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Hirth, Genod, Miss Marion (100 Dessus dessous) : Images de danse goes to theater

Publié le 14 décembre 2007 par Jérôme Delatour
Comme on ne sait jamais trop ce qu'on va voir à 100 Dessus dessous et qu'on ne choisit pas forcément son jour, je me suis retrouvé jeudi soir à voir du théâtre. Mais commes les frontières entre théâtre et danse n'ont jamais été bien gardées, allons-y !

♥♥ Anne Hirth, Wait Here for Further Instructions - une pièce sur l'attente (2005) : précision suisse.
C'est aussi une pièce sur l'incommunicabilité, située dans les années 1950. Il semble que ces années agissent sur les enfants de 68 comme un repoussoir fascinant. Est-ce leur esthétique, est-ce leur mélange de touffeur morale et de matérialisme naïf ? Anne Hirth nous plonge dans le huis clos de jeunes adultes autistes. Pas vraiment méchants, mais enfermés en eux-mêmes, comme ils sont engoncés dans leurs vêtements sages, dans leur égoïsme puéril et innocent que les convenances sociales s'ingénient à exacerber. Tout est fermé pour eux, la maison, les placards, pas moyen de s'échapper. Les désirs sont là, et les femmes paraissent en souffrir plus que les hommes. Il faut un incident trivial comme le besoin d'une cigarette ou l'évocation d'une recette de cuisine pour que les langues se délient, que les gestes fusent. Du beau théâtre, chorégraphié au millimètre.

Yves-Noël Genod, Hamlet : les textes font de la résistance.
Yves-Noël Genod a mis un mois pour peaufiner ce foutoir innommable. Moi qui bilais de n'avoir pas passé l'aspi chez moi, me voilà rasséréné. Mais qu'on ne s'y trompe pas : certains accessoires clefs figurent en bonne place. Un tee-shirt Rimbaud à l'extrême gauche, l'Ulysse de Joyce en poche écrasé par terre devant le premier rang, une Joconde en coussin quelque part vers le centre droit, une pochette de disque de Josephine Baker non loin de Joyce. Et, bien sûr, devant le convecteur électrique et juste à gauche du bidon d'eau déminéralisée, l'emblématique crâne. La pochade bordélique de Genod peut aisément se lire comme une grande vanité : le spectateur arrive après la fête, dont il ne reste qu'une débauche d'objets et de débris froids. Une teuf comme ça, on ne s'en remet pas. Clin d'oeil appuyé à la Planète des singes, où la folie des hommes finit par les conduire à leur quasi-destruction, c'est un gorille qui se confronte au crâne hamletien. L'homme, dans tout cela, erre autiste à ses semblables. Le grand vainqueur de ce chaos, une fois de plus pourrait-on dire, c'est le verbe. Joué, déclamé, chanté, sublime ou dérisoire, il en impose à tout, à nous, il déchire la fumée, les débris et le temps. Kitsch, absurde, idiotie, copicollages de textes et surimpressions incongrues, les procédés comiques de Genod ne sont pas neufs mais les comédiens sont bons et, passé les vingt premières minutes où l'on craint très fort qu'il ne se prenne très au sérieux, Genod parvient à nous faire renoncer à l'esprit d'analyse. On se laisse alors aller à l'invocation des textes et aux mini-performances qui se bousculent. Tout cela est encore un peu fou-fou, mais Yves-Noël Genod est sûrement un bon garçon, et l'on comprend bien qu'il vénère les classiques.

Miss Marion, Dressing Room : 100% vintage. L'enchaînement des trois spectacles de la soirée, a priori improbable, se révèle au fond assez heureux. Mise en scène plutôt classique chez Hirth, plutôt post-moderne chez Genod ; autisme des personnages chez les deux. Avec Miss Marion, on revenait aux années 1950, comme chez Hirth. Miss Marion qui, précise la feuille accompagnant la soirée, a d'abord mené des "recherches autour de la poupée Barbie" dans le cadre de sa scolarité à l'ENSAAMA (encore qu'ailleurs on lise que c'était pour son BTS), proposait un effeuillage inspiré du glamour des années 1950, son style de prédilection, très légèrement décalé. Gentil, mais on préfère revoir Rita Hayworth en  boucle.

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