"Toy Story" a fait entrer le cinéma d’animation dans une nouvelle ère il y a 15 ans. Le long métrage de la firme Pixar, premier grand succès d’une longue série, est devenu le symbole d’une (r)évolution la fois sur la forme et le fond. Le parti pris technologique a bluffé les plus réticents et la trame narrative a emporté l’adhésion des petits et des grands.
Le second volet a transformé l’essai
de manière magistrale trois ans plus tard. Buzz l’Eclair, Woody, Rex, Bayonne, les Patates et consorts sont devenus des compagnons plus que familiers.
La plus grande réussite de la firme américaine est d’avoir touché eu plein cœur l’âme enfantine qui
sommeillait au plus profond des adultes que nous sommes devenus. L’univers de ces jouets si particuliers nous a enveloppé d’une bulle nostalgique salvatrice.
Quand le projet "Toy Story 3" a
commencé à poindre à l’horizon mon premier réflexe a été de me dire que le temps avait passé, que le tour de la question avait déjà été réalisé. Que pourrait apporter un troisième volet ?
J’étais loin d’imaginer que j’étais dans l’erreur à ce point.
Ce matin j’ai pris une énorme claque en plaine figure. "Toy Story 3" n’est pas qu’une suite, un opus de plus
ou de trop mais l’admirable troisième volet d’une phénoménale saga cinématographique.
Andy a bien grandi. Il s’apprête à partir pour l’université. Cela fait bien longtemps que Woody, Buzz, Jessie
et tous les autres jouets ont été remisé au fond d’un carton poussiéreux.
Les jouets prennent la direction d’une halte garderie Ce nouvel havre de paix semble être idéal.
En apparence…
Petits et grands ont le droit à 1h40 de féerie. A se demander si les équipes techniques dirigées par Lee Unkrich n’ont pas passé un pacte diabolique avec des forces démoniques pour connaître à ce point les tréfonds de nos cœurs et de
nos âmes. La flèche est dardée et touche sa cible à chaque seconde.
La magie opère pleinement. Le long métrage déborde de créativité et d’inventivité à chaque séquence, je
devrais même dire dans chaque plan. Nous évoluons au beau milieu d’un monde que nous pensions connaître mais qui nous laisse pantois d’admiration plus le film avance.
L’art de Pixar est de truffer ses productions de références, de renvois à ses autres "enfants". C’est même
devenu un jeu pour les spectateurs attentifs. En tout cas le procédé emporte l’adhésion du public. "Toy Story 3" n’échappe pas à la règle. Ma plus grande satisfaction est d’avoir vu débouler
un personnage tout droit issu du pays du soleil levant.
Le moindre passage est l’occasion pour les hommes et les femmes de chez Pixar de montrer leur capacité à nous
faire sourire ou nous émouvoir. L’alchimie est parfaite.
"Toy Story 3" n’a aucun temps faible. L’art de maintenir un certain tempo est une science on ne peut plus
précise. Et souvent, par le passé, des longs métrages se sont cassés les dents sur ce redoutable écueil. Le film nous maintient en haleine de bout en bout. Simplement magique.
Dans le troisième volet des aventures de Buzz et de Woody, l’action rebondit sans cesse. Les péripéties sont
nombreuses et variées.
L’histoire prend littéralement aux tripes. Le spectateur se passionne pour le devenir de ces jouets. L’art du
film est de multiplier les intrigues secondaires, et cela pour notre plus grand bonheur. Loin d’être des freins à la progression générale du récit, ces épisodes complémentaires nourrissent la
trame principale.
Les moments drôles sont légions. Que le défilé de mode opéré par Ken pour Barbie ou le Buzz espagnol sont
savoureux. A l’inverse l’histoire de Lotso l’ourson rose nous émeut. L’agencement de tous ces temps forts obéit à une précision chirurgicale. Rien de gratuit ni de forcé, le maître mot est la
fluidité.
L’introduction de nouveaux personnages permet également au film de se renouveler dans la continuité.
