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Lire des romans – Walter Benjamin

Par Livraire @livraire

Reprise des chroniques en douceur avec cet extrait glané au cours des nombreuses lectures et découvertes de ce mois de juillet.

Tous les livres ne se lisent pas de la même façon. Les romans, par exemple, sont faits pour êtres dévorés. Les lire est une volupté d’incorporation. Ce n’est pas de l’empathie. Le lecteur ne se met pas à la place du héros, il incorpore ce qui leur arrive. Mais la manière suggestive d’en rendre compte est la présentation appétissante d’un plat nourrissant qui arrive sur la table. Or il y a une nourriture crue de l’expérience — exactement comme il y a une nourriture crue de l’estomac —, c’est-à-dire : les expériences sur son propre corps. Mais l’art du roman, comme l’art de la cuisson, commence seulement au-delà du produit cru. Et combien y a-t-il de substances nutritives qui sont indigestes à l’état cru ! Combien, d’expériences vécues qu’il est conseillé de lire, et non d’avoir faites. Elles profitent à bien des gens qui sont allés à leur perte quand ils les ont rencontrées in nature. Bref, s’il existe une muse du roman — la dixième —, alors elle porte les emblèmes de la fée cuisinière. Elle titre le monde de son état de crudité pour lui restituer du comestible et en extraire son goût. En mangeant on peut lire à la rigueur le journal. Mais jamais un roman. Ce sont des tâches qui entrent en conflit.

Walter Benjamin, Images de pensée, Christian Bourgois, coll. Détroits, 1998, page 252

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