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Gadget Trial (fin)

Par Ledinobleu

Screenshot du jeu vidéo Gadget TrialSommaire :
1. Le jeu
2. Le thème (le présent billet)

Cet article est une bonne occasion d’examiner de près un thème relativement mal connu chez nous : les mecha girls, parfois appelées aussi mecha musume.

Au départ une autre itération de l’anthropomorphisme, située dans la lignée du kemonomimi et donc à forte tendance moe, cette branche du « genre » appartient précisément à la tendance « moe anthropomorphism » et connait un succès proportionnel à la taille des mechas qu’elle détourne – du moins chez ceux d’entre nous qui sont mechaphiles (1).

Artwork de Gadget Trial

Into the fray

Car les mecha girls sont surtout une forme de parodie, encore que – d’un certain point de vue – elles prolongent sous bien des aspects au moins un des symbolismes du genre « mechas réalistes » ; il paraît donc assez normal que les premières mecha girls aient été tirées de mecha designs de la franchise Gundam – voilà pourquoi on les appelait à l’époque MS shôjo, ou encore Gundam girls. Comme il vaut mieux une bonne image que 10 000 mots :

Un exemple de mecha girl

De l'original au détournement... Ici un Zaku II de la franchise Gundam

À gauche le mecha design original, et à droite la mecha girl correspondante : voyez comment l’anthropomorphisme reprend des éléments du design de départ pour les disposer autour d’un personnage féminin comme s’il s’agissait d’une jeune fille portant un costume de mobile suit ; le résultat final évoque bien sûr une forme de cosplay, et on a d’ailleurs vu des cosplayeuses se déguiser de la sorte – un exemple :

Un exemple de cosplayeuse mecha girl

Une cosplayeuse mecha girl déguisée en Strike Gundam (Gundam Seed)

Et, bien sûr, de très nombreux designs de mecha girls sont le fruit de graphistes amateurs, et notamment à travers le dôjinshi ; le web regorge d’exemples. Comment expliquer une telle popularité ? D’abord, très certainement, pour leur allure « moe » qui les rend pour le moins charmantes – en particulier vis-à-vis d’une audience surtout masculine… Ensuite, et c’est peut-être plus surprenant pour des profanes du genre mecha, précisément pour le détournement qu’elles proposent.

Artwork de Gadget Trial

Enemy base infiltration

En premier lieu, il s’agit souvent de productions artistiques très abouties : on ignore souvent que le mecha design est une branche bien particulière de la culture manga / anime et les artistes qui s’y consacrent sont tous très spécialisés dans ce domaine qui est beaucoup plus difficile que ce que peuvent le croire ceux qui ne s’y sont jamais essayés – les mecha girls, parce qu’elles combinent la difficulté du dessin de personnages à celui de mechas exigent donc beaucoup de talent, ce qui suscite toujours de l’admiration.

Artwork de Gadget Trial

Fire salvo!

Ensuite, les mechaphiles savent bien que le genre mecha ne doit surtout pas être pris au sérieux : le concept même d’un véhicule de combat haut de quelques dizaines de mètres est bien entendu stupide, précisément de par sa taille qui en ferait une cible de choix et l’empêcherait de survivre sur un champ de bataille. En ridiculisant ce concept, les mecha girls le remettent donc à sa place – celui d’un fantasme, ici dans tous les sens du terme.

Artwork de Gadget Trial

The night before the operation

Enfin, parce qu’en ridiculisant de la sorte des appareils de combat, elles soulignent ainsi l’aspect anti-militariste sur lequel se base l’écrasante majorité des productions du genre « mechas réalistes » – à ce sujet, j’insiste sur l’adjectif « réaliste » car le genre « mecha » pris dans son ensemble n’est pas forcément anti-militariste, seule la branche de ce genre fondée par Mobile Suit Gundam s’en réclame ouvertement (2).

Artwork de Gadget Trial

Swimming

On peut néanmoins se demander si cet anti-militarisme radical qui caractérise les mecha girls est vraiment présent dans Gadget Trial, car les E-Series sont bel et bien des armes… Mais on est rassuré dès le début du jeu : quand le Major Shitoshi leur explique que leur rôle est de tuer des soldats ennemis, elles sont littéralement effondrées (3).

Les moe ne changeront jamais en fait : c’est aussi pour ça qu’on les aime…

(1) paradoxalement, il existe peu de jouets et de figurines représentant des mecha girls : les seuls disponibles dans le commerce à ma connaissance sont les créations du sculpteur Humikane Shimada dont les travaux servirent d’ailleurs de base à l’anime Strike Witches (Kunihisa Sugishima, 2007) et ses séquelles ; d’autres modélistes, mais le plus souvent des amateurs, proposent parfois des productions personnelles à la vente lors de conventions, ou bien sur des sites spécialisés ou de ventes aux enchères : ces créations sont le plus souvent des kitbashes – c’est-à-dire des détournements de maquettes et de jouets officiels – mais il arrive qu’ils soient des scratchbuilds – c’est-à-dire des pièces fabriquées sans aucun éléments détournés.

(2) et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les premières mecha girls sont tirées de Mobile Suit Gundam, du moins si on en retient cet aspect foncièrement anti-militariste que je leur prête ; le lecteur soucieux d’approfondir l’émergence de l’anti-militarisme au sein de la culture manga se penchera avec bonheur sur l’article de Jean-Marie Bouissou, Du Passé faisons table rase ? Akira ou la Révolution self-service (La Critique Internationale n°7, avril 2000).

(3) sauf Hisoka, mais elle est dingue de toutes façons alors elle ne compte pas…

Sommaire :
1. Le jeu
2. Le thème (le présent billet)

Gadget Trial
KOGADO Studio (Kuma-san Team), 2006
Windows, pas d’édition française à ce jour


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