L’expression "Faire du neuf avec du vieux" perd tout son sens ici. Le caractère, la personnalité que nos jouets favoris évoluent sans cesse. Woody et ses ami(e)s nous montrent de nouvelles
facettes de leur être. Des relations se tissent avec les nouveaux venus pour le moins différents et sacrément utiles. Chez Pixar nous ne sommes pas au royaume du futile. Chaque protagoniste
apporte sa modeste mais indispensable contribution à l’édifice.
"Toy Story 3" s’inscrit dans la tradition de thématiques déjà mises en place dans les deux premiers volets.
L’amitié et le don de soi sont au cœur du présent opus. Mais le tour de force des scénaristes est de ne pas figer l’arrière plan. Car le temps des doutes et des questionnements est venu pour la
plus célèbre bande de jouets de l’histoire.
Le passage à l’âge adulte d’Andy remet en cause bien des certitudes. Le confort de vie et l’univers si
réconfortant de la chambre d’enfant vole en éclat quand le temps fait son œuvre. Les jouets vont devoir faire des choix "de vie" et se déterminer. L’amitié, l’amour, l’entraide résisteront-elles
à cette période d’épreuves ?
L’intérêt du film est de nous présenter les choses de la manière la plus simple. La tentation des grands
discours moralisateurs est écartée d’un revers de la main sans autre forme de procès. Les créateurs de ce troisième opus laisse parler les cœurs et l’émotion se diffuse le plus naturellement du
monde.
Pour le spectateur le film agît aussi comme un révélateur. Nous avons aussi grandi et évolué en 15 ans. Le
long métrage opère comme une piqûre. La bienheureuse nostalgie nous nimbe de son manteau réconfortant. Les cœurs les plus durs fondraient assurément.
La parabole sur le temps qui passe est au coeur de ce merveilleux film.
"Toy Story 3" est une œuvre fédératrice car universelle. Un film qui parle à tous les publics et qui laisse
une trace en chacun de nous.
Techniquement le long métrage apparaît comme incroyablement "simple". On a l’impression d’assister à une
accumulation de séquences visuellement ébouriffantes. Mais on ne sent pas la volonté de nous en mettre plein la vue coûte que coûte. L’animation semble limpide et la technologie ne prend pas le
pas sur l’intrigue, les thèmes et les personnages.
En disant cela je ne rend pas hommage à l’extraordinaire talent de centaines de personnes engagés dans ce
genre de projet démentiel mais mon sentiment persiste que chez Pixar il y a un souffle de vie qui prédomine même si l’animation est à la pointe du progrès.
Chaque séquence est cependant un régal pour les yeux. Nous assistons à la mise ne place d’une débauche de
couleurs, de formes et de lumières. Un véritable régal pour les yeux.
La musique de Randy Newman obéit à un plaisir similaire. Des airs entraînants rythment les nombreuses
péripéties de l’œuvre.
J’ai bien sûr vu le film en 3D. L’apport volumétrique n’est pas décisif en soi mais semble moins gratuit que
pour des longs métrages sortis récemment. La révolution technologique ne réside pas dans "Toy Story 3". Il n’y a pas de pallier franchi comme il y a 15 ans. Nous côtoyons plus une technique sûre,
sorte de guide de confiance, qu’une prise de risques démesurée. Je ne vais pas non plus faire la fine bouche car il y a deux ou trois passages vraiment bluffants.
"Toy Story 3" est le long métrage de la maturité. Une création drôle, émouvante qui tranche dans le paysage
cinématographique contemporain. On peut ergoter des heures sur le cinéma américain en tant qu’industrie (marketing à tout va) mais "Toy Story 3" prouve qu’il y a encore de grands enfants ici ou
là capables de nous rendre notre quotidien plus merveilleux.
L’avenir nous dira si ce long métrage sera ou pas le dernier chapitre de la série.
A moins que Buzz l’éclair, Woody et les autres décident de nous entraîner (encore une fois) vers
l’infini…
…et au-delà.