Quinze ans se sont passés depuis Manière noire, le premier roman de Xavier Hanotte. Depuis, il explore un univers personnel bâti à mesure que les livres s'ajoutent les uns aux autres. Ce qu'on appelle une œuvre, en somme. Avec, pour le lecteur habitué à la fréquenter, sa part de surprise à chaque fois - en particulier cette fois-ci. Et, pour celui qui découvre, l'occasion d'aborder des rivages inconnus.
Vous publiez, dans cette rentrée littéraire, Des feux fragiles dans la nuit qui vient. En même temps que 700 autres romans. Cette abondance ne vous effraie-t-elle pas?
J'écris par besoin, par pente naturelle, avec l'envie d'en savoir plus sur moi-même et sur le monde dans lequel je trace ma route, vaille que vaille. De mon point de vue, le reste est donc accessoire, une sorte de bonus improbable, et comme je n'ai jamais rêvé de vivre de ma plume et encore moins d'être connu (ça devient une profession, paraît-il), franchement, je me fiche pas mal du nombre de livres qui peuvent sortir en rentrée ou hors rentrée. De plus en plus, je crois qu'un livre sincère rencontre toujours son public, en dehors des battages de tous ordres. Dieu merci, le succès n'a rien d'impératif tant qu'un éditeur vous suit. Et comme je n'en ai jamais changé...
Quel a été le point de départ de votre roman? Une idée, une phrase, une image, que sais-je...?
Le point de départ du roman? Il remonte à si loin que je ne le distingue plus très nettement. La première idée m'en est venue il y a plus de vingt ans, quand je n'imaginais pas encore écrire, tant la chose me paraissait relever de l'arrogance. En fait, j'avais fini par croire qu'il ne sortirait jamais de ma boîte à rêves, ce bouquin. Car Des feux fragiles dans la nuit qui vient, c'est un peu la somme de mes petits mythes personnels. Le livre s'est donc bâti lentement, par strates, géologiquement pour ainsi dire. S'y mêlent - comme d'habitude - quantités de souvenirs personnels, du plus vague au plus précis. Il y a sans doute eu de longues nuits de caserne durant lesquelles, j'imagine, le personnage de Pierre Berthier a commencé à prendre consistance. Le chemin est souvent long...
Avez-vous été, dans votre travail, influencé par d'autres écrivains? Ou par d'autres artistes?
Pour moi, la lecture - comme l'écriture d'ailleurs - n'a jamais été une forme de divertissement, et moins encore une aimable distraction. Bref, lire, écrire - traduire, dans mon cas - c'est vivre plus, vivre mieux. Je suis donc aussi le produit de mes lectures comme d'autant d'expériences vécues. Alors prétendre que Le Rivage des Syrtes, Un balcon en forêt, de Gracq, Le Désert des Tartares de Buzzati ou Retour en Atlantide de Lampo - voire Un soir, un train d'André Delvaux - n'ont rien de commun avec ce roman n'aurait pas beaucoup de sens. La Bruyère l'a dit bien avant moi. «Depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes, et qui pensent, etc.» Et pourtant, vraiment, Des feux fragiles, à mon avis, c'est tout autre chose...
L’adjudant Berthier est empli de certitudes autant que de doutes. Est-il, d’une certaine manière, un double de vous-même?
Bien plus de doutes que de certitudes! Les gens qui ne doutent pas, s'ils existent, sont terrifiants. Dans Des feux fragiles, en tout cas, ils le sont! Sans le doute, la création n'a aucun sens. Au contraire, elle s'en nourrit. Donc oui, plus que le reconnaître, je le revendique: Pierre Berthier, s'il n'est pas mon porte-parole (auquel cas il ne vivrait pas), me ressemble assez... En tout cas j'aimerais bien.