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L'étude du Credit Suisse sur la structure de l'économie suisse

Publié le 10 juillet 2010 par Francisrichard @francisrichard

rapport credit suisseLe Crédit Suisse, cette semaine, a publié en ligne une étude sur la Structure de l'économie suisse de 1998 à 2020 ici qui a retenu mon attention

Bien que je méfie de la macro-économie parce qu'elle a tendance à généraliser inconsidérément, je reconnais que les photographies successives de l'économie d'un pays permettent de se faire une idée de son évolution économique.

Les deux premières phrases de l'éditorial de cette étude donnent le ton :

"Dans les années 2005 à 2008, la Suisse a connu un véritable boom économique et est sortie gagnante d'une crise financière et économique sans précédent. Il y a encore quelques années, personne ne l'en aurait cru capable".  

Certes ceux qui dénigrent systématiquement la Suisse pourraient avoir beau jeu de dire que ces propos sont tenus par des économistes de la seconde grande banque du pays et qu'ils sont donc sujet à caution. Seulement les chiffres d'une décennie sont là pour les confirmer.

L'étude du Crédit Suisse s'est intéressée aux secteurs secondaire et tertiaire de l'économie qui représentent 95% des emplois.

Entre 1998 et 2008 le nombre d'emplois a progressé de 1,3% par an dans l'ensemble de ces deux secteurs avec une croissance de 1,6% par an des emplois dans l'industrie de pointe, 2,2% par an dans les services administratifs et sociaux, 2,2% par an dans l'information, communication, IT et 3,7% par an dans les services aux entreprises. Cette tertiarisation de l'économie caractérise bien les économies évoluées.

L'étude divise en quatre périodes les dernières années passées :

- 1995-1998 (séquelles de la stagnation des années 1990)

- 1998-2001 (boom dot-com)

- 2001-2005 (effondrement dot-com)

- 2005-2008 (boom des exportations)

"L'analyse révèle que c'est surtout dans les années conjoncturelles difficiles (1995-1998, 2001-2005) que les emplois sont transférés de Suisse à l'étranger"

La baisse des effectifs, due à la délocalisation, est flagrante, même en dehors de ces années difficiles, dans des branches et des entreprises moins bien positionnées telles que l'industrie textile et l'industrie des machines, qui font partie de l'industrie traditionnelle (-0,4% par an des emplois sur la décennie).

L'outsourcing de prestations en Suisse s'est considérablement développé de 1998 à 2008 :

"Les services en lien avec le bâtiment ont été très largement externalisés : l'emploi dans la branche "Activités combinées de soutien lié aux bâtiments" a triplé, et les services de nettoyage ont grimpé de 28%, l'"outsourcing" des ménages privés jouant ici un rôle important. L'externalisation de services de surveillance et de sécurité à des entreprises spécialisées a mené à une croissance de l'emploi de 93%. On entend souvent le terme d'IT en lien avec l'outsourcing. En fait, le nombre d'entreprises IT est passé d'environ 7200 à 11100 durant la dernière décennie, l'emploi ayant augmenté de 77%."

Cette externalisation a au moins la vertu de réduire les coûts quand l'entreprise spécialisée à laquelle il est fait recours est plus productive que soi.

A propos de productivité il faut remarquer que si le PIB par habitant et le pouvoir d'achat sont élevés en Suisse, le PIB par heure de travail y est plutôt faible en comparaison internationale. Cela est dû au fait que :

"Le chômage est relativement bas, la participation au marché du travail est élevée et le temps de travail hebdomadaire est long."

Comme quoi il faut utiliser les indicateurs avec discernement...Il faut le faire avec d'autant plus de discernement que la productivité du travail n'est pas la même dans toutes les branches. Par exemple :

"Certaines branches, notamment celles qui opèrent au sein d'une concurrence internationale, sont extrêmement productives, tandis que la productivité du travail est généralement plutôt basse dans les branches axées sur le marché intérieur."

Ce qui, entre parenthèses, confirme ce que disait Frédéric Bastiat du libre-échange...

La productivité du travail peut aussi être évidemment d'autant plus grande que les capitaux investis dans l'entreprise en raison de son activité sont importants.

Le chapitre de l'étude relatif à la concentration des entreprises montre que tous les cas de figure existent :

"Dans les branches concentrées prédominées par des entreprises à fort pouvoir de marché, de nouveaux acteurs essaient de défier les grandes entreprises ou d'occuper les niches que celles-ci ont négligées. Dans les branches fortement régulées [il en existe hélas aussi en Suisse], cela ne peut se faire sans une libéralisation du marché." 

Toujours est-il que la branche de l'approvisonnement en énergie, faute de réelle concurrence, a tendance à se concentrer fortement, que la branche financière, qui était fortement concentrée, l'est moins, que celle de la construction, qui s'internationalise, a tendance à se concentrer et celle du IT à s'atomiser.

