Ceux qui lisent mes critiques sur Angle[s] de vue et celles de mon estimé confrère Thomas Messias sur son site Rob Gordon a toujours raison savent qu’il n’est pas rare que nos avis sur les films divergent.
Mais il est au moins un point sur lequel nous sommes d’accord : l’arnaque que constituent les avant-premières au Grand Rex…
Dans son article du 6 août dernier, Expendables au Grand Rex : récit d’une avant-première, le grand Rob pourfendait de sa plume vengeresse et caustique l’organisation de cette soirée bien onéreuse (12€ la place) pour voir un film juste deux semaines avant tout le monde, dans des conditions peu confortables, et apercevoir de loin, pendant un bref instant, trois des stars du film…
Que n’ai-je lu ce texte fort pertinent avant de réserver mon billet pour l’avant-première de Salt, le film de Phillip Noyce mettant en vedette la pulpeuse Angelina Jolie ? Cela m’aurait épargné la désagréable sensation de m’être fait pigeonner par les organisateurs de cette soirée…
Cette fois, ce n’est pas 12 €, mais 15 € qu’il fallait débourser pour pouvoir assister à ce qui était présenté (à tort) comme un des événements cinématographiques incontournables de l’été, en présence de la star du film. Pas donné par rapport au prix moyen de la place de cinéma, mais bon, pourquoi pas… On n’a pas tous les jours la chance de pouvoir croiser une vedette hollywoodienne…
Mais pour que ce tarif prohibitif soit pleinement justifié, encore aurait-il fallu offrir au public un minimum de spectacle, un peu de rêve et de glamour, grâce à un réel échange avec les artistes… A ce prix-là, on pouvait espérer être un tant soit peu choyés, avoir l’impression d’être des spectateurs privilégiés…
Eh bien non ! Au contraire !
Déjà, il faut savoir que, comme on ne mélange pas les torchons et les serviettes, l’orchestre est réservé aux VIP et aux invités divers et variés. La populace – c’est-à-dire les idiots ayant eu la mauvaise idée de payer leur place – a été orientée vers le balcon. De là, on ne voit pas grand-chose à ce qui se passe sur scène, à moins d’avoir prévu des jumelles ou un télescope…
Dans ces conditions, les places de la mezzanine, pourtant pas terribles, étaient très recherchées. Mais pour en bénéficier, il était impératif d’arriver très en avance et de s’armer de patience, de beaucoup de patience…
Car du coup, il a déjà fallu attendre pour rentrer dans le cinéma, puis, attendre à l’intérieur de la salle (c’est déjà ça, vu la météo…) que l’heure de la projection arrive, et enfin, une bonne heure supplémentaire, parce qu’évidemment, une star, ça doit se faire désirer…
En attendant, on nous a passé en boucle la musique du film, qui est vite devenue soûlante, et on nous a projeté, à intervalles réguliers, la bande-annonce, histoire de bien éventer les rares rebondissements de l’intrigue, ou les images de ce qui se passait dehors, sur le tapis rouge, c’est-à-dire rien… Juste l’attente des photographes, des chasseurs d’autographes et autres badauds… Pour passer le temps, le caméraman s’amusait à virevolter autour des panneaux publicitaire ou de la foule massée à l’extérieur du Rex, au point de nous refiler le mal de mer…
Mais au moins, on pouvait se rassurer en se disant qu’au moins, on pourrait découvrir sur grand écran l’arrivée de l’équipe du film…
Enfin, “l’équipe”, c’est un bien grand mot. Pas de trace du réalisateur Phillip Noyce, pas de Liev Schreiber, pas de Chewetel Ejiofor… Juste Angelina Jolie… Cela dit, soyons francs, c’est surtout pour voir la belle actrice que le public avait fait le déplacement. Elle a fini par arriver, avec une heure de retard, donc.
Deux mots à une caméra : “J’aime la France, j’aime Paris, je suis contente d’être là…” (enfin, j’imagine que c’était un truc dans le genre). Une séance de photo-call de cinq minutes que l’on n’a même pas pu voir correctement, le neuneu manipulant la louma, à l’extérieur, semblant s’ingénier à la filmer de dos, vue d’en haut ou de loin, virevoltant encore et toujours entre les panneaux publicitaires. Encore cinq minutes à attendre que la jolie Jolie, mitraillée de flashs à l’orchestre, ne monte sur scène pour dire deux mots : “J’aime Paris, j’aime la France, je suis contente d’être là… Vous avez sûrement envie de voir le film, donc je vous laisse…”.
Deux minutes de présentation, montre en main… Waouh! Cela valait la peine de payer 15 € et d’attendre trois heures pour ça…
Bon, il y a eu le film quand même… Un nanar dont nous auront l’occasion de reparler très bientôt… Vu dans des conditions médiocres, car les fauteuil du Grand Rex sont certes élégants et moelleux, mais il est quasiment impossible d’y appuyer son crâne sans se lancer dans d’improbables contorsions et risquer de se chopper un torticolis… A une semaine près, je pouvais voir le film tranquillement, sans faire la queue, dans un multiplexe confortable, pour une somme plus modeste.
Bon OK, sans Angelina… Mais ces deux petites minutes de “bonheur” méritaient-elles tout ce bazar ? Pas sûr…
Bref, une fois n’est pas coutume, Rob Gordon avait raison…
Il serait sympathique que les organisateurs de ce type d’événement arrêtent de prendre les cinéphiles pour des pigeons ou des vaches à lait…
Il se trouvera toujours un public prêt à payer pour voir les vedettes de près ou avoir la chance de découvrir un film avant les autres, mais ce n’est pas une raison pour lui faire payer le prix fort…
Si je ne m’abuse, les fauteuils du Grand Rex sont numérotés. Alors, rien n’empêche de faire payer les spectateurs une somme correspondant à une catégorie de place, comme au théâtre ou à un concert. Franchement, exiger 15 € pour des places tout en haut du balcon, d’où on ne voit absolument rien, c’est à la limite de la malhonnêteté…
Amis lecteurs, nous vous invitons donc à bien réfléchir avant d’aller assister à une de ces avant-premières bien pompeuses organisées au Grand Rex, qui, au vu de leur potentiel lucratif, risquent fort de se généraliser…