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Taxation des grands héritages: immorale et contre productive.

Publié le 07 juillet 2010 par Objectifliberte

Heritage-ran-tan-plan Une des controverses souvent soulevée par mes contradicteurs concerne l'héritage. Nombreux sont ceux qui voudraient que l'héritage soit lourdement taxé pour "gommer les inégalités" matérielles affectant les individus du fait de leur naissance, pour que "ce ne soient pas toujours les mêmes" qui occupent les meilleures positions matérielles et sociales.

"Taxer l'héritage, une condition nécessaire de l'égalité des chances" ?

Ils soulignent que des pays de tradition relativement libérale - même si les évolutions récentes laissent souvent à désirer de ce point de vue - comme les USA ont toujours maintenu un impôt sur les gros héritages élevé, et que leur capitalisme n'en est pas mort. L'impôt sur l'héritage, selon certains, devrait être confiscatoire, pour favoriser la "mobilité sociale" entre générations. 
C'est ce raisonnement que tenait, par exemple, François de Closets dans son ouvrage "anti-privilège" à succès des années 80, "Toujours plus". Selon lui, l'éthique du capitalisme concurrentiel, "que le meilleur gagne", est incontestable à condition que la taxation de l'héritage corrige à chaque génération les inégalités formées par la génération précédente.
Voyons pourquoi ces raisonnements sont fortement critiquables, tant du point de vue moral que du point de vue de l'efficacité économique et sociale*.
Faut il interdire le Loto ?
Commençons par regarder le problème par le petit bout de la lorgnette. Un gros héritage n'est pas dans son principe différent d'un gros gain au loto. On peut même dire que le gagnant du loto doit sa bonne fortune uniquement à la chance, alors que le héritier, s'il n'a pas de mérite personnel à son héritage, n'en est pas moins le destinataire naturel des fruits du mérite de ses parents. D'une façon générale, il s'agit de gros transferts d'argent vers des gens qui ne les ont pas "mérités", au sens premier du terme.

Ceux qui voudraient appliquer aux gros héritages une taxation confiscatoire au motif qu'un tel gain serait injuste pour ceux qui n'en bénéficient pas sont ils favorables à l'interdiction des jeux de hasard ? S'ils répondent non, ou s'ils valident régulièrement leur petit bulletin à un comptoir de la française des jeux, alors ils sont incohérents.

Assez joué, intéressons nous à des arguments ô combien plus essentiels.


Le patrimoine, une inégalité parmi d'autres

Les inégalités matérielles ne sont pas les seules auxquelles font face les individus. Certains hommes courent plus vite que d'autres et peuvent se servir de ce talent pour vivre. D'autres sont doués pour un sport. D'autres sont plus intelligents, et d'autre plus beaux.

Or, ces deux dernières caractéristiques ont souvent une influence déterminante sur le parcours social des personnes concernées. Des tests grandeur nature ont montré, notamment, que les femmes ou hommes gros ou physiquement disgracieux avaient plus de difficulté à obtenir des entretiens d'embauche que les autres, et que la probabilité, pour une femme considérée comme belle, d'épouser un homme riche, était plus élevée**.

