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IL ETAIT UNE FOIS LA REVOLUTION de SERGIO LEONE

Publié le 16 juillet 2010 par Abarguillet

Carlotta Films   VIDEO

Faux western et vraie fresque historique et lyrique, Il était une fois la révolution est sans doute le film le plus sombre, le plus violent de Sergio Leone. Une puissance visuelle inouïe au service d’une vision désenchantée de la politique.

L’argument : Mexique, 1913. Enrôlé par John dans le braquage d’une banque plus riche en prisonniers qu’en or, Juan, un "peone", est pris dans une révolution dont il deviendra, bien malgré lui, un héros...

Considéré comme le deuxième volet de la célèbre trilogie des ’’Il était une fois’’ (après Il était une fois dans l’Ouest en 1969 et bien avant Il était une fois en Amérique en 1984), Il était une fois la révolution est un chef d’œuvre, où Sergio Leone sonde à nouveau un fragment de la mythologie américaine à travers un prisme romanesque. Doté de moyens colossaux qui lui permettent d’exprimer pleinement sa vision de cinéaste, Leone, à l’image d’un David Lean, réalise des films de plus en plus énormes, de plus en plus ambitieux, de plus en plus baroques. Difficile d’imaginer aujourd’hui Il était une fois la révolution sans ses cadrages sophistiqués en plan-séquence, ses décors gigantesques, ses morceaux de bravoure toujours imprimés au fond de notre rétine (l’explosion d’un pont de pierre en plein désert, le massacre de masse des révolutionnaires par l’armée mexicaine dans une gare, l’attaque finale du train). Pourtant, le film a bien failli ne jamais voir le jour comme nous le connaissons, soumis à divers querelles, problèmes et retards, aussi bien sur le tournage (différends entre Sergio Leone et Rod Steiger) que lors de sa sortie (confusions autour du titre, montages alternatifs qui trahissent l’esprit du film). Il est d’ailleurs impératif de (re)voir Il était une fois la révolution dans sa version originale, celle voulue par Leone, plutôt que celle sortie aux Etats-Unis en 1971, qui gomme odieusement la dimension politique et ambiguë du métrage en supprimant des scènes cruciales (tel le célèbre flash-back final en Irlande). Une version restaurée du film, restituant le ’’vrai’’ montage avec fidélité, est sortie en dvd en avril 2005.
Au début du projet, Sergio Leone ne souhaitait pas réaliser Il était une fois la révolution, car il considérait en avoir fini avec sa période ’’western’’. Le début du film respecte les codes du genre, montrant une classique attaque de diligence par une famille de pilleurs, baignée dans un style et dans un humour sardonique très leoniens. Le réalisateur confirme aussi son goût pour les duos improbables : le mexicain Juan, bandit haut en couleur aux préoccupations terre-à-terre, s’allie avec l’irlandais John Mallory, ancien membre de l’IRA en fuite, expert en dynamite et calculateur malin, pour attaquer une banque. Face aux épreuves et à la tourmente de la révolution, leur association houleuse se transforme en poignante amitié, magnifiée par l’interprétation formidable de Rod Steiger, plus subtile qu’il n’y paraît, et de James Coburn. Mais malgré cette apparente fidélité aux repères du western, Il était une fois la révolution bifurque vite vers un tout autre genre, celui d’une fresque historique proprement démesurée. Leone, avec une ironie mordante, traite un thème qui l’aura accompagné tout au long de son œuvre : celle de la fin d’un monde. La fin du temps des cow-boys et des bandits flamboyants, balayés par la marche de l’Histoire, dépassés par de nouveaux enjeux : les banques ne sont plus remplies d’or, mais de prisonniers politiques prêts à reprendre les armes, comme le découvre, héberlué, le pauvre Juan lors d’une scène monstrueusement drôle ! Le bandit individualiste et illettré devient ainsi un héros de la Révolution mexicaine... à son insu.
Dans ce film férocement désenchanté qui s’ouvre sur une citation de Mao Tsé-Toung (pas étonnant que le long-métrage ait été si controversé lors de sa sortie), Leone démonte l’idéal de la révolution, en montrant qu’il n’entraîne que la mort et l’échec. Toute révolution semble se construire sur la manipulation des masses par quelques intellectuels plus malins qu’eux (c’est ainsi que Juan est berné par John Mallory, l’indépendantiste lettré et cynique), et n’aboutit qu’à un massacre de masse. La trahison, incarnée par le personnage ambivalent du docteur Villega, et la force de frappe des gouvernements tyranniques achèvent de tuer tout idéal dans l’œuf. C’est le constat amer que délivre Sergio Leone, qui semble avoir perdu foi en toute politique. Plus qu’une fresque puissante, traversée par un humour subversif et des références explosives à la "sale" Histoire (du Mexique, de l’Allemagne, des Etats-Unis, de l’Italie...), Il était une fois la Révolution devient le drame de deux hommes mêlés malgré eux au destin collectif, le requiem déchirant de tout idéal révolutionnaire voué à l’échec, immortalisés par les visions oniriques d’un paradis perdu (les flash-back dans la vie passée de John Mallory, dans les vertes contrées irlandaises) et par les accents lyriques de la musique d’Ennio Morricone (l’inoubliable "Sean, Sean, Sean"). Grandiose.

Frédéric de Vençay

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James Coburn et Rod Steiger. Carlotta Films

 

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