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La réalité dépasse la fiction… ou l’inverse, enfin je ne sais plus trop

Publié le 29 mai 2010 par Luxyukiiste

Ceux qui me connaissent le savent, et les autres méritent une explication : depuis quelques mois, je parcoure régulièrement la blogosphère catholique traditionnaliste, par curiosité tout d’abord et aussi pour l’effarement que me procure cette lecture. Mon ancien article explique en long et en large le détail de leurs opinions, mais pour les autres, résumons : imaginez un monde centré sur lui-même, vivant dans le rejet complet de tout ce qui n’est pas purement catholique, traditionnel, et se montrant volontiers révisionniste, antisémite, misogyne, homophobe et j’en passe. Quand on était jeunes, on imaginait que seuls les Etats-Unis hébergeaient ce genre de spécimens extrémistes chassant le grand Satan au quotidien, qu’on adorait haïr en écoutant Marilyn Manson. Et pourtant, en vérité, ils sont partout, et ils se font même parfois entendre quand l’actualité s’y prête. Parfois, au bout d’un énième billet haineux et ridicule, on en vient à se poser une question : et si tout ça n’était qu’une grosse farce ? La loi de Poe nous donne peut-être la réponse… Ou pas.

La loi de Poe, comme les Lois de l’Internet, est une expression née sur un forum de discussion, catholique évidemment, lors d’une discussion sur le créationnisme. Pour parodier les croyants les plus bornés, certains utilisateurs postaient de faux messages ressemblant à s’y méprendre aux originaux. D’où la loi de Poe : à son niveau critique, le fondamentalisme est tellement effarant qu’il devient impossible à exagérer et à parodier. Il s’avère alors très difficile de différencier un vrai message d’un faux, et un article parodique d’un article authentique. Quand on visite régulièrement des blogs comme Les Intransigeants (censuré sur Google) ou E-Deo, on pense parfois avoir tout vu mais, à chaque fois, un nouveau billet vient nous surprendre. Complot juif, complot satanique, défense du fachisme, haine des femmes, et j’en passe, et des meilleures, ou plutôt des pires… Leurs avis sont tellement extrêmes qu’ils sont indépassables et que l’original finit par devenir sa propre caricature. Pour se moquer de ces énergumènes, il y a donc deux solutions.

La réalité dépasse la fiction… ou l’inverse, enfin je ne sais plus trop

Première solution, parodier clairement : avec le pastafarisme et le Flying Spaghetti Monster, l’américain Bobby Henderson a voulu ridiculiser avec humour la décision de l’état du Kansas d’enseigner l’évolution et le créationnisme de manière égale. Considérant que l’idée de Dieu n’était pas plus crédible que celle d’un monstre géant en spaghetti, il rédigea une lettre ouverte à l’attention du comité d’éducation pour réclamer la place que méritait sa théorie. Depuis, le mouvement parodique est devenu célèbre et représente un symbole de la lutte contre l’Intelligent Design. Hilarant et délirant, le pastafarisme ne tombe pas sous la loi de Poe car sa nature humoristique n’est pas à démontrer. En revanche, certains fake sites américains, très difficiles à juger, jouent en plus un jeu qui n’est pas sans risques.

Par exemple, la Landover Baptist Church, une fausse église consistant en un site web et un forum, créée par Chris Harper, ancien étudiant de l’université fondamentaliste Liberty University dont il s’est fait virer pour avoir exprimé des opinions indésirables. J’étais tombé sur ce site suite à un lien posté sur IRC, et j’ai vite découvert ce topic au titre fracassant, ATTENTION SLUTS : Why women get raped (Ecoutez les salopes : voici pourquoi les femmes se font violer) ; le sujet revenait sur cette loi de la ville de Wasilla, en Alaska, dont la particularité est d’avoir eu la tristement célèbre Sarah Palin pour maire. A cette époque, une loi aurait obligé les victimes de viol à payer leur kit de viol, nécessaire aux prélèvements ADN et tout le bazar. La logique est simple : si vous vous faites violer, c’est un peu de votre faute. Comme le dit l’auteur du topic, s’habiller comme une salope, ça se paye un jour ou l’autre. A ce niveau-là, et sans trop faire attention au reste, malgré l’étonnement, on se dit que, finalement, on a déjà lu à peu près la même chose ailleurs. On circule et on passe à la suite.