Les auteurs écrivent :

"En Suisse, une forte concentration ne pose problème au niveau concurrentiel que s'il s'agit de branches orientées vers le marché intérieur. Dans les branches qui opèrent sur des marchés ouverts et bénéficient d'un libre accès aux marchés, la concentration d'entreprises est déterminante sur un marché qui s'étend à certains segments de l'industrie ou de la branche financière en Europe ou dans le monde entier".

J'ajouterai à leurs propos que ce qui vaut pour les marchés extérieurs vaut pour le marché intérieur. C'est le libre accès sur un marché qui permet la concurrence et la concentration n'est qu'un moyen de s'adapter à ce marché, si nécessaire; elle n'est donc pas en soi problématique.

L'étude a subdivisé le territoire suisse en quatre catégories de zones :

- villes (1%)

- agglomérations (19%)

- zones rurales (58%)

- zones touristiques (22%)

Les emplois dans les villes n'ont augmenté que dans les branches de l'énergie (+7.3%), des télécommunications-IT (+11,4%), de la finance (6,1%), des prestataires de services aux entreprises (+44,9%), de l'hôtellerie-restauration (+9,8%) et de l'Etat-action sociale (+22%).

Hormis dans l'industrie traditionnelle, les emplois dans les agglomérations ont augmenté dans toutes les branches et particulièrement dans l'industrie de pointe (+18,1%), les télécommunications-IT (+37%), la finance (+25,8%), les prestataires de service aux entreprises (+45%) et l'Etat-action sociale (+27%). 

Hormis dans l'industrie traditionnelle, l'énergie et l'hôtellerie-retauration, les emplois dans les zones rurales ont augmenté dans toutes les branches et plus particulièrement dans l'industrie de pointe (+27%), les télécommunications-IT (+38,5%), les prestataires de service aux entreprises (+40,5%) et l'Etat-action sociale (+21,9%).

Hormis dans l'industrie de pointe (+12,5%), la construction (14,3%) ou les prestataires de service aux entreprises (+32,4%), les emplois dans les zones touristiques ont peu progressé.

Quand c'est possible les activités s'éloignent donc des villes.

Je laisse à l'internaute intéressé le soin de lire le chapitre sur la succursalisation par branches d'activité.

J'évoquerai pour finir le scénario que les auteurs de l'étude ont échafaudé à l'horizon des 10 années à venir : 

"Plus que jamais, notre pays est une valeur sûre pour la main d'oeuvre et les entreprises hautement qualifiées, car il offre une haute qualité de localisation du fait de sa sécurité juridique, de sa stabilité politique et de ses institutions fonctionnelles. Aussi de nombreux étrangers devraient-ils continuer à confier leur fortune aux banques suisses, à délocaliser leurs activités commerciales dans le cadre réglementaire helvétique maintes fois éprouvé et à scolariser leurs enfants en Suisse."

Les auteurs en tirent les conséquences :

"Compte tenu de la présence de cette main-d'oeuvre hautement  qualifiée et des conditions-cadres favorables, un nombre croissant de sièges d'entreprises internationales s'implanteront en Suisse. Autour d'elles verra le jour un cluster de prestataires de services aux entreprises et de spécialistes de l'information".

Ils imaginent ce que deviendront les principales branches :

- l'industrie de pointe : "se spécialisera sur les prestations d'ingénierie et développement"

- l'agriculture : "n'endossera guère plus qu'un rôle marginal"

- la production : "les salaires élevés et la persistance du franc fort devraient conduire à une délocalisation encore plus forte

- l'industrie pharmaceutique "demeurera de loin la plus grande branche industrielle"

- la technique médicale et la technologie "cleantech": "nous prédisons la plus forte croissance"

- l'intermédiation financière, les services aux entreprises et de conseil étatiques "devraient jouer un grand rôle"

Ce scénario est fort probable compte tenu des tendances que révèle déjà l'étude du Crédit Suisse. Dans cette hypothèse, les auteurs font la revue détaillée de toutes les branches. J'ai relevé, au passage, cette remarque qu'ils font et qui est effectivement de bon augure :

"Dans le domaine des services administratifs, la Suisse a fait preuve d'une discipline impressionnante même en période de récession et évité de grossir l'appareil étatique. En comparaison internationale, notre pays dispose d'une administration rationnelle, efficiente et proche des citoyens et le frein à l'endettement constitue un instrument efficace contre le laisser-aller fiscal."

Au risque de paraître faire le difficile, je dirai toutefois que la Suisse peut mieux faire et qu'elle ne se portera pas plus mal - bien au contraire - si elle fait maigrir encore son appareil étatique.

Francis Richard


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