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Edward Hopper, une certaine image de l’Amérique

Publié le 19 août 2010 par Elisabeth1

« C’est très difficile de formuler comment cela me vient, mais c’est un long processus d’immobilité de l’esprit et de surgissement de l’émotion » ,  c’est ainsi que s’exprime Edward Hopper dans un enregistrement américain.

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 Né à Nyack à quelques km de New York en 1882 et mort en 1967,  il a signé une œuvre déroutante  et hors école. C’est un des peintres qui a le mieux saisi le non dit et le presque rien. Ces tableaux figuratifs mettent en scène des personnages perdus dans leur solitude et plongés dans leurs réflexions et pensées. Peintre de la mélancolie et des solitudes urbaines, des cadrages insolites, des fenêtres donnant vue sur des pièces, des arbres immenses augmentant l’insolite des paysages par leur proximité immédiate des maisons, sans accès, excluant d’emblée le spectateur, une prédilection pour les éclairages violents, naturels ou électriques. Ses tableaux et ses compositions sont immédiatement reconnaissables,  c’est l’Amérique statique et géométrique, peuplée d’êtres sans attaches. C’est une représentation universelle de l’homme, face à lui-même et à sa destinée, rien de tragique, juste un constat, la solitude, peu importe les époques et les lieux. Cela n’est pas sans évoquer certaines toiles de de Chirico, mais aussi de Magritte ou de Munch. Son univers est banal, désert, comme arrêté dans le temps, les personnages ne regardent personne et semblent absorbés par un hors champ indéfini. Que ce soient la femme du Soleil du matin, Intérieur d’été, ou encore celle de la Loi du Désir, le Nu Couché, (nu moins sublime que Nicolas de Staël,…. plus ambigu…) assise au bord du lit, couchée,
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tournant le dos à l’homme assis sur le bord du lit, l’ouvreuse du Cinéma à New York, dans les bureaux la nuit, dans un train nous ramenant vers « Juste le temps de Robert Cahen », regardant par la fenêtre, dans un motel, elles sont toutes impersonnelles, empruntes d’indifférence au monde, dans le silence. On n’imagine aucune musique accompagnant, ses personnages ou ses paysages, urbains, balnéaires, campagnards, ses stations d’essence
 La seule qui regarde vers le spectateur, Matinée en Caroline du Sud, est la femme noire, dans une tenue très habillée, soulignant les formes du corps de façon très prononcée, une robe rouge presque transparente, des chaussures noires, devant elle une plate forme de pierre, une végétation jaune et bleue, puis au loin, l’horizon bleu foncé, sous un ciel bleu, donnant l’impression d’être dans une île (de la tentation ?). Elle semble provoquer par sa posture d’attente dans l’embrasure de la porte.
Ne dit-on pas que l’artiste peint un auto-portrait lorsqu’il créé une œuvre ? Hopper installe une distanciation entre lui et le regardeur.
Ses compositions prennent pour sujet l’Amérique, celle des petites villes balnéaires à l’architecture figée de fin du 19e siècle. Le nouveau monde d’Hopper est emprunt d’une certaine mélancolie, aussi ses toiles ont-elles véhiculé pour nous, une image noire, celle en particulier des films des années 30.

L’essentiel provient du Whitney Museum de New York, qui détient plus de 2 500 tableaux d’Edward Hopper, légués par sa veuve Jo, ancienne élève du maître, qui lui servit de modèle presque unique. Cet artiste, passé de l’illustration à la gravure, puis aux tableaux, précédés par des études que cette exposition met en regard. Il y en a un peu trop à mon goût … j’ai fini par les zapper.
On peut ainsi voir la progression et la méthode de travail de Hopper, où tout est étudié au cordeau , ou rien n’est dessiné par hasard.
Pendant plus de soixante ans, Edward Hopper a dessiné. Pendant ses études, il vient à Paris. Flâneur attentif, il déambule le long de la Seine, indifférent aux querelles artistiques de l’époque et aux avant-gardes (fauvisme, cubisme), absorbé par la lumière de la capitale qu’il ne retrouvera pas dans son pays natal. Son séjour parisien a donné de remarquables huiles où il peint, le Pont des Arts; le Pont Royal, le Louvre pendant un orage, le Quai des Grands Augustins, visibles à l’Hermitage.  Il en rapportera le jeu de lumière sur les corps, les maisons, les paysages, parfois un simple rayon de lumière à travers une fenêtre, une vision épurée.
De retour dans le Nouveau Monde, il gagnera d’abord sa vie comme illustrateur, chagriné qu’on lui demande de croquer la vie frénétique des métropoles agitées alors qu’il ne rêve que d’architecture, de lignes géométriques, du dialogue de la lumière avec les façades, de la rêverie qui naît des belles demeures victoriennes et de l’atmosphère qui se dégage d’une fenêtre ouverte où se détache la scène. Ses toiles reprennent les mêmes motifs, retravaillés : l’intérieur des chambres d’hôtel, des théâtres, des cinémas, les devantures des magasins vides, les pompes à essence sur des routes désertes, les ponts de New York, les granges à la campagne, les cabanons à Cape Cod, baignés d’une clarté délicate et chaude qui, pourtant, traduit la froideur des vies. 

L’exposition de l’Hermitage montre aussi les autoportraits sombres, les envoûtantes eaux-fortes nocturnes, les études pour les toiles majeures. Et la déambulation qu’impose la disposition de cette villa s’accorde bien au regard stylisé que portait l’artiste sur la solitude de l’homme moderne. un projection au dernier étage complète la visite.

Dans ce mélange de « voyeurisme et de discrétion », comme le notera un critique, il peint des couples désunis, des femmes délaissées comme l’ouvreuse du théâtre, en retrait, élégante, élancée dans son uniforme noir, talons hauts, chevelure blonde dont l’éclat perce l’obscurité. Il saisit la subtilité des corps dans l’espace, figés face à un horizon invisible que vient éclairer la lueur du soleil, dans la découpe des croisées.
 
A la Fondation de  l’Hermitage de Lausanne jusqu’au 17 octobre 2010.

photos scannées


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