Sauf que : sur la page des Terms of Service, un texte en blanc sur blanc indique que le site est une oeuvre de fiction satirique, vouée donc à caricaturer les plus extrémistes en poussant tous les voyants dans le rouge. Avec un peu d’attention, on remarque quelques phrases franchement con qui font tiquer ; la boutique en ligne lève toute ambiguïté, on est bien face à une satire rigolarde. La Landover Baptist Church, en l’annonçant sur son site, finit fatalement par tromper moins de monde, reste que ce genre de sites me gênent sur un point : en s’exprimant comme le ferait un véritable extrémiste, les trolleurs du site peuvent donner le sentiment que ces opinions peuvent être librement partagées, sans la moindre honte, et placées sous le signe de la foi alors qu’ils la pervertissent. Je ne pensais pas, il y a quelques jours, qu’un site comme God hates fag puisse exister, et pourtant, contrairement à la Landover Baptist Church, la Westboro Baptist Church existe vraiment. Son président, Fred Phelps, est un fou dangereux anti-tout et son église s’est spécialisée dans la haine des homosexuels. Comment devrions-nous réagir face à ça ? Si j’aime voir les extrémistes se ridiculiser, je ne pense pas pour autant qu’il faut aller les nourrir. Le cas le plus louche sur lequel je suis tombé reste le site Christwire.

La réalité dépasse la fiction… ou l’inverse, enfin je ne sais plus trop

Comme la Landover Baptist Church et d’autres sites, Christwire suscite le débat sur le net autour de son véritable statut : humour ou sérieux ? En premier lieu, j’ai lu l’article How to spot a masturbator, et il ne m’a pas vraiment choqué. Peut-être qu’à force, je deviens blasé et difficile à surprendre ? Comme si n’importe lequel de ces articles pourrait être vrai tellement le monde est plein de choses insoupçonnables… En gros, l’article explique que la masturbation est un danger pour l’économie, car elle fatigue et perturbe celui qui la pratique, et le détourne de sa mission quotidienne de travailleur. Ensuite, on se concentre sur les différentes manières de repérer quelqu’un qui vient de se masturber, un petit guide à l’usage des mères moralistes inquiètes pour leur foyer. Au vu des propos aberrants déjà lus sur la sexualité ici et là, cet article ne m’a pas vraiment choqué : en effet, quand on lit que les musiques rock sont une création juive pour nous faire perdre la raison et nous pousser à la sexualité, et que c’est dit sérieusement, où est l’humour ici ? N’y a t’il pas assez de propos aberrants ici et là pour ne pas en rajouter ? Certes, face à cet article, relatant la création de l’ours-poulpe par une team de généticiens (photo à l’appui), on se dit soit que tout le site est une parodie, soit qu’un inscrit est en train de foutre la merde. Reste que je ne comprends pas bien ce qui motive à passer autant de temps à s’occuper de tout ça, alors que les plus extrémistes n’ont pas besoin d’être excités. Leur propre production suffit largement à avoir notre quota de fail quotidien, et le pire, dans tout ça, c’est bien cette loi de Poe, qui nous fait aussi comprendre qu’il y a toujours de grandes chances pour que ce qu’exprime un article parodique soit pensé par certaines personnes. J’ai lu tellement de choses délirantes ces derniers mois que je ne me suis pas méfié. Et, entre deux blagues, je me dis qu’il n’y a pas de quoi rire car certaines opinions sont trop graves pour être oubliées.

La réalité dépasse la fiction… ou l’inverse, enfin je ne sais plus trop

Et à part ça ? Un article qui plairait certainement à nos amis : sur le blog Zone Zero Gène, on se demande comment faire face aux questions sexuelles de nos enfants, et on montre que la révolution sexuelle n’a pas encore atteint tout le monde. Encre un combat qu’on mènera sans (et contre) les conservateurs, pour le plaisir, contre le sexisme et la culpabilisation. Plus que jamais, il est temps de se rendre compte que le silence fait des ravages et que non, les filles ne sont pas des sucres qu’on doit mettre sous cloche jusqu’à leur 25 ans. Merci bien à Gaelle-Marie pour ce billet, et pour ce blog qui va droit au but, sans langue de bois… C’est le cas de le dire.
(ah, puis dites bonjour au nouveau root du site)


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