On peut même affirmer que les personnes "défavorisées de par leurs acquis générationnels", comme c'est bien dit, seront plus souvent en concurrence frontales avec des gens de condition matérielle proche, mais plus beaux-grands-forts-intelligents qu'eux mêmes, qu'avec des nobliaux nés avec une cuiller dorée dans la bouche. Les inégalités "naturelles" risquent donc, dans la vie de tous les jours, de se révéler bien plus cruelles que les inégalités matérielles.
Faut il taillader le visage des belles femmes pour parvenir à l'égalité devant le physique ? Couper un pied aux sprinters ? Lobotomiser les gens aux aptitudes intellectuelles supérieures ? Attacher des poids aux pieds des bons nageurs ?  Tout le monde pourra je pense admettre que ce seraient là des formes particulièrement odieuses de compensation des supposés désavantages naturels de certains.
De même, les enfants qui naissent dans un milieu social aisé tendent à recevoir une éducation leur permettant d'accéder en moyenne à des emplois mieux rémunérés que les autres. Les enfants d'enseignants, de ce point de vue, sont en France dans une situation particulièrement privilégiée : faut il séparer de force les enfants d'enseignants de leur famille pour "rétablir l'égalité des chances" ? Quiconque proposerait une telle réforme serait à juste titre taxé de Pol-potisme et voué à la marginalisation éternelle.
S'il parait choquant de vouloir corriger de façon coercitive les inégalités devant les aptitudes physiques, intellectuelles, ou parentales, pourquoi serait-il plus juste de vouloir y parvenir en prenant par la force le patrimoine qu'une génération a bâti, souvent en vue de le transmettre à ses enfants ?
Le "handicap" n'est pas insurmontable
L'héritage pécuniaire n'agit-il pas comme un obstacle à l'ascension sociale de ceux qui n'en bénéficient pas ? C'est ce qu'affirment certains défenseurs de leur forte taxation.
Les personnes qui reçoivent un héritage financièrement moins intéressant que d'autres, lorsqu'elles sont volontaires, développent souvent des capacités autres qui leurs permettent de surmonter ces différences. Certains sont plus travailleurs, d'autres développent leur intelligence alors que ceux qui vivent dans la facilité tendent à la laisser en friche, certains se cultivent, d'autres développent des aptitudes innées à saisir les opportunités, d'autres transforment une passion en métier, etc... Bien sûr, certains n'y arriveront pas. Mais certains "mieux nés" vont également gaspiller leurs avantages initiaux: paresse, vie dissolue, mauvais choix...

Le riche établi est il l'ennemi du riche en devenir ?

Bref, sous réserve que la société ne dresse pas de barrières de type "féodales" ou "nomenklaturistes" à ceux qui naissent "moins bien dotés", avoir plus - d'argent, de beauté, de capacités cognitives, d'amour parental - au départ n'est absolument pas une garantie de réussite, et les personnes moins dotées au départ peuvent malgré tout espérer de belles progressions sociales et matérielles. Et quelle doctrine est la plus favorable à l'éradication de ces barrières, sinon la doctrine libérale ?

Car le patron riche ou le politicien qui voudra préserver sa position sociale sans accepter de la confronter à tout instant à des compétiteurs aura intérêt à rechercher les faveurs de l'état pour se faire voter des lois sur mesure: privilèges nobiliaires ou "nomenklaturistes", octroi de monopoles, de subventions généreuses, ou réglementations trop coûteuses pour une start up... Toutes sortes d'interventions que seul un état peut garantir, et que les libéraux combattent avec acharnement.

Ajoutons au contraire que nombre de "possédants"  se muent généralement en capital-risqueurs ou en mécènes qui vont investir dans des projets de jeunes entrepreneurs dynamiques mais sans moyens, lesquels créeront à leur tour emplois et pouvoir d'achat... Le riche, dans une société libérale, n'est pas un obstacle à l'apparition de nouveaux riches, bien au contraire. Seule une société réglementée, fragmentée en castes plus ou moins formelles, bref, une société anti-libérale, peut placer un plafond de verre hermétique sur les aspirations à l'élévation sociale des moins bien lotis par la naissance.

