Mi-nostalgique, mi-impatient(e), c'est ce que l'on ressent sans doute au retour en mère-patrie après une absence assez longue.
Pour ma part, malgré une charge de bagages éléphantesque à traîner à travers la ville, je tentais de me convaincre des bienfaits de ce retour en France, énumérant mentalement tous les petits plaisirs de la vie parisienne que je m'en allais retrouver. Je frétillais donc d'avance au souvenir de ces terrasses de café ensoleillées de cette fin de printemps, je me figurais déjà Parisiens et Parisiennes dansant et chantant à travers la ville parés de mille habits colorés (inspirés sans nul doute par trop de visionnages des films de Michel Legrand), je salivais d'avance sur les baguettes de pain, macarons et autres mets typiques de ma douce France.
Perdue dans mes images façon "Belle Epoque", je ne vis pas arriver le soudain coup d'arrêt mis par Air France à mes rêveries.
Habituée au surpoids de bagages, je ne compris pas tout de suite ce que me disait l'agent Air France ; un bagage trop lourd, après un séjour de 6 mois, ça me semblait presque normal, j'avais même déjà prévu les frais dans mon budget. Jusqu'au moment où je compris entre deux gesticulations pour sortir mon passeport, le mot intransportable.
(Sachez, futurs voyageurs (ou rigolez, voyageurs avisés), qu'une valise ne peut dépasser les 70 pounds, soit environ 33 kg, et à partir de 23kg, on est déjà considéré en surpoids)
On m'expliqua donc que j'avais non seulement dépasser le seuil de surpoids (23 kg), mais aussi le seuil "tout-court" pour une valise (33kg), puisque la mienne en pesait pas loin de ... 45. Dans une voix placide, qui semblait énoncer l'évidence, on m'indiqua alors qu'il fallait retirer 12 kg de ma valise. J'espère que comme moi, votre première réflexion en réponse à cet énoncé est quelque chose comme "Pour les mettre où?".
Pour vous donner la pleine mesure de mon désarroi, je tenais déjà, en plus de la fameuse valise de 45 kg, un sac de voyage rempli à ras-bord, lui-même d'une vingtaine de kilos, un sac à main et un très pratique tube à affiches, chose ergonomique s'il en est lors des déplacements chargés. Autant dire, que répartir les 12 kg entre le tube à affiches et ... le tube à affiches ne s'annonçait pas une mince affaire.
Air France me suggéra gentiment d'aller acheter un sac à l'autre bout du terminal (comme s'ils avaient cru un instant que j'allais vraiment essayer de fourrer 12 kg dans un tube de 8 cm de diamètre). Finalement, je ne sais pas ce qui du déplacement sur plus de 30 mètres avec mes 75 kgs de bagages, ou l'idée de débourser 200 dollars de frais de surpoids, couplés sans doute à la nostalgie sus-mentionnée, fut la perspective la plus désolante, mais en un instant, grandes eaux de Versailles au terminal 2 de JFK. J'aimerai dire que c'était une fine stratégie de ma part pour amadouer de Cerbère du comptoir Air France, mais il n'en est rien. Bien malgré moi, cette stratégie porta ses fruits, en émouvant, outre la moitié de la file d'attente, un agent Air France plus compréhensif, qui m'annonça qu'il avait peut-être une valise à me donner, qui m'éviterait un périple aéroportuaire avec tout mon barda. J'étais comme Zorino devant Tintin, comme Numérobis devant Amstérixm, comme ... bref, j'étais éperdue de reconnaissance devant cet acte de bonté.
Me voilà donc à m'extasier devant cette valise des années 80, un peu mal en point, déjà presque aussi lourde vide que le poids autorisé, mais l'heure n'était pas aux tergiversations sur l'harmonie colorielle de mes différents bagages.
Si vous vous êtes déjà demandé qui sont ces gens qui ouvrent leur valise en plein aéroport, dévoilant grosso-modo leur vie aux yeux du tout-passant-passager ; eh bien, j'en étais là. Je passerai sur la gêne quasi-mortificatrice à sortir maillots de bain, produits de beauté, chaussettes, pistolet Spiderman et autres souvenirs hétéroclites au beau milieu du comptoir Air France ; gêne encore amplifiée par le ridicule de mes allers-retours incessants au pèse-bagages, lestée de mes deux quintaux de bagages. Je réussis finalement à coup de dosages très précis à atteindre les 50 pounds autorisés par valise.
Je remerciai chaleureusement celui qui m'avait aidé et tentait plus ou moins brillamment de me draper dans un reste de dignité pour passer devant le reste des Cerbères, mes 3 sacs et mon tube gauchement sous le bras.
Le reste du voyage ne fut que bonheur (Ô L'Express, ô films en français, ô charmantes hôtesses, ... ô charriot à bagages gratuit à l'arrivée), compensation bien méritée après ce début mouvementé. Exception faite, pour mon voisin de fauteuil, qui a absolument tenu à me faire écouter une chanson qu'il avait composée - 3mn34 de sourire gêné.
A l'arrivée, entre les embouteillages, le kaxon à tout va, le taxi ultra-clean, l'annonce de grève à la radio et la grisaille, ouf je me sentais enfin chez moi !