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“On ne sait ni où il va, ni d’où il vient” (Nicolas de Staël 2)

Publié le 07 août 2010 par Marc Lenot

p-composition.1280745456.jpgDans l’exposition Nicolas de Staël à la Fondation Gianadda à Martigny (jusqu’au 21 novembre), l’étape suivante est celle des objets en tous genres, ‘bouteilles‘ qui chavirent et s’entrechoquent (1952), feu d’artifice des ‘Fleurs’ multicolores sur un fond rouge et noir (1952), scènes d’atelier avec verres, bouteilles, pinceaux comme la ‘Nature morte aux bocaux’ de p-lune2.1280745425.jpg1955 où ceux-ci semblent flotter au-dessus d’un patchwork de couleurs, de même que les ‘Bateaux‘ de 1955 flottent dans la brume marine. Il y aussi une ‘Composition‘ de 1952, toute en hauteur avec des banderoles rouge et verte qui flottent sur un fond bleu : les couleurs hurlent, frappent comme une grosse caisse, mais, en bas de la toile, le vacarme s’apaise et s’enfouit dans un vert maladif. Et, ici, la Lune (1953) n’est plus qu’un objet, cercle gris en équilibre au-dessus de ce petit éclat rouge.

On en vient alors aux tableaux plus connus, ‘Les Musiciens, souvenir de Sydney Bechet’ (1953, Centre Pompidou) qui n’est pas mon préféré : trop littéral, trop proche de la représentation,

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et la série des ‘Footballeurs‘ (1952, Fondation Gianadda) culminant avec l’imposant Parc des Princes de 1952 où la bousculade, le mouvement de cette “tonne de muscles”, le tumulte et l’entrechoquement des corps sont si bien traduits par ces formes colorées qui s’équilibrent et se confortent (en fait, je pense plus à une mêlée de rugby en voyant cet équilibre); et la référence à Uccello est ici évidente.

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Il y a encore des photographies (dont celle-ci, avec sa femme Françoise, place de Clichy en juin 1946, qui n’aurait pas déparé Shoot), quelques collages (mais on est loin de Matisse), et beaucoup de dessins, certains très chargés avec chaque brique de chaque mur soigneusement dessinée, évoquant pour moi ce dessin de van Gogh) et d’autres au contraire très dépouillés où Staël en trois coups de feutre évoque un corps féminin nu, tout un parcours entre le vide et le plein. Ce serait bien d’avoir
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un jour une exposition dédiée aux dessins de Nicolas de Staël. Aussi un très beau Nu debout au fusain (1954) où la forme du corps émerge du papier comme une apparition. Serait-ce la Marseillaise à propos de qui il écrit à René Char : “une vulgarité telle que ça devient sublime, et ronde comme une pierre tendre” ? Ou est-ce Jeanne Mathieu, son amour tragique ?

Le “Concert“, son dernier tableau, ne quitte plus Antibes, avec ses six mètres de long. En voici une interprétation très personnelle dans le livre d’Édouard Dor, piano-épouse et contrebasse-maîtresse, qui ne me convainc pas vraiment.

Concluons sur ce qui est pour moi le chef d’oeuvre de cette exposition, le Nu couché bleu de 1955, tableau intense d’une femme tendue, instable, vibrante, entre couche blanche et ciel rouge, sinusoïde de chair, brisure entre les deux aplats.

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Ce tableau est sans doute une déclaration d’amour, désespérée et tragique, mais le corps de la femme se détourne, se refuse, sa tête bascule, son regard fuit. Une mèche de cheveux est collée au cou alors que la chevelure noire pend, seul élément vertical de la composition; le sexe est marqué d’un petit fouillis de peinture, comme une écume marine. Tableau de désir, d’impatience et d’exaspération, où la peinture s’épure, désormais sans épaisseur, sans matière, laissant parfois voir le grain de la toile, ascèse finale.

A lire, ce beau texte de John Berger. Staël a écrit un jour à son galeriste Jacques Dubourg : “un bon tableau est celui dont on peut dire qu’on ne sait pas où il va ni d’où il vient”.

Voyage à l’invitation de la Fondation Gianadda.

Photos courtoisie de la Fondation Gianadda. Nicolas de Staël étant représenté par l’ADAGP, les reproductions de ses toiles seront ôtées du blog à la fin de l’exposition. Toutefois, elles restent visibles, pour la plupart, grâce aux liens URL indiqués ci-dessus.


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