Pourquoi attendre la mort pour spolier, si spolier est acceptable ?
Ajoutons que compte tenu de la croissance de l'espérance de vie des individus, et notamment des gens riches, la spoliation des gros héritiers par l'impôt risque de se produire alors qu'ils auront profité de la richesse du père ou de la mère pendant de très nombreuses années. Faudrait-il dans ce cas, pour corriger cette inégalité flagrante, interdire aux riches d'élever leurs enfants ? Ou "mieux", interdire la richesse ?
Hormis quelques paléo-marxistes attardés, tout le monde admettra que les sociétés qui prétendaient imposer l'égalité matérielle par la force ont entrainé plus de 85% de leur population dans la grande pauvreté, seules les classes dirigeantes s'exonérant des contraintes finalement indésirables de l'égalité dans la pauvreté...
Si vous garantissez à tous que personne ne pourra s'enrichir par son mérite, pourquoi vouloir s'élever, créer, inventer ? Celui qui s'enrichit honnêtement, dans une société libérale, est celui qui trouve des moyens d'améliorer l'existence de ses semblables, au point que ces derniers sont prêts à payer pour ces moyens, volontairement. Les sociétés prétendument sans classes que les pays de l'est ont expérimentées des décennies durant ont montré combien l'absence de cette motivation à rechercher à améliorer la vie des autres avait plongé ces pays dans la misère et la décrépitude. Bref, interdire la richesse n'est pas une option, et disloquer les cellules familiales à haut potentiel non plus.
Vouloir taxer lourdement l'héritage au motif qu'il donnerait à certains des avantages de départ trop importants est donc tautologique, à partir du moment où l'on accepte qu'il existe des gens qui s'enrichissent par leur mérite: l'enfant du riche profitera de toute façon pendant longtemps de la richesse de ses parents, de mille et une façons possibles. Et il n'y a aucun moyen non extrême d'empêcher cela.
Vouloir sur-taxer l'héritage est donc totalement incohérent dans l'optique de la recherche de l'égalité. Les défenseurs d'une telle surtaxe ne peuvent donc se cacher qu'il ne s'agit que d'un racket fiscal supplémentaire dirigé contre ceux qui réussissent. Peut-on justifier cette spoliation sur des bases économiques et sociales ?
La spoliation n'est pas efficace socialement
Prendre de l'argent  à des familles dont les ancêtres ont prouvé qu'ils pouvaient créer de la valeur pour le donner à l'agent économique le plus inefficace et gaspilleur qui soit, l'Etat, est totalement contre productif. Quand bien même l'on rencontre des héritiers qui sont moins compétents que leurs aïeuls, qui dilapident l'héritage familial, il y a peu de chance pour que collectivement, les héritiers de grandes fortunes puissent faire un plus mauvais usage de cet argent que l'état.
Si les héritiers réussissent à faire fructifier l'héritage reçu, cela veut dire que leurs entreprises ont continué à bien satisfaire les besoins de la population, se sont adaptées au progrès, à l'évolution des besoins, etc... Si ils dilapident leur fortune, celle ci profitera également à d'autres. Dans tous les cas, l'état touchera sa part d'impôts.
Mais si vous prenez tout de suite l'argent pour le donner à l'état, quand bien même celui ci le redistribue, alors vous coupez toute chance pour que les héritiers puissent faire fructifier le patrimoine familial, et vous irez sponsoriser un important pourcentage de dépenses inconséquentes, quand bien même une partie de la dépense publique puisse se révéler utile.
Taxer les flux plutôt que le stock, c'est bon pour les classes moyennes
Une objection courante est que la vente du patrimoine à un autre investisseur pour pouvoir payer la succession ne fait que changer le propriétaire dudit patrimoine, et que le nouveau management aura tout autant à coeur que l'héritier de le faire fructifier.
Certes. Mais le repreneur, s'il est lui même soumis à un fort risque d'imposition sur l'héritage, ne sera guère tenté de donner de la valeur à ce patrimoine. Il y a donc de fortes chances que le repreneur, si repreneur il y a soit soit étranger, ou domicilié à l'étranger, ou encore qu'il ait organisé longtemps à l'avance sa vie pour pouvoir programmer une évasion fiscale en règle en cas de malheur.

"A la bonne heure", direz vous, "l'impôt sur l'héritage attire du capital étranger dans les caisses de l'état". Il n'y a pas de quoi s'en féliciter. En contrepartie, les riches français - et même les "petits riches" -  auront tendance à vouloir, de leur vivant, aller mettre leur capital à l'abri, en développant leurs avoirs dans des pays à faible taxation du patrimoine et de l'héritage, voire en s'y installant. Et les repreneurs des actifs français n'auront pas les mêmes vélléités de développer la valeur de leurs acquisitions sur notre sol.

Or, la vraie richesse d'une population réside dans sa capacité à posséder des actifs de valeur. Si ces actifs changent de pavillon sans que l'émergence de nouvelles entreprises ne compense ces fuites, alors à terme nous serons une nation de salariés, salariés dont l'avenir sera suspendu en grande partie à des centres de décisions lointains et éloignés de nos préoccupations. J'ai beau être un défenseur acharné de la mondialisation, je ne vois aucun avantage à ce que nous ne soyons pas capables de conserver une part prépondérante des actifs que nos ancêtres ont contribué à bâtir.

Lorsque ceux qui savent fructifier la richesse ne peuvent le faire, ce sont au final les salariés, dont les entreprises n'ont pas assez d'argent pour développer leur appareil productif, qui en pâtissent: qui dit appareil de production moins performant dit moindres rémunérations, et, au final, chômage. Et au final, la base taxable de l'état est très loin de grandir autant que si la taxe n'avait pas existé. Capital et travail, capitalistes et salariés ne sont pas ennemis l'un de l'autre, ils sont indispensables l'un à l'autre.
Un autre impôt sur le capital, l'ISF, a tellement fait fuir de gens capables de créer de la valeur que certaines études ont estimé de façon très conservatrice qu'il rapportait 4 à 8 fois moins que ce qu'il coûtait en recettes perdues pour la France. Et qui doit payer, dans ce cas, les impôts nécessaires au train de vie l'état ? Les classes moyennes, celles qui ne peuvent pas contourner l'impôt !
Supprimer les impôts sur le capital, et notamment l'ISF et les droits de succession, permettrait non seulement de maintenir en France des fortunes existantes, mais d'attirer en France nombres de fortunes aujourd'hui installées ailleurs, et enfin et surtout de faire fructifier prioritairement chez nous ces capitaux de départ. Et les surcroît d'impôts engendrés sur les flux d'argent (revenus et TVA), plutôt que sur le stock de patrimoine constitué, créditeraient le trésor public de bien plus de recettes que le millefeuille fiscal actuel, taxant à la fois le revenu, l'accumulation de capital, et la transmission du capital, un cumul qui favorise toutes les évasions.
Laisser à l'ascendant le choix du légataire

La loi française prévoit à la fois une forte taxation des gros héritages, une taxation encore plus forte des héritages hors ligne directe, et ne laisse pas libre l'ascendant du choix de ses légataires.

Il va de soi que l'aïeul, déjà fort lourdement taxé de son vivant sur les revenus qui ont permis la constitution de ce patrimoine, devrait être libre d'affecter l'héritage à qui bon lui semble - Et tant pis pour ses enfants s'ils n'ont pas su se faire aimer de leur ancêtre, ou s'il ne les juge pas compétents pour reprendre l'affaire de famille -, sans que l'état ne vienne se repayer sur la bête après son décès, surtout s'il préfère transmettre un patrimoine à un cousin ou une oeuvre de charité plutôt à qu'à un fils.

Reconnaître le droit de propriété dans sa pleine et entière acception devrait pousser les états à avoir la décence de laisser ceux qui ont su former du patrimoine et le faire fructifier choisir à qui ils transmettront leur héritage lorsqu'ils en jugeront le moment opportun, au décès, ou avant.

Conclusion

Ni l'égalitarisme, ni l'efficacité économique et sociale, ne donnent à l'impôt sur l'héritage de justification irréfutable, et encore moins si cet impôt vient à se révéler confiscatoire. 


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* Je précise qu'ayant moi même aucune perspective d'héritage conséquent, je ne suis pas en train de plaider pour ma paroisse.

** Ce genre de remarque politiquement incorrecte vous fait généralement passer pour un dangereux machiste réactionnaire. Mais que voulez vous, ce n'est pas parce qu'une vérité est déplaisante à certains bien pensants qu'elle cesse d'être vraie.
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