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Jack Burton : mélange des genres inoubliable

Publié le 07 juillet 2010 par Vance @Great_Wenceslas

Une chronique de Nico

J'ai envie aujourd'hui d'écrire un peu sur l'un des films les plus sous-estimés que je connaisse. 

En effet, les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin ou Big trouble in little China a fait un bide retentissant à l'époque de sa sortie au cinéma (1986) et a même coûté la carrière de son réalisateur John Carpenter qui passa, suite à cet échec commercial, de budgets confortables à des budgets plus modestes. 

Alors bon, "sous-estimé" est peut-être un peu trop exagéré dans le sens où le film gagna un statut "culte" et un gros succès à sa sortie en cassette vidéo, mais je continue de penser que l'on ne parle jamais assez de cette œuvre réellement visionnaire, qui contribua à faire connaître les films HK aux Etats-Unis bien avant la sortie et le triomphe de Matrix ainsi que Tigres & Dragons ou In the mood for love

Ce film, au fait, ça raconte quoi ? 

 

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C'est l'histoire d'un chauffeur de "la Côte de porc express", Jack Burton (Kurt Russel), qui arrive à Chinatown-San Francisco pour retrouver son ami Wang Chi (Dennis Dun). Mais leurs retrouvailles ne vont pas se dérouler comme prévu, car la fiancée de Wang va être kidnappée par le sorcier millénaire Lo Pan (qui aura aussi récupéré et mis dans son antre le camion de Jack). N'écoutant que leur courage, Jack et Wang vont se lancer dans une aventure inoubliable dans laquelle vont se mêler magie chinoise, mythes, monstres légendaires, fantômes et combats. 

Et oui, c'est bien la copine du side kick qui va devoir être sauvée, et non la copine du héros. Ca change non ? En fait pour résumer, le side kick est le vrai héros et le héros est le side kick. 

Car c'est là toute l'originalité : Jack Burton subit d'avantage les événements plutôt qu'il n'agit sur eux. Ce n'est pas un manque de volonté, c'est juste qu'il n'est pas si doué dans l'action qu'il (et que le spectateur) ne le croit. Il ne participera donc pas réellement à l'aventure, il se contentera de suivre son ami Wang. 

Le postulat de départ ainsi que le personnage me font penser au film The Big Lebowski : ce gars simple, enfermé dans un rôle, une image qu'il se donne, et qui suit plus ou moins le déroulement du film en découvrant tout au même moment que le spectateur. Comme Lebowski voulant à tout prix un tapis propre, Jack, lui, cherche son camion pendant tout le film. Il ne comprendra pas ce qui lui arrive, tentant vainement d'avoir des explications auprès de ses acolytes et même du méchant qui n'hésitera pas à le traiter d'ignorant en se foutant ouvertement de lui. Cet échange très drôle entre Jack et Gracie (une journaliste qu'interprète la Kim Cattrall de Sex & the city) est très révélateur de la nature du personnage : pendant une discussion à propos de mythes chinois entre Wang, son oncle et un ami (tous habitants de Chinatown), Jack sort un "doucement, je me sens comme un étranger ici", ce à quoi réplique Gracie "C'est ce que vous êtes !". Logique et vrai. 

Jack est constamment décalé. 

Bizarrement, ce n'est pas cette impression qu'il nous donne dès les premières images. J'imagine qu'à l'époque de sa diffusion cinéma, c'était encore plus difficile de savoir devant quel style de film on était. Il a d'ailleurs été "commandé" à Carpenter par la Fox dans le but de créer un nouveau héros dans le style d'Indiana Jones. Bien entendu, les anecdotes racontent que Carpenter et Russel se sont amusés comme des fous à brouiller les pistes, sachant pertinemment que le film allait être plus "comique" que ce que les producteurs espéraient. Carpenter ne leur montrait que des séquences d'action plutôt basique en montant tranquillement son œuvre de son côté. Il en rit encore, écoutez bien le commentaire présent dans les éditions DVD et BD. 

