Magazine Culture
Redéfinir les codes, formes et contours des motifs d’un genre (thriller pour Insomnia, enquête pour Memento, blockbuster pour The Dark Knight) tout en préservant l’amour inconditionnel qu’il porte à certaines thématiques (le réel, la quête identitaire, le bien et le mal) et au cinéma en général : telle semble être la mission d’un Nolan, nouveau génie en la matière, qui explore – follement, passionnément et sans limite- les mille possibles, les mille strates d’un univers créatif débordant de vie et d’intensité. Soit Inception, et pour en dire le moins possible, un film de braquage peu ordinaire, puisque le coffre à forcer ici est enfoui au fond du subconscient humain, au milieu des souvenirs menaçants et des fondations cérébrales propres à chacun. Sur quatre niveaux de conscience, l’intrigue se divise en plusieurs couches de réel/fiction sans jamais se perdre, le personnage d’Ariane- initiée tout comme nous au concept de l’œuvre- se chargeant de nous guider dans les multiples paliers de réalités, référence tout à la fois au fil mythologique, et au labyrinthe dont il est question, ici celui de l’esprit. A mi-chemin entre la course effrénée d’un Gondry dans les paliers intérieurs de l’inconscient (Eternal Sunshine of the spotless mind), et le jeu vrai/faux, réel/virtuel d’un Matrix, avec qui il partage également cette étiquette de déjà culte, Inception offre du grand spectacle à tous les étages. Visuel tout d’abord, puisqu’on passe en un clin d’œil d’une séquence hallucinante (un Paris imaginé qui implose et se plie) à une autre (un sauvetage en apesanteur, un décor de neige- qui rappelle les James Bond- un imaginaire apocalyptique, une plage pleine de mélancolie et de désordre). Scénaristique ensuite, avec un déploiement virtuose d’intrigues et de réalités, qui dépasse une complexité apparente (et ce concept de poupées russes) pour in fine déborder de simplicité et toucher là où il faut. Soit, le plus important, l’émotionnel. Sublimé par Di Caprio, nouveau joyau du ciné US, en mari endeuillé (protagoniste qui rappelle celui de Shutter Island, dévasté par le chagrin et torturé dans sa chair), prêt à tous les sacrifices, à s’enfoncer jusqu’au tréfonds des êtres, à parcourir limbes, mensonges et souvenirs fantômes, pour retrouver sa bien-aimée, le film transcende alors tous ses niveaux de lecture pour ne parler de rien d’autre, que d’amour. Amour de l’art et amour fou, amour des films et d’une femme. Nolan hisse ainsi son Inception au sommet, poussant l’imagination aux confins du sublime.