Magazine Culture

Brève d'été : Le Palazzetto Bru Zane honore Luigi Cherubini

Publié le 14 juillet 2010 par Jeanchristophepucek
francois baron gerard ossian evoque fantomes son harpe

François, baron GÉRARD (Rome, 1770-Paris, 1837),
Ossian évoque les fantômes au son de sa harpe
, c.1801.
Huile sur toile, 1,84 x 1,94 m, Hambourg, Kunsthalle.
[cliquez sur l’image pour l’agrandir]

La France serait-elle en passe de se classer dans le peloton de tête des nations oublieuses de ceux qui ont contribué à son éclat ? Après avoir déployé toute son énergie pour asseoir, en 2009, l’hégémonie de Haendel, quand elle aurait dû, eu égard à son influence sur la musique hexagonale, en consacrer une large partie à fêter Haydn, voici que l’univocité des pâmoisons compulsives autour de Chopin rejette complètement dans l’ombre, en cette année 2010, un compositeur qui a largement contribué à construire la musique française durant une vaste période qui s’étend de la fin de l’Ancien Régime à la Monarchie de Juillet, Luigi Cherubini.

luigi cherubini francois dumont
Pourtant, l’italianocentrisme de rigueur dans les milieux musicaux devrait servir ce fils d’un claveciniste du Teatro della Pergola de Florence, cité où il est né en septembre 1760. Lui tiendrait-on rigueur, lui, formé à Milan et Bologne, d’avoir finalement choisi, après un séjour de dix-huit mois à Londres, de s’établir en France au printemps 1786 ? À moins que ce ne soit le fait qu’il ait pris ses distances avec l’opéra après l’échec des Abencérages, en 1813 ? Pourtant, avant cette date, Cherubini connut de beaux succès lyriques, notamment au Théâtre Feydeau, qui vit la création de Lodoïska (1791) ou des Deux journées (1800), opéra-comique joué dans toute l’Europe au XIXe siècle, tandis que sa Médée (1797, refusée par l’Opéra), sans doute son œuvre la plus connue aujourd’hui, était tombée après une vingtaine de représentations, trouvant paradoxalement son écho le plus favorable en Allemagne. Peut-être cette désaffection est-elle due à ses fonctions officielles au Conservatoire, dont il fut un des inspecteurs à partir de 1795, qu’il finit par diriger de 1822 au 8 février 1842, un mois avant sa mort, le 15 mars, et pour lequel il écrivit son Cours de contrepoint et de fugue (1835) ? Les sarcasmes dont l’accabla alors Berlioz, qui n’hésita pourtant pas à s’inspirer de sa manière, n’ont pas été contrebalancés, aux yeux de la postérité, par l’admiration que lui vouaient Haydn, Beethoven et même Brahms ; à Cherubini s’attache toujours l’image d’un barbon sclérosé et coléreux, tout momifié d’honneurs et assis sur des privilèges défendus bec et ongles, dont la musique ne soutient pas la comparaison avec celle de la jeune génération, celle des Rossini et autres Meyerbeer.

logo palazzetto bru zane
Cette mauvaise réputation sera sans doute sérieusement mise à mal grâce à l’initiative du Palazzetto Bru Zane, dont il faut saluer, une nouvelle fois, le courage et l’intelligence. Cette fondation qui se voue à l’étude et à la valorisation de la musique romantique française (voir le billet relatif à cette institution en cliquant ici) consacre, en effet, la deuxième édition de la partie vénitienne de son festival (2 octobre-2 novembre 2010), à la célébration du 250e anniversaire de la naissance de Cherubini, en confiant deux de ses œuvres lyriques, Lodoïska et Pimmalione (1809), aux baguettes « historiquement informées » respectivement de Jérémie Rhorer et de Sébastien d’Hérin. Les deux autres volets de cette manifestation se dérouleront à Paris, qui se penchera sur les Musiciens de l’Empire à la Restauration (7-15 octobre 2010), tandis que Londres mettra à l’honneur Les Italiens à Paris (1er-4 décembre 2010). A l’heure où j’écris ces lignes, la programmation de ces séries de concerts n’est pas intégralement connue ; je ne peux qu’espérer y voir figurer au moins une des magnifiques messes de Cherubini (dont, l’intégrale, aussi discutable stylistiquement que de haute tenue musicale, de Riccardo Muti sera rééditée par EMI à la fin du mois d’août), ainsi que ses quatuors ou ses pages orchestrales – ouvertures d’opéra qui préfigurent de façon fascinante, comme le montre celle de Lodoïska, qui accompagne votre lecture, l’ouverture de concert, ou son unique symphonie. Je gage que la qualité des interprètes invités, soucieux, pour la plupart, de redonner à la musique ses couleurs d’origine, jouera, sous réserve que les concerts puissent être radiodiffusés ou donner lieu à des enregistrements, un rôle de révélateur et rendront à Cherubini la place importante qui est la sienne, celle d’un pont essentiel entre esthétiques classique et romantique.

Le site du Palazzetto Bru Zane est accessible en suivant ce lien.

Luigi CHERUBINI (1760-1842), Ouverture de Lodoïska (1791).

Zürcher Kammerorchester
Howard Griffiths, direction

cherubini symphonie ouvertures zurcher kammerorchester grif
Symphonie en ré majeur, Ouvertures. 1 CD CPO 999 521-2. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.

Illustration complémentaire :

François DUMONT (Lunéville, 1751-Paris, 1831), Portrait de Luigi Cherubini, 1792. Miniature sur ivoire, 17 x 12,3 cm, Paris, Musée du Louvre.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jeanchristophepucek 43597 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine