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Nous nous sommes tant aimés

Par Borokoff

A propos d’Inception de Christopher Nolan 4 out of 5 stars

Nous nous sommes tant aimés

Dom Cobb est un espion industriel passé maître dans l’art de l’extraction : il est capable de voler à de puissants PDG les secrets les plus enfouis dans leur subconscient avant de les revendre à la concurrence. Cobb profite à chaque fois des moments où ils dorment. Mais un jour, il se fait prendre la « main dans le sac » par un patron et doit, en échange de sa libération et de son retour aux Etats-Unis, relever un défi impossible. On lui demande de réaliser le contraire de l’extraction : c’est-à-dire l’inception. Cobb doit réussir à implanter une idée dans l’esprit d’un PDG afin de mieux lui voler ses secrets industriels. L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit pour Cobb ni plus ni moins de retrouver sa vie d’avant… et ses enfants.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le scénario d’Inception est complexe et tortueux. A l’image de ces univers en forme de labyrinthes mentaux que Cobb a conçu. De quoi parle au juste Inception ? D’un type torturé, comme les affectionne DiCaprio, jamais aussi bon que lorsqu’il «pète les plombs » (scène où sa troupe s’est réfugiée  en camionnette dans un entrepôt). On peut rapprocher le personnage de Cobb de celui de Teddy Daniels (joué par le même Di Caprio) dans Shutter Island. En commun, le même sentiment de culpabilité et la torture mentale qu’ils s’infligent. Teddy et Dom ont vécu tous deux un drame familial. Cobb est traumatisé par le suicide de Mall, sa femme dont il ne s’est jamais remis. Teddy aussi était marqué à vie par la mort tragique de sa femme et de ses deux enfants.

Les réminiscences sombres qui peuplent l’imaginaire et les rêves de Cobb surgissent brutalement de son subconscient et interfèrent dans son cerveau lors du processus d’inception. Non seulement, les souvenirs de Mall (images de Marion Cotillard, construites en flashs back) le déconcentrent et parasitent son esprit lorsqu’il est dans la tête (et les rêves) d’un autre, mais ils menacent carrément sa mission de réussir. Mall, même après sa mort, continue de le harceler et le détruit méthodiquement.

Bien sûr, la fausse piste et la tentation d’Inception seraient de se pencher sur les rapports entre des univers fictifs et la réalité, de rapprocher le film d’Existenz ou du dernier L’autre monde. Mais ce serait presque un contre sens. Contrairement au personnage de Shutter Island, l’enjeu d’Inception n’est pas de savoir si Cobb vit dans un rêve ou pas. Inception est synonyme du mot origine, commencement. Le vrai sujet d’Inception est le paradis originel dans lequel vivait autrefois Cobb, fou amoureux de sa femme avant la tragédie qui lui coûta la vie. Si confusion (ou assimilation) entre la réalité et des univers fictifs il y a, c’est seulement celles qu’a fait Mall. Elle et Cobb créèrent secrètement un monde merveilleux, un cocon amoureux à partir de leur imaginaire. C’était une architecture à la fois futuriste et teintée de souvenirs d’enfance mais que Mall substitua peu à peu à la réalité. Au point de croire que  cet univers rêvé était la seule réalité qui existe. Incapable de revenir dans le monde réel, elle se suicida.

Pour Mall, le monde imaginaire qu’elle créa avec Cobb ressemblait à un paradis originel, un jardin d’amour et d’Eden où Cobb l’accompagnait constamment. Pour Cobb, le seul paradis originel qui n’ait jamais existé, c’est Mall. L’amour infini qu’il lui portait. Mais il ne perd pas totalement les pédales même si le souvenir est la seule chose qu’il lui reste, parce que c’est dans ses rêves et seulement dans ses rêves (sa mémoire) qu’ils sont «réunis tous les deux ». Mais Inception est plus optimiste que Shutter Island. Car il reste à Dom l’espoir et l’envie de retrouver ses enfants.

Inception, dans ses théories et ses croyances, est dans le fond très proche de la pensée d’un Terrence Malick. Il y  a un ailleurs, c’est un paradis originel, comme dans La ligne rouge. Derrière la science-fiction et le côté fantastique d’Inception se cache une profondeur métaphysique insoupçonnée. A la complexité du scénario répondent la virtuosité de la mise en scène, la réussite des effets spéciaux, la qualité des seconds rôles (Page, Caine, Gordon-Levitt, Cotillard). L’interprétation de DiCaprio (scène où il crie lorsque sa femme se défenestre) est déchirante, dans la lignée du Roméo + Juliette de Baz Luhrmann. N’en déplaise au spectateur, Inception est bien une métaphore sur l’amour. De la pérennité du sentiment amoureux…

www.youtube.com/watch?v=AKfAzQQdwnU


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