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Le mythe de Sisyphe

Par Borokoff

A propos de Norteado de Rigoberto Perezcano 3 out of 5 stars

Le mythe de Sisyphe

Andrés, un jeune fermier mexicain originaire du Sud du pays, ne rêve que de pouvoir traverser illégalement la frontière avec les Etats-Unis pour rejoindre sa femme et ses enfants basés en Caroline. Mais à chaque fois, ses tentatives échouent. Réfugié à Tijuana, il fait la rencontre d’Ela, de Cata et d’Asensio. Ce dernier lui propose un subterfuge pour le moins déroutant pour passer la frontière…

Norteado (littéralement « orienté vers le Nord ») est le genre de film qui fait dire, à priori,  avec dédain voire lassitude : « Oh, encore un film sur l’immigration clandestine des Mexicains aux USA… »… Cette pensée péjorative, presque ce mépris, qui ne les a jamais eus avant d’aller voir un film sur un tel sujet ?

Et bien, Norteado est assez malin pour contrecarrer le préjugé contre lequel il a à se battre d’emblée. Non pas qu’il brille par une mise en scène particulièrement originale ni transcendante, mais là n’est pas l’essentiel. Ni ce que l’on retiendra.

Dans les premières minutes du film, Andrés, filmé caméra à l’épaule, marche seul dans le désert. Un passeur, qu’il a pourtant gracieusement payé, l’a abandonné au milieu de nulle part. Andrés se met à pleurer au pied d’un arbuste avant d’être capturé quelques heures plus tard par des douaniers américains. Premier échec d’une longue série. La caméra ne lâchera plus Andrés, le collant dans son quotidien, les petits jobs qu’il trouve à Tijuana… Andrés reste silencieux, le visage mutique. Parfois un sourire éclaire sa morne face. Il y a incontestablement un intérêt du réalisateur pour rester dans une forme de réalisme proche du documentaire. Le triangle des personnages formé par Andrés et les deux femmes ne se parle pas ou très peu. L’introduction d’Asensio ne changera rien à cette donne.

Dans Norteado, Tijuana, qualifiée par le réalisateur lui-même de ville « schizophrène », fascine par la beauté de ses paysages mais surtout l’existence de cette frontière immense, ce mur à perte de vue qui la transperce et sépare des Etats-Unis. Comme si la ville « transposait en elle-même la démesure esthétique issue de l’imaginaire voire des fantasmes accumulés par les habitants du Sud envers ceux du Nord. » dixit Perezcano.

De toute cette misère et cette détresse humaines que l’on ressent chez Andrés, Ela ou Cata émergent peu à peu une forme de sensualité et de volupté, de désir entre ces trois personnages. Et de « l’intimité de ces relations humaines si naturelles des gens qui y habitent » se dégage une forme d’érotisme comparable à celle vue dans I don’t want to sleep alone de Tsai Ming-Liang.

Quant à la chute, aussi loufoque qu’inattendue, elle donne au film une dimension d’étrangeté et d’absurde. Norteado prend alors un recul qu’il n’avait peut-être pas jusque là…

www.youtube.com/watch?v=Vdj6D5khHSE


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