
ALIMENT COMPLET OU CEREALES ?
Beaucoup de petits éleveurs, épris d'écologisme ou de soucis gastronomiques veulent élever eux‑mêmes les animaux de basse‑cour, pour avoir des poulets et des oeufs "comme autrefois". Pour cela ils ont l’intention de les nourrir uniquement aux céréales, considérant que les aliments complets sont des produits de l'industrie qu'ils ne sont pas loin de considérer comme complètement chimiques et artificiels.
Un tel raisonnement est évidemment faux et si, à l'origine, il est dû à la qualité parfois discutable des produits de l'élevage avicole "industriel", c'est une grave erreur de tout faire retomber sur l'aliment qui n'y est en général pour rien.
Nous allons voir ce qui peut expliquer ces défauts de qualité chez les poulets et des oeufs.
L’AUTOSUGGESTION
En matière de goût, l'auto suggestion joue un rôle très important et maintes expériences scientifiques le prouvent tout comme les innocentes plaisanteries faites à des dégustateurs amateurs... et parfois professionnels.
Deux exemples :
Un commerçant reçoit des poulets, tous de même provenance. Il affiche les uns à un prix bas, les autres à un prix plus élevé ; ce sont ces derniers qui se vendent le plus et la clientèle les trouve excellents, alors que les moins chers font l'objet de critiques.
Un petit éleveur a trouvé un "truc". Il élève des lots de poulets de façon industrielle, dans des bâtiments.... mais il a une prairie où il en lâche quelques uns. Il s'est fait une clientèle qui vient acheter à l'élevage ces poulets élevés sur prairie et qu'elle trouve bien meilleurs, car elle ne sait pas qu'ils n'ont souvent passé que 24 ou 48 heures sur la prairie.
Ces deux exemples sont assez anciens et constituent des pratiques commerciales repréhensibles, mais ils illustrent bien la subjectivité de nos jugements en matière de goût.
LE POULET
Les nécessités de la production intensive de poulets a conduit à sélectionner des souches pour la chair à croissance rapide (meilleure utilisation des bâtiments) et pour un meilleur rendement (production du kilo de poulet avec le minimum d'aliment, l'idéal poursuivi mais non atteint, étant de produire 1 kg de poulet avec 1 kg d'aliment). Si, dans de nombreux cas, on a pu critiquer la qualité de ces poulets, ce n'est pas l'alimentation qui est en cause mais leur âge. Les poulets livrés à la consornmation ont au plus 10 semaines et souvent moins ; ce sont des animaux jeunes qu'on ne peut comparer à des poulets de 4 ou 5 mois que l'on consommaient autrefois.
Certains ont accusé les aliments de donner mauvais goût au poulet, goût de poisson en particulier.
Si l'on admet que ces critiques ne sont pas dues à l'auto suggestion, il faut conclure qu'il s'agit de poulets alimentés de façon incorrecte. Fut un temps où l’aliment destiné à assurer la croissance pouvait contenir en effet des protéines animales. Cependant, 2 à 3 semaines avant l'abattage cet aliment est remplacé par l'aliment "finition" contenant avant tout des céréales et autres produits d’origine végétale.
L'emploi de l'aliment croissance jusqu'à l'abattage, est une erreur souvent commise par les petits éleveurs, mais évitée dans les élevages importants.
LES OEUFS
Les races de poules actuelles sont sélectionnées pour une ponte élevée (250 à300 oeufs par an) mais elles ont des besoins alimentaires précis qu'il faut respecter. Si on ne le fait pas, ces poules pondront à peine plus que les anciennes poules de ferme (100 à 120 oeufs) mais supporteront ces privations bien plus difficilement et, plus que ces dernières, seront atteintes de picage, mangeront leurs oeufs etc..
Les oeufs prennent facilement des odeurs étrangères, mais surtout par la proximité de produits odorants ; on connaît les oeufs qui ont pris un goût pour avoir été mis dans une caisse ayant contenu des oranges, ou l'omelette aux truffes que l'on obtient en mettant les oeufs avec des truffes, dans un récipient clos, 24 heures avant de les casser. Par contre, il n'est pas prouvé que l'alimentation joue un rôle notable dans le goût de l'oeuf bien que certains l'aient noté après consommation excessive de choux, de navet ou d'oignons, ce qui ne risque justement pas d'arriver en élevage industriel. En revanche, on a montré que la présence dans l'oeuf, de divers microbes pouvaient donner des odeurs ou des goûts anormaux de poisson par les colibacilles, de choux par les pseudomonas. Ces bacilles peuvent provenir de coquilles sales et là encore ce risque est moindre en élevage industriel, les oeufs livrés à la consommation devant être calibrés et propres. On peut d'ailleurs se demander dans quelle mesure les goûts ou les fumets particuliers que certains trouvent aux oeufs "fermiers" ne s'expliquent pas de cette façon .... quand ce n'est pas une " idée" !
Reste enfin l'argument économique. On donne souvent aux poules le grain produit sur l'exploitation et qui paraît ne rien coûter. C'est évidemment une simple impression, car on pourrait le vendre... Et pourquoi vendre ces céréales pour acheter un aliment qui coûte bien plus cher ? Tout simplement parce que cette différence est largement compensée en oeufs pondus et en accidents divers évités.
QU'EST CE QU'UN ALIMENT COMPLET ?
Il ne faut pas être systématiquement contre l'aliment complet, ni le considérer comme un produit chimique industriel. A côté des céréales, qui représentent la plus grande part de la formule, les protéines sont apportées par la luzerne et surtout par des tourteaux. Une faible partie en poids est représentée par les minéraux et les vitamines et l'anticoccidien. Il n'y a rien dans tout cela qui ne soit naturel (à part l'anticoccidien réservé aux poulets).
De tels aliments sont en réalité plus économiques que les céréales si l'on ne regarde pas leur prix au kilo, mais ce qu'il en a coûté pour obtenir un oeuf ou un kilo de poulet. Quant à la qualité de l'oeuf ou du poulet, nous vous avons dit ce que nous en pensions et nous précisons que nous ne sommes pas fabricants d'aliments composés et que cet article n'a pas été payé !
Nous voyons seulement chaque jour, les cas soumis par de petits éleveurs : ponte très insuffisante, poulets qui pèsent 500 g à 3 mois, faiblesse des pattes, paralysies, parasitisme, picage.
Supposez que le pain constitue votre alimentation exclusive pendant 6 mois, ou un an. Pensez vous que votre santé serait très bonne ? C'est pourtant un régime de ce genre qui est souvent imposé aux volailles sous des prétextes trompeurs.