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Baguenaude, Baguenauder

Publié le 17 juillet 2010 par Petistspavs

L'été sera narcissique ou ne sera pas. Pendant mes vacances, je m'amuse à publier à nouveau quelques billets dont le souvenir s'est imposé un peu par hasard. Loin d'un best of, je vous livre ces billets en espérant qu'ils vous  feront passer un moment agréable.

Il n'y a pas eu de suite à ce premier Mot de la semaine, rubrique qui était présentée ICI. Trop de travail de recherche, de synthèse. Pourtant, quel bonheur ça avait été de composer ce billet et de suivre, de mot étrange en mot surprenant, ce chemin des écoliers qui conduisait à une poésie en balade chez les vivants, les drôles et les excentrés. Je ressuscite ce billet du 23 juillet 2008 avec bonheur.

baguenaude
Baguenauder, c'est flâner, batifoler. C'est musarder, c'est rôder mais sans être un rôdeur, c'est traîner, le nez au vent, la tête ailleurs. Que d'accents circonflexes autour de ce mot sans complexe. C'est déambuler, errer, fainéanter, lambiner, s'amuser, se balader, se promener, vadrouiller, vaguer. Se promener, mais sans but précis. Perdre son temps.

Baguenauder c'est assumer, peut-être un peu de niaiserie, s'occuper à des riens, comme ces enfants qui font claquer des baguenaudes, ces fruits du baguenaudier (cet arbrisseau de la famille des Papilionacées, à feuilles pennées et à fleurs jaunes -- on dit aussi Arbre à vessies), ces gousses pleine d'air et de petites graines, qui éclatent avec bruit lorsqu'on les presse, comme le fruit sec de certaines algues qui furent spongieuses, perdues au bord des plages.

Baguenauder est un joli mot qui en appelle d'autres. Par exemple, la baguenaude est aussi une ancienne pièce de poésie française, faite en dépit des règles et du bon sens, un amphigouri en vers blancs ("vers blancs", non pas ces ravageurs fréquents des racines de graminées, mais, en poésie, des vers qui ne riment pas, comme des vers de Prévert). Diantre, un amphigouri, qu'est-ce donc... Un amphigouri était un écrit burlesque plein de de galimatias (il s'agit, bien sûr, ici, du galimatias simple qu'on ne saurait confondre avec le galimatias double où l'auteur ne se comprend pas lui-même). J'aime à penser qu'un mot aussi inutile qu'amphigouri, plein de galimatias simples a trouvé sa place dans les dictionnaires en baguenaudant parmi les mots à cravate grise et à binocles.

On trouve pourtant ce mot de rien, cet amphigouri, chez Jean-Jacques, accompagnant un autre mot réjouissant : "Pour élaguer les tortillages et les amphigouris." (Considérations sur le gouvernement de Pologne etc.). Remercions Rousseau d'apporter ici ses tortillages, un tortillage étant une façon tortueuse et embarrassée de s'exprimer, que ne dédaignait pas Mme de Sévigné ("Elle [Mme de Coulanges] parle de la meilleure santé de Mme de la Fayette ; tout cela saucé dans mille douceurs, point tant de tortillages. [Lettres, 26 août 1677]". On apprend donc grâce à Mme de, qu'un tortillage eût pu être saucé...

La ronde des mots s'arrête ici pour cette semaine, car cette baguenaude, menée en sifflotant, pourrait nous mener, avec son air de rien, vers des contrées trop vastes pour ce modeste papier.

On apprend dans une chanson de mon enfance que même le soleil se baguenaude. Ecoutons Yves Montand sur un texte d'Henri Contet mis en musique par la divine Marguerite Monnot.

A la semaine prochaine, pour une nouvelle baguenaude dans la langue française.
(Commentaire : il n'y eut donc aucune suite).


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