AVANT-PREMIERE RENTREE LITTERAIRE (parution le 25 août) -
PRIX FNAC 2010
FINLANDE
Editions Stock "La Cosmopolite", 2010
Assurément, un grand coup de coeur, sûrement l'un des grands romans étrangers de cette rentrée littéraire. Premier roman d'une jeune femme de mère estonienne et de père finnois, née en 1977, elle a été la plus jeune auteur à recevoir le Grand Prix de littérature du Conseil nordique et a reçu les trois plus prestigieux prix littéraires de Finlande. Affichant sa bisexualité, look gothique, elle est profondément engagée contre les discriminations.
Purgemêle avec brio grande et petite histoire en revenant sur 60 ans d'Histoire de l'Etat Estonien partagé entre le joug allemand et soviétique. Après une brève indépendance entre les deux guerres mondiales, les estoniens doivent se soumettre à l'occupation soviétique ; les nationalistes sont bien sûr pourchassés...
Voici donc le contexte historique, fort intéressant.
Début du roman, 1992. L'armée russe s'est retirée. Aliide, une vieille femme, vit dans une ferme, au coeur de la forêt estonienne ; un matin, alors que des gamins lancent des cailloux contre sa fenêtre, elle voit une silhouette en guenille contre un arbre. Redoutant qu'il s'agisse d'un appât de la mafia russe, elle hésite à lui venir en aide. Finalement, elle lui ouvre sa porte...La jeune Zara affirme être poursuivie par son mari russe qui la bat. Ce mari n'est finalement qu'un mafieux russe qui organise un trafic de prostituées...
A partir de ce moment, les chapitres se déroulant sur plusieurs périodes se succèdent ; les flash-back vont permettre de découvrir petit à petit le secret de famille que cache la vieille Aliide.
Il ne faut pas en dire plus, je vous laisse découvrir le reste...
Ce roman est construit d'une manière très habile ; les flash-back sont des épisodes cinématographiques vécus directement par le lecteur et non l'histoire racontée par Aliide.
Si bien que les deux personnages, pourtant en total huis-clos, garderont leurs secrets pour elles.
Le secret inavouable se dévoile peu à peu : une histoire d'amour impossible, non partagée, sur fonds d'occupation russe, entre Aliide et son beau-frère. Lorsque celui-ci, nationaliste, sera activement recherché par la milice russe, elle tiendra tête aux menaces de torture avant de commettre un acte irréparable, anéantissant sa famille.
Plusieurs critiques voient dans ce roman inclassable une influence de Psychose d'Hitchcock : même atmosphère oppressante dans un lieu désolé, un secret inavouable très bien caché...
Récit remarquablement bien construit, ménageant le suspense jusqu'au bout et avant tout, des personnages d'une rare épaisseur psychologique. La palme revient sans aucun doute à Aliide, chef d'oeuvre d'ambiguïté, figure tragique, incarnant la passion dévorante et dévastatrice.
A la fois, satanique et héroïque, elle incarne la forte femme qui lutte pour la résistance de son pays. Vieille femme renfrognée qui cache un secret inavouable, elle montrera prograssivement toute son humanité
Ce roman est bien sûr une ode à la femme persécutée et résistante des années 40 à nos jours : viols et tourtures par les soldats russes, trafics sexuels de nos jours organisés par la mafia russe.
Un grand roman qui commence à faire parler de lui...