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L'affaire Bettencourt : la saga de l'été

Publié le 28 juillet 2010 par Raphael57

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Depuis 2007, l'affrontement judiciaire entre l'héritière de L'Oréal et sa fille est passé d'une saga familiale à une saga politique, avec une accélération depuis le début de l'été. Rassurez-vous, je ne compte pas vous raconter par le menu ce qu'il convient d'appeler désormais l'affaire Bettencourt. Je me contenterai d'un résumé tout en soulignant certains points économiques et financiers qui ont leur importance dans le contexte de crise actuel...

Résumé des épisodes précédents de la saga :

* 19 décembre 2007 :  Me Metzner remet en main propre au procureur de la République, Philippe Courroye, la plainte contre X de sa cliente, Françoise Meyers-Bettencourt. Celle-ci est déposée pour abus de faiblesse de sa mère Liliane et vise implicitement le photographe François-Marie Banier. A cette époque, on évalue les dons faits par la veuve au photographe à plus de 500 millions d'euros (depuis, on parle du double...) et le bruit courait qu'elle souhaitait en faire son légataire universel. Il n'en fallait pas plus pour que la fille demande à sa mère de se soumettre à une expertise psychiatrique (allez chercher quelle théorie psychanalytique peut expliquer ce comportement de défense de ses intérêts financiers...)

* février 2008 : en représailles à la procédure qui la vise, Liliane Bettencourt menace sa fille de lui retirer les donations qu'elle lui a consenties et de léguer directement l'essentiel de son patrimoine (qui s'élevait tout de même, au 1er mars 2010, à 15,6 milliards d'euros, dont 14,5 représentent sa participation de 30 % au capital de L'Oréal) à la Fondation d'État Bettencourt Schueller. Au même moment, une mission de conciliation est tentée par des amis qui pèsent lourd en euros de Liliane Bettencourt, Lindsay Owen-Jones (ancien PDG de l'Oréal qui touchait 2,6 millions d'euros de salaire en 2006 et qui depuis jouit d'une retraite estimée par Indymedia à 3,4 millions d'euros !) et Maurice Lévy, patron de Publicis qui gère les contrats publicitaires du groupe. Sans succès. Il faut dire que l'enjeu est de taille : son légataire universel disposera d'environ 8 % de sa fortune (1,25 milliard d'euros) contre 92 % pour sa fille et ses deux petits-fils.

* fin 2008: Liliane Bettencourt se rend à l'Élysée (rien que ça !) pour parler de tout cela avec notre omniprésident qui par définition peut tout sans ce pays. Hormis le fait qu'elle était la plus riche de ses administrés lorsqu'il était maire de Neuilly, personne n'a oublié sa très grande générosité lorsqu'il s'agissait de financer les campagnes électorales... de gauche comme de droite du reste !

* mai 2009 - mai 2010 : le maître d'hôtel de Liliane Bettencourt enregistre clandestinement avec un magnétophone des conversations "délicates". C'est le début du volet politique de la saga Bettencourt, lorsque le site Mediapart et le magazine Le Point en révèlent la teneur : plusieurs hommes politiques sont cités, dont notre omniprésident et Éric Woerth, ce dernier étant alors ministre du budget. Rappelons que son épouse, Florence, géra la fortune de Liliane Bettencourt durant trois ans, de 2007 à 2010... Les propos sont très explicites sur les relations entre les Bettencourt et la politique et les conflits d'intérêts que cela suscite.

Sur le plan économique, plusieurs remarques et questions peuvent être soulevées :

* pourquoi l'administration fiscale n'a-t-elle pas surveiller plus spécifiquement une des premières fortunes du pays ? A ce sujet, il est bon de rappeler que Liliane Bettencourt n'a pas fait l'objet d'un contrôle fiscal approfondi depuis quinze ans...

* selon Mediapart, l'usage de nombreux mécanismes comptables légaux lui permettent de ne payer "que" 30 à 40 millions d'euros par an d'impôts, pour des dividendes compris entre 200 et 300 millions d'euros et un patrimoine estimé à près de 16 milliards d'euros (voir plus haut) !

* selon le Canard enchaîné, au cours des quatre dernières années, le Trésor public a remboursé au total 100 millions d'euros à Liliane Bettencourt au titre du bouclier fiscal (30 millions d'euros rien qu'en 2008 !).

* au total, le taux d'imposition de Liliane Bettencourt est inférieur à 10 % par le jeu légal de l'optimisation fiscale ! Il suffit d'une dose de holding de patrimoine (la holding Téthys dans le cas d'espèce), d'un transfert de 30 % de titres à cette holding, pour obtenir une substantielle réduction d'impôts. En effet, Madame Bettencourt n'est dès lors imposée que sur les fonds prélevés de la holding pour couvrir ses besoins personnels (tout de même 145 millions d'euros en 2009), le reste (135 millions d'euros) demeurant dans les actifs de Téthys...

Et dire que lors d'une campagne électorale, on a entendu un candidat déclarer qu'il voulait "une République irréprochable. Le Président de la République, c'est l'homme de la nation, ce n'est pas l'homme d'un parti, ce n'est pas l'homme d'un clan". Et pourtant, il semble bien que le traitement fiscal soit quelque peu différent selon le montant du capital en jeu...

Allez, ne soyons pas mauvais joueurs si tant est que la perception de l'impôt soit un jeu : Liliane Bettencourt payent très peu d'impôts en France, mais elle en payent tout de même. Ce qui n'est pas le cas de la famille Wertheimer (Chanel), Primat (Schlumberger), Peugeot, Bich (Bic), Defforey (ex-Carrefour), Mulliez (Auchan), Darty, Halley (Carrefour), Bouriez (ex-Cora), etc.


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