J’ai arrêté la poésie parce que ça me fatiguait d’avoir
toujours à trouver quelque chose. Et
voilà que c’est pareil avec ces notes. J’envie ceux qui ne trouvent jamais rien et qui ne cessent d’écrire de vrais gros livres.
Les plus grands poètes ne sont lus par personne. Ils ne servent qu’à
« fournir » des titres merveilleux à des romans. En vitrine de la
Maison de la Presse de Chinon aujourd’hui : L’espoir d’aimer en chemin de… peu importe.
Le poète, il exerce son altruisme en n’étant attentif qu’à lui-même. Pas un
personnage sympathique donc. Mais — deux ou trois fois par siècle — bouleversant !
De rares poètes réveillent les mots, mais la plupart ne songent qu’à les
occire.
« Guet » « affût », les poètes aiment bien ce mot. Ils se
postent, ils attendent, c’est leur côté pêche
et chasse, mais ils ne ferrent que des truites de mots, ne tirent que des
cartouches d’encre. Leurs plus beaux trophées sont des rimes léonines.
Je lis un poème : une suite de syllabes qui même sous la torture
n’avouerait rien.
Se faire une place en poésie : se faire une place « à l’ombre ».
Écrire c’est répondre aux questions que personne ne vous pose.
Ne vous retenez pas d’aimer une poésie détestable.
Il avait sur ses rayonnages plusieurs stères de poésie.
Si vous êtes un peu connu, faire rebondir un ballon au bout de votre chaussure
peut vous rapporter 300000 € mensuels et l’idolâtrie de vos supporters. Si vous
êtes un peu connu (mais moins) un recueil de poèmes peut vous valoir 300
lecteurs dont 250 quasi indifférents et 50 autres dont le jugement est
impitoyable. Voilà bien le curieux langage des chiffres.
Les mots d’esprit sont des mots de tête, la poésie se fait plutôt avec des mots
d’estomac.
Je crois que pour un poète authentique tout ce qui n’entre pas dans les mots
est perdu. Et comme généralement un poète authentique n’écrit presque rien,
c’est quasi sa vie entière qui est perdue.
Jean-Pierre Georges, L’éphémère dure
toujours, Tarabuste, 2010
par Jean-Pascal Dubost