J'en reviens donc à la présentation de Jack : la première scène avec son ami Wang le montre comme quelqu'un de malin (souvenez vous de la bouteille que Jack échange volontairement avec un gros sourire bien satisfait lors du pari de Wang) et comme un "gagnant" (il remporte tous les jeux qu'on lui propose - "la chance sourit aux débutants" lui rétorquera Wang, ce qui sera assez révélateur de son parcours pendant l'aventure). Cette scène d'introduction pourrait s'apparenter au film dans sa totalité : un Jack qui bat ses adversaire (ici en jouant, puis en se battant plus littéralement), sans comprendre vraiment les règles mais en croyant totalement en lui, sans remettre en cause la chance qu'il aurait pu avoir. Et pourtant, cette chance, c'est peut être le vrai seul talent de Jack, puisqu'elle le sauvera à la fin du film. 

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Un personnage comme Jack, c'est une perle pour un acteur. Mais c'est aussi une prise de risque selon Carpenter, puisque beaucoup ont décliné l'offre. Heureusement que Kurt Russel fut présent pour endosser le rôle, il apporte tellement au personnage. C'est facile : Jack Burton, c'est Kurt Russel. Ou inversement, je m'embrouille. Sa meilleure performance. Que ce soit au niveau de son look ringard inimitable ou de ses punchlines risibles, on peut dire qu'il est une des meilleures raisons de voir ce film. 

Jack est naïf et ne participe pas à l'aventure, mais il n'en demeure pas moins courageux et attachant. Il est prêt à tout pour venir en aide. Il est ultra motivé, et très sûr de lui, comme le témoigne ce dialogue entre Wang et Jack :

« Tu es prêt, Jack ?

- J'étais prêt dans le ventre de ma mère. »

Ce qui est drôle c'est que sa grande confiance en lui déteint sur les autres personnages : Jack Burton semble être une personne connue à Chinatown, il est célèbre pour des exploits dont on n’entendra pas parler ("C'est vous le célèbre Jack Burton ?" comme le dirait Eddie (Donald Li) le maître d'hôtel). Seuls Lo Pan le méchant et ses sbires semblent être lucides sur la situation de Jack et son inefficacité non remarquée par ses amis ("Comme le dirait ce bon vieux Jack Burton" dit Jack, "Qui ?" lui répond Thunder à la fin du film après avoir passé un bon moment à se battre contre lui). 

 

Le héros comme je le disais est donc Wang, l'ami de Jack (présenté avec un chapeau très Indiana Jones en passant...), expert en kung-fu. C'est lui qui fait tout : il guide Jack, il comprend le chinois, il se bat. D'ailleurs pendant qu'il combat une armée avec ses mains, Jack, lui, essaie de retrouver son couteau et de débloquer le cran de sûreté de son flingue.

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Il arrivera après la bataille. 

Au cours de leur aventure, ils vont se retrouver aidés par d'autres personnes, dont le mystérieux et vénérable Egg Shen (Victor Wong). Jack sera alors inclus dans un groupe et sera systématiquement à la traîne. Plus il est aidé, plus il est largué en quelque sorte. Ce qui donnera lieu à de nombreuses séquences totalement surréalistes, comme l'apéritif concocté par Egg et qui agira comme une sorte de drogue pour Jack et ses potes ("Je me sens comme invincible", "J'ai une approche positive de cette situation") ou bien encore comme l'attaque de l'espèce de poisson (« Il ne reviendra jamais plus ! » ; « Quoi, qu'est-ce qui reviendra jamais plus ? »... « C'est pas vrai !... »). 

Nous ne sommes pas face à une comédie pure, jamais le réalisateur ne nous file des coups de coude et nous dit "Vas-y, c'est maintenant qu'il faut rire". L'humour est plus subtil. Carpenter et Russel très heureux de se retrouver dans le commentaire du film passent leur temps à rigoler en insistant sur le fait qu'il est facile de comprendre si une personne a le sens de l'humour (il suffit qu’elle dise qu'elle a adoré le film). 

