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Gazon maudit

Par Borokoff

A propos de Tamara Drewe de Stephen Frears 3 out of 5 stars

Gazon maudit

Journaliste « people » installée à Londres, Tamara Drewe est devenue une jeune et très belle femme depuis qu’elle s’est fait refaire le nez. Aspirant à la célébrité en même temps que très instable sentimentalement, Tamara revient passer quelques jours dans son village natal du Dorset (comté du Sud-Ouest de l’Angleterre), à l’occasion du passage éclair d’un chanteur « pop » à succès qu’elle doit interviewer. Sa mère décédée, Tamara est devenue propriétaire d’un cottage anglais. Mais son retour aux sources coïncide avec le vent de panique qui souffle dans la campagne anglaise… Les habitants du village parviendront-ils à éteindre le feu que la provocante et sulfureuse Tamara a mis dans le cœur des hommes ?

Inspiré par le roman Loin de la foule déchaînée de Thomas Hardy (1840-1928) mais surtout le roman graphique éponyme de Posy Simmonds, Tamara Drewe est une pochade aussi exquise que grinçante où le modèle d’excellence morale prôné par une certaine bourgeoisie anglaise en prend un sérieux coup, mis à mal par la réalité de leurs mœurs perverses. God damned ! Un mythe égratigné !

Avec acidité et cet humour cynique « so british », Frears fait le portrait d’un écrivain anglais reconnu, Nicholas Hardiment, qui ne doit en réalité son succès qu’aux bonnes idées de sa femme qu’il trompe allègrement… C’est avec elle qu’il a créé une résidence pour écrivains au beau milieu de la campagne. Parmi ses hôtes, Glen, un universitaire et écrivain raté américain.

L’arrivée de l’aguicheuse Tamara Drewe (Gemma Arterton) au village est l’élément déclencheur qui met le feu aux poudres et fait exploser cette micro société anglaise bien « sous tout rapport ». Hardiment ne résiste pas longtemps au feu propagé par la brûlante Tamara tout comme Ben, le chanteur à succès. Mais l’arrivée d’Andy, son ex boyfriend, dans le triangle amoureux instaure un jeu aussi instable que périlleux pour ne pas dire impossible à gérer. Surtout lorsqu’une chipie adolescente (inénarrable Jessica Barden), fan de Ben, s’en mêle et sème la zizanie dans une partie déjà incertaine et mal engagée pour tous ces personnages.

Tamara Drewe brille moins par le comique de ses situations que l’acuité et la profondeur psychologique avec laquelle Frears, peu enclin pourtant à faire des comédies (à part Héros malgré lui, 1992, The Snapper, 1993 et High Fidelity, 2000), dépeint ses personnages. Le film est cocasse, mais on ne rit pas non plus aux éclats. Loin de là. Les situations n’atteignent pas un point délirant alors même que leur côté grotesque et leur incongruité pourraient se prêter au genre du vaudeville.

Non, ce qui intéresse davantage Frears, au-delà de la comédie, c’est le côté grinçant de ses personnages masculins qui ont tous une facette de « ratés ». Andy est un horticulteur par défaut parce qu’il n’a jamais réussi à percer dans le graphisme, Hardiment un écrivain « nègre », Ben un chanteur narcissique aussi superficiel que matérialiste et Glen un écrivain touchant mais frustré et qui n’a jamais rien écrit.

Ce que montre Frears, et ce qui est le plus jouissif dans sa comédie, c’est la capacité des hommes à s’extasier devant la superficialité d’une Tamara Drewe qui ne l’est pas au final, beaucoup plus sensible et profonde qu’on ne l’imaginait. En réalité, Hardiment, Ben et les autres ne s’enthousiasment que devant un pur artifice symbolisé par le nouveau faux nez de Tamara, qui la rend mile fois plus jolie. En un sens, Tamara Drewe est un film moraliste. Les hommes ne sont attirés par la chair, c’est bien connu, et Hardiment n’échappe pas à la règle. Le corps de Tamara l’excite au point qu’il en perd tout discernement. Quitte à se ridiculiser et oublier qu’il a n’a plus 20 mais 50 ans. Finissant même la tête dans le gazon…

www.youtube.com/watch?v=H0_p4cwPUyY


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