(...) L'exigence de l'affluence sur les Plaines implique cependant des choix de programmation qui se font au détriment du français, comme l'ont noté maints observateurs et artistes.
«Notre plan de croissance est en marche depuis 2004, rappelle M. Gélinas. Quand on va dans les créneaux plus jeunes et plus populaires, il faut des contenus qui permettent de remplir le terrain.»
Un argument que partage Dominique Goulet, directrice de la programmation du FEQ, qui juge qu'il est difficile de faire beaucoup plus sur les Plaines pour les contenus francophones, c'est-à-dire trois soirées (sur 11) qui y sont consacrées. Non sans difficulté, d'ailleurs: samedi soir, Lara Fabian a attiré 15 000 personnes sur les Plaines, soit cinq fois moins qu'Iron Maiden la veille.
«Avec l'offre internationale, remplir les Plaines, c'est déjà quelque chose, signale-t-elle. Dans le créneau francophone, c'est un défi supplémentaire. Ça n'empêche pas qu'il y ait du contenu francophone ailleurs dans le festival. Par exemple, nous présentons un des seuls shows de Karkwa cet été - en formule carte blanche. Il nous faut donc présenter les artistes francophones dans des contextes gagnants. On ne pourrait produire Karkwa seul sur les Plaines, par exemple.»
Dans cette optique, on a considéré que Loco Locass pourrait y parvenir avec Gilles Vigneault. «Même M. Vigneault était stressé, indique Daniel Gélinas. Il m'a demandé s'il y aurait vraiment du monde. Or, nous savions qu'il donnera un spectacle unique dans un contexte unique. Il a 81 ans, c'est sûr que les gens y seront.»
Le directeur général du FEQ préfère souligner les avantages financiers que procurent les blockbusters présentés aux Plaines.
«Les stars internationales comme Santana, The Black Eyed Peas ou encore Rammstein en exclusivité nord-américaine nous procurent des revenus qui bonifient les autres scènes du festival, qui améliorent la qualité dans différents créneaux - francophone, musiques du monde, etc. Manifestement, ça marche.»
Les autres scènes extérieures et la programmation en salle (à l'Impérial, notamment) attirent en effet leur lot de fans qui ne sont peut-être pas attirés par tous les grands noms prévus aux Plaines. Ce week-end, on pouvait constater la diversité des clientèles présentes à la place d'Youville ou encore au parc de la Francophonie, de Yann Perreau aux Éthiopiques en passant par le concert arabo-andalou d'Enrico Macias ou la formation montréalaise pop indie Think About Life.
«Ce moteur financier sert à générer autre chose, insiste Dominique Goulet. Sur les autres scènes, nous ne sommes pas assujettis à la rentabilité. Nous pouvons y aller pour le contenu.»
Extrait de l'article "Les Plaines à guichets fermés", d'Alain Brunet, La Presse, publié le 11 juillet 2010
Photo Iron Maiden : Jean-Marie Villeneuve, Le Soleil