C'est un film très marrant donc, mais c'est aussi un film d'aventure, une histoire d'amitié, un film de kung-fu, avec des éléments de fantastique, de film d'horreur (on est dans un Carpenter, avec ses scènes un peu effrayantes de squelettes bouffés par des crabes ou un Lo Pan vieillard dont le maquillage peut marquer les plus jeunes spectateurs), de film romantique. Difficile de classer ce film car aucun style ne ressort, c'est un équilibre parfait pour un cocktail de fun réussi. 

On peut rajouter que si le film fonctionne aussi bien, c'est parce qu'il y a une réelle menace qui pèse sur nos héros. Lo Pan (James Hong, Chew dans le film  Blade Runner) est vraiment convainquant. Il n'est pas risible, il n'est pas inutile, il n'est pas ridicule, il est intelligent, il a une présence incroyable, et il est très bien entouré par ses trois gardes que sont Thunder, Rain et Lightning (les trois Trombes, personnages emblématiques du film dont le look aura marqué pas mal de monde). 

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Alors oui, quelques effets spéciaux sont dépassés (le singe surtout), mais ils ne nous font jamais ressortir du film. 

Pour parler un peu plus de l'esthétique générale, on peut dire que les décors sont magnifiques. Pour vous donner une vague idée du look, imaginez la décoration de ces restaurants asiatiques bourrés de décos kitchouilles dont l'origine est indéterminée. La scène de combat à la fin se déroulera d'ailleurs dans un des décors les plus étranges du film puisque l'on trouvera au cœur de l'antre de Lo Pan une immense statue entourée de néons fluorescents rouges et bleus avec un escalator de centre commercial. 

La musique composée par Carpenter himself est également dans le ton foutraque du film, avec des passages lents et hypnotiques, et d'autres rapides et entraînants. La surprise sera pour le générique de fin, avec le titre génial du groupe de Carpenter, tout en synthétiseurs. Immanquable. 

Que dire de plus ? 

Que c'est une suite non officielle des Aventures de Buckaroo Banzaï à travers la 8e Dimension

Qu'à l'origine le scénario se déroulait à l'époque du western. 

Que le film est bourré de références aux films HK de Tsui Hark (le combat entre Egg Shen et Lo Pan par exemple...). 

Que la scène d'ouverture avec Egg Shen interrogé est un ajout de la production, qui voulait que Jack Burton paraisse un peu plus héroïque. 

En tout cas, si vous aimez les films drôles, décalés, avec un mélange de genre réussi, regardez-le. 

Je ne peux que vous conseiller l'achat du DVD ou du BD, car il est rare pour ce genre de films peu connus d'avoir des éditions aussi bonnes. 

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Le DVD collector (dans un bel amaray recouvert d'un surétui avec le T-shirt de Jack) est une mine d'informations inédites et de bonus en tous genres. L'édition française est similaire à l'américaine avec l'addition de sous-titres français nécessaires à la compréhension du meilleur commentaire que j'ai entendu dans un DVD. Seuls un bonus sur le jeu vidéo d'époque et une piste en 5.1 (remplacée par du 4.0) n'ont pas traversé l'Atlantique. 

Reste que l'image et le son sont plus que corrects pour un film de cette période, c'est un régal. 

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Le blu-ray est identique en terme de suppléments, avec en plus la piste musicale. L'image a été revue à la hausse et est une redécouverte totale du film, quant au son, même s'il est nasillard et trop riche en ce qui concerne les basses, reste plus qu'agréable. 

Un petit bémol qui concerne toutes les éditions en HD (BD US, belge et français...) : une ligne de dialogue présente en VF sur le DVD a été simplement effacée et remplacée par du son d'ambiance. Bizarre. En tout cas pas de problème sur le DVD. Alors cela vaut-il le coup de n'acheter que le DVD et pas l'édition en HD ? Non, car la version française du BD offre en cadeau le DVD. 

[NDLR : plus de détails par Nico dans cette petite chronique pour la sortie du blu-ray belge].

Un film vraiment inoubliable, un chef-d'œuvre. 


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