En bon tangérois, j’ai toujours eu en tête la chanson de Houcine SLAOUI : « TANJA » ! Elle m’interpelle bien plus que tout ce peuvent dire ou écrire sur ma ville les étrangers ou encore ceux de nos compatriotes qui se prennent ou que l’on prend pour des intellectuels.
La chanson brille par son originale construction musicale, avec cette légèreté « tangéroise », avec des paroles bien marocaines et juste ce qu’il faut de dialecte local ! Un petit chef-d’œuvre qui, je crois, a fait naitre mon intérêt et mon admiration pour ce chanteur, disparu trop tôt !
· Qui était Hocine Slaoui ?
Houcine Ben Bouchaib de son vrai nom Houcine Ben Bouchaib, serait né à Salé vers 1918. Il est décédé en mai 1951dans des circonstances obscures.
Il commença très jeune à se produire sur les places publiques, dans les « 7al9a », sous la férule de grands maîtres de cet art populaire comme le fantaisiste Moulay Bouih et le maalam Boujemaâ El Ferrouj.
Il s’est fait connaitre en reprenant les chansons popularisées par les comédies musicales égyptiennes des années 1930. Cette influence a marqué la suite de sa propre production artistique, comme par exemple « YA GHRIB LIK ALLAH ».
En bon « 7lay9i », Houcine Slaoui a chanté le Maroc et les marocains et pour les marocains, en s’inspirant pour ses paroles de la réalité de la société et pour ses compositions de diverses influencesrégionales.
A cet égard, il est intéressant de signaler d’une part « AITA BIDAWIYA », puisée dans la culture musicale marocaine traditionnelle et d’autre part « EL KA7LA », fortement marquée par les rythmes gnawi.
Ses origines premières de « 7lai9i » se retrouvent dans « DAK BABAK », où Hocine Slaoui nous présente un sketch très « marrakchi » dans le fond comme dans la forme.
L’influence de la musique « jebliya » est aussi présente dans des chansons comme la bien-nommée « YA LALAY LALLI ».
Ses chansons puisaient leur thème dans la réalité quotidienne de ses contemporains et elles ont étaient marquées par ses premiers séjours en France dans les années d’avant-guerre.
- « 7DI RASSEK », satire sociale qui dénonce les petites magouilles de la vie.
- « NZAHA », évocation nostalgique du « bon vieux temps ».
- « EL MARIKAN », qui retrace une vision acide du Maroc après le débarquement américain de 1942
- « YA YAMENA », mélodie et paroles populaires.
- « KAS HLOU », chanson à la limite paillarde à la gloire de la « dive bouteille ».
- « SANIA OUL BIR », composition à la gloire de la femme, de sa beauté et de sa sensualité.
- « SAMRA KHAMOURIYA », chanson en hommage à la chanteuse algérienne Bahia Farah, rencontrée à Paris et peut-être tendrement aimée par Houcine Slaoui.
· L’apport artistique de Hocine SLAOUI
Le style très personnel de Houcine SLAOUI découle de la conjugaison des diverses influences qu’il a croisées et de son talent propre.
Si dans les paroles, son apport n’est pas d’une grande nouveauté, bien qu’il ait été un grand amuseur public, c’est musicalement qu’il se révéla un innovateur ingénieux.
Pour plaire à son vaste public, il a su mêler les différents courants régionaux marocains aux modes musicaux orientaux.
Mais la grande innovation musicale de Houcine SLAOUI a été d’introduire dans ses orchestres, en plus des instruments traditionnels (guenbri, derbouka et tar) d’autres totalement nouveaux à l’époque dans la musique marocaine, à savoir le piano, la clarinette et l’accordéon.
· La mémoire de Houcine SLAOUI
Son fils Si Mohamed perpétue l’héritage de l’artiste disparu à travers l’Association Houcine Slaoui pour les arts populaires.
Son petit-fils Hatem a repris le flambeau et se réapproprie les chansons de son grand-père dans des interprétations personnelles, avec une orchestration très actuellisée.
Les télévisions officielles ne sont pas en reste dans la sauvegarde du souvenir de Houcine SLAOUI. Si la deuxième chaine 2M s’ouvre aux chanteurs qui interprètent ses chansons, la première chaine a diffusé en 2006 un documentaire intitulé « Al Bal Oughniya » axé sur la chanson « Lmarikane ».
Le magazine TEL QUEL, dans son numéro 240, lui a consacré un article très intéressant sous le titre « Houcine Slaoui, l’inoubliable troubadour ».
Assez paradoxalement, le NET semble pourtant le média qui contribue le plus et le mieux à la pérennité de la mémoire de ce troubadour des temps modernes : de très nombreux billets dans les blogs de divers horizons, des discussions sur des forums, des captures de documentaires d’époque illustrant ses chansons.
Soixante ans après sa disparition, Houcine SLAOUI est encore bien présent parmi nous : il suffit juste de vouloir le retrouver !