libres, mais prisonniers même de cette liberté.