Comment devient-on écrivain ? C’est à cette question que le narrateur souhaite répondre. Elyane Dezon-Jones dans sa précieuse introduction (Le livre de poche, 1992) formule cette idée autrement: “ce qui l’intéresse, dit-elle, c’est de démontrer les mécanismes qui aboutissent à la création littéraire…”. Par quels processus psychiques ou inconscients passe-t-on (sachant que Proust méconnaissait Freud), pour créer une oeuvre singulière ? Dans le texte proustien, parmi les maintes anecdotes vécues par le narrateur, je prendrai sa découverte de “François le Champi”, lu d’une certaine manière par sa maman…: “…quand c’était maman qui me lisait à haute voix, (…) elle passait toutes les scènes d’amour. Aussi tous les changements bizarres qui se produisent dans l’attitude respective de la meunière et de l’enfant et qui ne trouvent leur explication que dans les progrès d’un amour naissant me paraissaient empreints d’un profond mystère dont je me figurais volontiers que la source devait être dans ce nom inconnu et si doux de “Champi” qui mettait sur l’enfant qui le portait sans que je susse pourquoi, sa couleur vive empourprée et charmante.”
* Renoir, “Femme lisant”, 1895.