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Y a-t-il (encore) un pilote dans l’avion ?

Publié le 07 juillet 2010 par Citerne

Après les révélations de l’affaire Woerth, l’Elysée semble avoir de plus en plus de mal à reprendre le contrôle de la situation.

La déflagration produite par l’affaire Woerth a été si puissante qu’elle a tout balayé sur son passage : réforme des retraites, loi sur la burqa, mesure de réduction des déficits…Et l’Elysée ne semble plus en mesure d’imposer l’agenda médiatique au pays.

La réforme des retraites – qui devait être examinée en conseil des ministres mi-juillet – a ainsi été totalement éclipsée. Et plus aucun politique pour débattre des bienfaits réels ou supposés de l’allongement de la durée de travail ou la nécessaire prise en compte de la pénibilité.

De même pour la burqa, qui dans un autre contexte, eût été instrumentalisé par la majorité comme une preuve de sa lutte contre un soi-disant « islamisme rampant » prêt à conquérir la société française. Plus personne de se soucier de cette question.

Oubliées elles aussi, les mesures de réduction des déficits, pourtant exigées par les marchés financiers et que la majorité commençait à nous présenter comme inéluctables.

Face à cette déferlante, les ripostes de l’Elysée ont été jusque-là brouillonnes, trop tardives et inadaptées.

Comment ne pas voir l’effet dévastateur de la volonté de Nicolas Sarkozy de vouloir choisir la date du limogeage de ses ministres fautifs ? Et quel avantage – à part celui de maintenir l’illusion de pouvoir encore dicter sa volonté aux choses – à maintenir ces pauvres hères en sursis au gouvernement, privés de tout réel pouvoir pendant la période estivale ?

Comment croire qu’une circulaire bâclée, envoyée à un premier ministre réduit au simple rang de « collaborateur » puisse faire croire aux Français à une moralisation instantanée de la vie publique ?

Enfin, et le week-end dernier nous l’a prouvé, le président – à vouloir continuer à imposer ses échéances – a même réussi à faire exploser son propre gouvernement, avec la démission à son initiative – quoiqu’en dise l’Elysée – d’Alain Joyandet, qui s’est estimé trahi dans son honneur par les déclarations de Nicolas Sarkozy devant les députés UMP la semaine dernière. Le week-end dernier laisse d’ailleurs Nicolas Sarkozy dans une position encore plus inconfortable que s’il avait décidé d’avancer son remaniement : en effet, nul n’ignore que les deux partants seront inévitablement rejoints par d’autres…menant à deux remaniements au lieu d’un en l’espace de quelques mois.

En vérité, l’exécutif donne l’impression d’avoir perdu la main dans la tourmente et le pays de ressembler à un avion sans pilote.

L’affaire Woerth touche à un sujet explosif en France:  l’argent et ses liens avec le pouvoir et met en lumière la faillite du sarkozysme. En effet, le bouclier fiscal n’était acceptable pour la majorité des électeurs de Nicolas Sarkozy que si la promesse du « Travailler Plus pour Gagner Plus » était tenue. Mais à partir du moment où ce dernier engagement n’est pas respecté, et il ne l’est plus dans le contexte actuel de crise économique, de réduction des dépenses publiques et d’augmentation à venir de la pression fiscale, la politique de Nicolas Sarkozy apparaît comme ce qu’elle est vraiment : une politique de classe, visant à favoriser des clans proches du pouvoir.

Dans ce contexte-là, continuer à adopter l’attitude de la majorité face aux questions de l’opposition sur l’affaire Woerth – c’est-à-dire nier en bloc les accusations, traiter les questions par le mépris et feindre de croire que la soi-disant irréprochabilité de Mr Eric Woerth le place de facto au-dessus de toute question – ne fera qu’envenimer les choses. Ce mépris face aux questions posées s’avérant d’autant plus dangereux qu’il fait écho au mépris que ressentent les classes moyennes et populaires face à leur quotidien.

Il est plus que temps que l’exécutif se ressaisisse, prenne la mesure de la situation et en tire les conclusions qui s’imposent pour tenir l’engagement du candidat Sarkozy d’une « République Irréprochable ». Un « Je vous ai compris » gaullien en quelque sorte. Mais Nicolas Sarkozy en a-t-il la stature ?



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