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Votre courrier n'a pas été envoyé, de Joss Doszen

Par Liss
Votre courrier n'a pas été envoyé est le troisième roman de Joss Doszen, que j'ai eu la chance de rencontrer au cinquantenaire de l'indépendance du Congo, vendredi dernier (je vous en dirai un mot prochainement). Je lui avais en effet transmis l'invitation, espérant que nos compatriotes allaient se jeter sur ses livres en voyant un auteur de leur temps en face d'eux, n'attendant que de leur faire découvrir son univers. Un univers dont vous pouvez vous faire une idée en allant farfouiller sur ses différents espaces. Vous y prenez tout de suite la température de la plume de l'auteur, faite d'humour et de bonne humeur. Je vous invite notamment à visiter l'espace loumeto, où l'auteur publie régulièrement ses billets, depuis plusieurs années.
Le gars, aussi haut perché que l'est son verbe, se livre sans détours dans ce troisième ouvrage. Disons plutôt que le personnage principal, la quarantaine, livre ses pensées sans qu'aucune bride ne vienne retenir son langage. Il le fait en toute quiétude car les différents mails dans lesquels il se livre ainsi, destinés à un amour perdu depuis dix ans, ne sont jamais envoyés mais conservés dans les brouillons. Cela donne l'impression au héros d'avoir une interlocutrice, mais cela ressemble beaucoup plus à un journal intime.
Le mot "intime" vient bien à propos car le narrateur nous entraîne au coeur de sa vie amoureuse, au coeur de ses expériences plutôt, qu'elles soient amoureuses, amicales, professionnelles, religieuses ou autre. Le regret pour celle qu'il a fait fuir malgré lui n'est qu'un prétexte pour déverser tout ce qu'il a sur le coeur. L'humour le dispute à l'ironie dans ses confidences, et si vous avez envie de lire quelque chose de léger ou d'amusant en apparence mais qui tâte les maux de notre société actuelle, avec ses contradictions, vous avez de quoi passer un bon moment de lecture avec Votre courrier n'a pas été envoyé. Franchement j'ai parfois éclaté de rire et j'ai aussi retrouvé des problématiques qui ont également mobilisé mon esprit.
Le langage est oral, imagé, j'ai en particulier bien aimé les comparaisons, elles foisonnent. Ce roman est aussi, en quelque sorte, un hommage aux langues. Bon, si vous n'êtes pas convaincu, voici quelques extraits : "Pourtant je crois que comme avec l'obésité, les hommes veulent que vos sentiments entrent dans des compartiments minuscules conçus pour des nains maigrichons. Tours de taille plus large, passions inextinguibles, jambes longues, tendresse en débordement ; mêmes combats.On en revient toujours au même principe. Ne pas sortir de la norme du moment. Correspondre à la boîte dans laquelle les autres voudraient vous mettre. C'est comme ça en permanence. Les gens n'aiment pas êtres surpris, alors on doit être ce qu'ils pensent que l'on est. Et on passe comme ça les uns à côté des autres sans se connaître vraiment." [Votre Courrier n'a pas été envoyé, p. 42-43] "Dans tous les pays occidentaux où ce genre de débat a surgi il y a une constance ; les gens veulent choisir et imposer leur seule vue de l'histoire comme étant celle méritant de figurer aux panthéons nationaux.Ils veulent nous faire bouffer du Louis XIV, du Christophe Colomb, du docteur Livingston, du capitaine Cortez, etc. La grandeur de l'Europe ne saurait souffrir d'être masquée par la broussaille du temps.Le problème c'est quand moi j'exhibe ma connaissance historique de l'Europe, il semble toujours apparaître comme un hiatus dans l'amour de l'histoire. Quand je réplique Napoléon l'esclavagiste, Nantes bâti sur le sang des Noirs, Léoplod II massacreur des Congolais, Bob Denard le pantin français faiseur de présidents africains... là, il y a malaise.Quand je parle de ce pan-là de l'histoire on me reproche inévitablement mon soi-disant désir de victimisation, ma haine de l'Occident et mon communautarisme. On me jette à la figure ma soi-disant accusation - indue évidemment - contre des contempprains auropéens qui ne sont pas responsables des méfaits du passé.Des cris d'orfraies, des regards accusateurs, c'est tout ce que je reçois quand je mets en avant un passé un poil moins glorieux, une histoire qui ne caresse pas les ego dans le sens du poil. Comme dirait l'autre, individualisation des méfaits et collectivation de la gloire."[p. 68-69]
Joss Doszen, Votre courrier n'a pas été envoyé, Auto édition loumeto, juin 2010, 164 pages.
Pour commander le livre : fnac, librairie Anibwé ou cliquer ici.
Pour en savoir plus sur l'auteur et son oeuvre, une interview chez Gangoueus.

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