Lorsque la sélection du Festival de Cannes était tombée en avril dernier, les commentaires allaient bon train pour souligner la fadeur apparente des films retenus par Thierry Frémaux et son équipe. Et lorsque le jury présidé par Tim Burton a rendu son verdict la presse a globalement salué un palmarès qui retenait à une absence près (Another Year de Mike Leigh) les meilleur films présentés en compétition (même si la Palme à Apichatpong Weerasethakul a fait grincé quelques dents).
Dans un mois, c’est au tour de la Mostra de Venise de lancer ses propres festivités, et la vénérable manifestation italienne a ces jours-ci dévoilé les films qui concourront pour le Lion d’Or, qu’on pourrait situer à la seconde place de la hiérarchie mondiale des distinctions les plus prestigieuses du monde cinéphile (derrière la Palme, devant l’Ours d’Or). Après le « Booooooof » général entendu après l’annonce de la sélection cannoise, que retenir de celle de Venise ?
Ce qui frappe le plus dans cette liste de films, c’est à quel point elle ne pioche pas bien loin. Un coup d’œil suffit à remarquer que cinq films sont américains (plus un qui en a tout l’air), quatre sont italiens, trois français. Trois nations se partagent ainsi plus de la moitié des films en compétition. Ca manque un peu d’éclectisme. Pour le reste, deux japonais, deux espagnols, un chinois, un russe, un grec, un allemand, et deux films aux nationalités englués dans les coproductions.
Est-elle excitante cette liste de films ? D’un point de vue personnel, je serais tenté de répondre : « Pas excessivement ». Le plus intéressant dans ces choix, c’est peut-être l’intrusion de nombreux films de genre, ou au moins de cinéastes s’étant fait connaître avec le genre. Après The Wrestler il est par exemple difficile de continuer à appeler Aronofsky un cinéaste de genre, mais il n’empêche. Le réalisateur fait l’ouverture en compétition avec son Black Swan. A ses côtés, on trouve en revanche Alex de la Iglesia, Tsui Hark et Takashi Miike, des noms que l’on n’attendait pas forcément en course pour le Lion d’Or (surtout Miike si vous voulez mon avis…).
Côté français, un habitué de Venise, Abdelatif Kechiche avec Vénus Noire, un ancien réalisateur star qui ne déplace plus les foules, François Ozon avec Potiche, et un espoir, Anthony Cordier avec Happy Few. Pour ce qui est des américains, la sélection affiche clairement sa préférence, cette année, au cinéma indépendant. En plus du Aronofsky, les États-Unis amèneront sur le Lido le nouveau film de la délicate Kelly Reichardt, Meek’s cutoff, avec un excellent duo de jeunes acteurs, Michelle Williams et Paul Dano, Promises written in water, la nouvelle réalisation du rare Vincent Gallo, et Road to Nowhere, de l’encore plus rare Monte Hellman. Aronofsky, Reichardt, Gallo, Hellman, il faut tout de même avouer que la sélection US de Venise 2010 a une belle gueule, surtout qu’il faut y ajouter le fameux Somewhere de Sofia Coppola, qu’on avait un temps annoncé à Cannes et qui finalement se retrouve en Italie. Après la grosse déception Marie-Antoinette, tout le monde est curieux de découvrir la nouvelle réalisation de miss Coppola, ce qui fera sans doute de Somewhere le film le plus scruté de la Mostra.
A noter également le nouveau Tom Tykwer, qui retourne en Allemagne et à sa langue maternelle après avoir signé son meilleur film, L’enquête, en langue anglaise et le nouveau Julian Schnabel, Miral, situé au cœur du conflit Israélo-Palestinien. Je me réjouis également de la présence de Norwegian Woods de Tran Anh Hung, la transposition cinématographique du beau roman de Haruki Murakami « La balade de l’impossible », qui faisait partie de mes 10 films les plus attendus de l’année il y a quelques mois.
Venise nous réserve même un film surprise, qui sera annoncé début septembre, au dernier moment donc. Évidemment, difficile de ne pas penser à Tree of Life de Terrence Malick. On sait que Thierry Frémaux a fait des pieds et des mains pour essayer de l’avoir à Cannes, mais que finalement le film n’était pas prêt. Marco Müller, le directeur de la Mostra, imite-t-il Frémeaux ? Fait-il lui aussi le forcing pour ajouter le film de Malick à sa sélection jusqu’au dernier moment (ce qui porterait tout de même le nombre de films américains à six… peut-être trop ?) ? Réponse dans un mois.
Hors compétition, il est amusant de signaler que les frères Affleck, Ben et Casey, vont chacun présenter un film en tant que réalisateur. Pour Ben, il s’agit de son second long-métrage après le remarquable Gone Baby Gone, le polar bostonien The Town, dont l’alléchante bande-annonce circule sur le net depuis quelques semaines. Pour Casey, c’est un premier film, un documentaire suivant le parcours de Joaquin Phoenix (son beau-frère hors caméra) depuis qu’il a annoncé son retrait des plateaux de cinéma pour se consacrer à une carrière dans le rap. Le long-métrage s’intitule I’m still here, the lost year of Joaquin Phoenix. John Woo sera aussi de la partie hors compétition avec Reign of Assassins, qu’il a coréalisé avec Su Chao Pin.
Enfin, au rayon “il tourne plus vite que son ombre”, le sud-coréen Hong Sang Soo semble vouloir faire de la concurrence à Brillante Mendoza. Alors qu’il a présenté Ha Ha Ha à Cannes en mai dernier (il y a même remporté le Prix Un Certain Regard), Hong fera la clôture de la section Orizzonti de Venise avec déjà un nouveau film, Oki’s movie.
Alors, Vincent Gallo a-t-il encore signé un film radical ? Catherine Deneuve viendra-t-elle avec le même survêt’ sportif qu’elle porte dans Potiche ? Quentin Tarantino aura-t-il plus de cojones en tant que Président du Jury à Venise plutôt qu’à Cannes ? Malick présentera-t-il un jour son film quelque part ? Vivement Venise qu’on ait des réponses !