Remake du film éponyme de Wes Craven datant de 1972 (sans conteste son meilleur long-métrage avec A nightmare on Elm Street (Les griffes de la nuit), La dernière maison sur la gauche version 2009 s'avère contre toute attente supérieur à l'original, fait extrêmement rare, surtout en ces temps de relectures à répétition des classiques du cinéma d'horreur des années 70 et 80.
Avec la bénédiction de Wes Craven lui-même (co-producteur du film avec notamment Sean S. Cunnigham, metteur en scène de Vendredi 13), Dennis Iliadis s'attela donc à la mise en chantier de ce qui ne s'avérait sur le papier qu'un remake de plus. Et c'est dans l'indifférence générale que le film sortit sur les écrans français au mois d'avril 2009.
Pour mémoire, le film d'Iliadis reprend la trame de l'oeuvre de Craven, en mettant en scène la vengeance d'un père et d'une mère suite au viol de leur fille. Le couple ayant abrité à son insu les responsables de l'agression, ils décideront d'un commun accord d'appliquer la loi du talion lorsqu'ils apprendront la véritable nature de leurs hôtes.
Ce qui frappe avant tout dans La dernière maison sur la gauche, c'est son exceptionnelle photographie, d'une beauté remarquable (rendue encore plus éblouissante sur l'édition Blu-ray du film, que je ne saurais que vous conseiller), et qui témoigne du soin apporté par le metteur en scène à son métrage, grâce à la virtuosité et au talent du chef opérateur Sharone Meir. La photographie du film possède à la fois une véritable aura poétique et sensorielle, tout en sachant se faire sombre et menaçante dans les scènes de tension.
Ce que développe Dennis Iliadis dans son film, c'est avant tout le thème des limites de la civilisation. Face à une situation extrême, jusqu'à quel point des êtres civilisés le restent-ils ? A partir de quand les barrières morales que notre éducation nous a forgées s'effondrent-elles ? Sommes-nous assez forts pour contenir la violence, ou au contraire s'exprimera-t-elle inéluctablement face à certaines situations ? Le film prendra clairement position, et même si la loi du talion est inutile car elle ne sert à rien, sa mise en oeuvre répond à une pulsion primitive humaine qui met à rude épreuve nos limites et notre raison.
Par ailleurs, le metteur en scène propose une séquence assez perturbante par la position dans laquelle elle place le spectateur. Dans cette scène située au début du film (et donc avant le viol), la jeune Mari (délicieuse Sara Paxton) prend une douche. Lorsqu'elle en ressort, la caméra s'attarde alors longuement sur elle, en enchaînant les plans sur son ventre, son cou ruisselant d'eau, sa culotte, etc...Le processus érotisant du metteur en scène est ici évident. Le spectateur est placé dans une position de désir, tout en refoulant ce dernier car non-conforme à ses codes moraux. Le thème de nos limites morales est donc véritablement au centre du film, et ce dès le début du métrage.
Par ailleurs, le metteur en scène insiste sur les éléments naturels dans lesquels s'inscrit l'histoire: forêt, lac, montagne, sont ainsi filmés avec une poésie qui leur confèrent une réelle beauté et une très grande force d'évocation. La douceur de ces plans dans lesquels la caméra semble caresser la nature (le travelling arrière suivant l'héroïne entrant dans le lac peu après le viol est à la fois terrible et d'une beauté à couper le souffle), rappelle la démarche de Terrence Malick lorsqu'il filme la nature dans La ligne rouge, à savoir: pourquoi une nature si belle se retourne-t-elle inexorablement contre elle-même ?
En revanche, l'on pourra reprocher à Dennis Iliadis l'ultime scène du film. Cette dernière, gore et plutôt inventive, dénote totalement du reste du métrage par son aspect purement fun et sa carence scénaristique (cet acte du père n'est pas crédible). Un peu comme si le sérieux de l'entreprise virait à la farce et la pantalonnade. Inutile et totalement hors sujet.
Malgré cette réserve, cette Denière maison sur la gauche se doit d'être visitée. Même si la version de 1972 reste un excellent film, l'élève a ici dépassé le maître.