Affirmer qu’on va écrire, quand rien ne vient appuyer cette bonne résolution, laisse place à un grand regret personnel et à une seule question : pourquoi ? Que s’est-il donc passé depuis le 16 juin qui ait ainsi bloqué l’idée même de regarder mon écran pour des motifs personnels et non professionnels ? Même si je vois bien qu’en juin dernier, dans le cours des deux textes écrits, je suis rentré dans ma propre vie par le biais de motifs qui touchent à mon travail quotidien.
Je peux ajouter à mes voyages précédents un aller et retour en Italie sur la Route d’Hannibalet un autre à Bruxelles pour mesurer là aussi combien la notion même de tourisme est en train de changer. Et cette semaine, un aller et retour à Strasbourg, histoire de mobiliser des parlementaires européens et de mesurer…les travaux que j’aurai à faire cet été dans mon appartement strasbourgeois. Mais cela de fait n’intéresse que moi et reste autour de ma tête comme une succession de moments, trop pleins de petits riens, qui jouent à faire un tout.
Sur l’essentiel, il me reste donc à écrire et ce soir encore en me citant.
Dans les allées d’un site de pèlerinage, où l’on venait se mettre en règle avec les dieux et prendre leur message, en accumulant les offrandes statuaires, comme on offre des cierges aujourd’hui, celui de Delphes, il y a certainement une forme de miracle qui se perpétue, même aux yeux de ceux qui ne veulent pas le voir ou ne croient pas au miracle.
Une inspiration, autrement dit.Allez…une dernière citation, un peu longue et vraiment conclusive. Et pour ceux qui veulent en savoir plus, le site de l’Institut Européen des Itinéraires culturels est là pour les accueillir.
“Le tourisme classique est fondé sur l’identification chez les « clients », voire la création artificielle, d’un rêve d’évasion, de dépaysement, d’inconnu qui s’est traduit par l’époque du tourisme de plage et d’exotisme, période qui est loin d’être encore terminée. L’industrie touristique a mis au service de ce rêve une filière de plus en plus intégrée qui réunit dans le même capital les moyens de transport, les structures d’accueil, les offres gastronomiques et les visites touristiques. Si le produit peut s’adapter au plus grand nombre, alors les prix peuvent être réduits, tandis que les bénéfices restent élevés du fait de la standardisation réduisant les besoins en recherche et développement. La culture de « l’Autre » est alors réduite, le plus souvent à une vision folklorique, caricaturale, d’un exotisme de pacotille.
Le tourisme culturel est fondé lui aussi sur un rêve d’évasion et de connaissance, de dialogue avec l’inconnu, avec l’Autre. Mais il exige une diversification des moyens de transport, dans le respect du développement durable. Il implique une expression réelle du désir personnel et une satisfaction du besoin de contact personnalisé. Il repose sur l’imaginaire littéraire autant que sur le besoin de connaissance. Par essence, dans un tel cadre, aucun voyage ne peut correspondre à un autre, ou plus exactement, la même proposition doit pouvoir s’adapter à des approches individuelles et culturelles très différentes.
Dans ce cadre là, aucune intégration du capital n’est possible. L’économie du modèle est décentralisée, elle doit permettre des retombées locales et nécessite un partage des responsabilités. Elle bénéficie de plein droit de la flexibilité apportée pour les nouvelles technologies.La notion de réseau est alors centrale pour assurer le partage des informations, de la communication, des financements, des prises de risque et une cohérence maximum.Cependant, durant des années, le tourisme de masse et même le tourisme culturel ont considéré la culture et le patrimoine simplement comme des « moyens » au service des « produits » et ont demandé à ces moyens de s’adapter aux contraintes économiques du marché. Les business modèles du tourisme culturel étaient au fond peu différents de ceux du tourisme en général ; seuls les prix étaient plus élevés étant donné la recherche nécessaire et l’accompagnement de qualité et en faisait un tourisme d’élite.
On peut dire que le nouveau tourisme culturel est aussi un tourisme de « masse » puisqu’il touche des millions de personnes, mais il est éclaté en autant de démarches individuelles.Autrement dit, le succès du tourisme de pèlerinage, du tourisme de randonnée, du tourisme vert, dans lesquels les valeurs, le partage, le bénévolat, le partage des coûts ont pris une importance considérable, a bouleversé ce concept économique.
Une économie sociale, prenant en considération le capital social – au sens de la définition de l’OCDE et des travaux du Conseil de l’Europe – a fait son entrée dans le domaine touristique, nous obligeant ainsi à repenser les modèles et à revoir les grilles d’analyses d’impact et la nature des indicateurs. Les travaux de Joseph Eugene STIGLITZ, pour ne citer qu’un seul auteur, remettant l’individu au centre des phénomènes économiques, replacent donc la culture individuelle au centre du désir touristique et le partage au centre de l’économie touristique.Un Forum comme celui de Delphes nous amène certainement à repenser la gouvernance et le modèle économique des itinéraires culturels dans le contexte de la réflexion de Philippe MADEC, architecte, qui était citée en ouverture de la troisième table ronde : « La culture n’est plus le contexte de nos actions, elle est la condition même de leurs accomplissements ».
Photos : Ensemble El Chordais, Aurige de Delphes
Partager et découvrir