Daniel a 34 ans et habite Séville. Il est diplômé de l’université et travaille depuis peu dans un centre social.
Il aime les sorties au restaurant ou au musée, pour admirer, par exemple, les toiles de Jérôme Bosch (1)
Et comme tout le monde, il a besoin d’aimer et d’être aimé, de recevoir de la tendresse et des plaisirs charnels… Comme tout le monde, il aimerait tomber amoureux… Comme tout le monde – ou presque – il voudrait se marier et d’avoir des enfants…
Sauf que Daniel n’est pas comme tout le monde… Il est un peu “différent”.
Trisomique, pour dire les choses plus clairement. Ou “débile”, du point de vue de la plupart des gens, qui le jugent selon son apparence physique et le regardent avec un mélange de condescendance et de commisération…
Il est pourtant loin d’être idiot. Au contraire… Il a reçu une éducation de haut niveau et est aussi compétent, voire plus, que ses collègues “normaux”. Ceci devrait être pour lui une aubaine, une chance d’avoir une vie ordinaire.
Mais à quoi bon avoir fait tous ces efforts si, au bout du compte, il ne peut être heureux ?
Beaucoup continuent à le considérer comme un monstre, un gamin attardé, une aberration de la nature. Et ceux qui l’apprécient semblent quand même éprouver une certaine gêne à le côtoyer, incapable de passer outre son apparence physique. Lui voudrait absolument être considéré comme “normal” (2) et souffre un peu du regard des autres.
Seule sa collègue, la blonde et pulpeuse Laura, semble l’accepter tel qu’il est, sans réserve.
Ils développent peu à peu une réelle complicité, commencent à se voir en dehors du boulot. Et évidemment, Daniel tombe profondément amoureux. Comment réagira Laura quand elle connaîtra ses sentiments, elle qui semble incapable d’entretenir une relation de plus d’une nuit avec un homme ?
Tel est l’enjeu dramatique de Yo también, joli premier long-métrage du duo Alvaro Pastor / Antonio Naharro.
Sous des atours de comédie romantique classique – en respectant les ficelles du genre – les deux cinéastes espagnols entendent bien changer le regard du spectateur sur la trisomie 21 et les hommes et femmes souffrant du syndrome de Down.
Il s’agit surtout, ici, de montrer que les trisomiques, quel que soit leur degré de handicap, sont des êtres humains comme les autres. Ils méritent le même respect, la même affection, que tout un chacun. Il est possible, avec du temps, du personnel et des structures adéquats, de leur permettre d’évoluer et de s’épanouir (3) …
Outre le cas, rare et particulier, de Daniel (4), deux autres personnages, souffrant d’un handicap un peu plus lourd, illustrent bien la soif de vie et d’amour qui anime les personnes trisomiques. Luisa (Lourdes Naharro) et Pedro (Daniel Parejo). Ils se rencontrent dans un centre d’éducation par la danse et la chorégraphie, deviennent partenaires sur la piste, puis dans la vie.
Pour eux, l’amour est beaucoup plus simple, plus pur, que celui des gens dits “normaux”. Ils s’attirent donc ils se mettent ensemble et sont prêts à tout pour ne plus être séparés. Point.
Les gens ordinaires, eux, se posent des questions, se prennent la tête, souffrent de complexes, de manque d’amour, de blessures intimes. Pepe, le dragueur du service de Daniel, par exemple, est en fait un être solitaire qui aimerait trouver l’âme soeur et qui essaie, à l’aveuglette, de tomber sur une femme qui pourrait l’aimer ne serait-ce qu’un peu…
Laura, pourtant jolie et sexy, est célibataire. Elle refuse de s’engager avec un homme et accumule les rencontres d’un soir. Du sexe sans passion ni tendresse, purement mécanique. Sans doute est-elle bloquée par un épisode de son passé, lié à sa famille et ses relations houleuses avec son père (5). En tout cas, sa vie amoureuse n’a rien d’exaltante, et elle n’est peut-être même pas capable d’accepter le cadeau que constitue l’amour de Daniel…
Finalement, en matière d’amour, les plus handicapés ne sont pas forcément ceux auxquels on pense…
De quoi faire réfléchir plus d’un spectateur à la vie sentimentale tourmentée…
Bon, évidemment, les auteurs, pour faire passer leur message, éludent les nombreuses difficultés d’adaptation et de vie de ces personnes trisomiques. Le tableau est loin d’être aussi idyllique que dans le film.
Certains utiliseront probablement cet argument pour critiquer le film, mais bon, encore une fois, il s’agit surtout de proposer une vision alternative du handicap, et d’ouvrir les regards et les coeurs, en toute simplicité…
Cette humilité, on la retrouve également dans la mise en scène, très sobre. Mais cette discrétion met en valeur le travail des comédiens, La caméra s’attarde sur les regards plein de tendresse que s’échangent les différents protagonistes, qui en disent plus que bien des mots, et on se prend à croire à la possibilité de cette idylle entre Daniel et Laura…
Cela tient beaucoup, également, à la belle complicité qui semble s’être instaurée entre Pablo Pineda et Lola Dueñas.
Le premier campe un Daniel particulièrement attachant, craquant de drôlerie et de charme. La seconde irradie de sex-appeal et est également touchante en paumée incapable de s’attacher aux hommes.
Grâce à eux, et au reste du casting, également impeccable, on prend beaucoup de plaisir à suivre cette belle histoire, pleine de tendresse et d’humour.
Yo también n’est pas un “grand” film, mais réussit quand même à toucher sa cible : On sort de la projection émus, plus ouverts, enrichis spirituellement. Espérons que cette sortie en plein coeur de l’été, qui plus est en même temps que l’événement Inception, ne laissera pas dans l’ombre le beau film d’Alvaro Pastor et Antonio Naharro…
(1) : Il est question, à un moment, du “Jardin des délices”, que Laura prend pour un parc de Séville…
(2) : Le titre du film “Yo también” signifie “moi aussi” en espagnol. Il fait référence à la volonté de Daniel d’accéder aux mêmes droits, aux mêmes rêves que les gens “normaux”. Mais aussi à la réponse attendue par le personnage quand il dit à Laura qu’il l’aime…
(3) : Au passage, une petite dédicace particulière pour ma tante, qui a officié, durant toute sa carrière, comme éducatrice spécialisée auprès de personnes handicapées, avant de prendre une retraite bien méritée…
(4) : Le cas de Daniel est unique, mais il existe réellement. Et pour cause ! Son parcours est celui de l’acteur principal du film Pablo Pineda, diplômé en psycho-pédagogie, enseignant et conseiller social et occasionnellement comédien donc…
Un sacré C.V. pour un sacré bonhomme…
(5) : Le secret ne sera jamais vraiment révélé, mais il est probable qu’il s’agit d’un problème d’inceste père-fille… C’est mon interprétation du moins…
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Yo también
Réalisateurs : Alvaro Pastor, Antonio Naharro
Avec : Pablo Pineda, Lola Dueñas, Antonio Naharro, Maria Bravo, Isabel Garcia Lorca, Joaquin Perles
Origine : Espagne
Genre : love story
Durée : 1h43
Date de sortie France : 21/07/2010
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : -
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