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La maison du scorpion - Nancy Farmer

Par Emmyne

417Z2BD1WYL__SL500_AA300_El Patron a cent quarante ans et il est l'homme le plus puissant du monde. Il règne sans partage, depuis son luxueux palais décoré de son emblème, le scorpion, sur Opium, ce nouveau pays créé au xxi siècle, entre le Mexique et les Etats-Unis, dédié à la culture du pavot et à l'enrichissement des trafiquants de drogue. Quand il mourra, il emportera dans sa tombe ses richesses mais aussi ses serviteurs, sa maisonnée, comme les anciens rois chaldéens. Mais, pour l'heure, El Patron n'a pas l'intention de mourir. Il veut vivre neuf vies, comme les chats et les démons. C'est à cela que servent les clones, des réservoirs d'organes jeunes et sains, des presque humains que l'on décérèbre à la naissance. El Patron est si orgueilleux qu'il a exigé que Mattéo, son clone, fasse exception à la règle et grandisse avec son cerveau. Le problème, c'est que, quand on a un cerveau, on s'en sert.

- Ecole des Loisirs - Medium -

Quel roman ! Je remercie vivement SBM de me l'avoir conseillé et prêté.

Un roman qui ne se contente pas de proposer une réflexion sur les dérives du clonage à travers le destin du jeune Mattéo, mais interroge sur la définition de l'humain et dénonce la façon qu'ont les hommes d'imposer une vision de l'humanité selon un idéal de profit.

Ce récit est donc celui d'un clone, personnage central de cette histoire. Le lecteur le suit, de sa naissance à l'adolescence, et découvre à travers lui l'état d'Opium, El Patron, - de son vrai nom Matteo Alacran qui signifie scorpion en espagnol - sa famille. Et devine avant lui son rôle. Fournir un coeur. Considéré comme une bête sans âme, l'enfant est placé - cloîtré - chez la cuisinière du domaine Célia, femme pieuse qui lui voue un véritable amour maternel. Mais Mattéo désobéit, sort de la maison, curieux des autres enfants. Il rencontre les héritiers d'El Patron qui le rejettent avec horreur lorsqu'ils apprennent ce qu'il est, comment et pourquoi il a été conçu. Seulement une fois qu'ils découvrent son origine...Commence alors pour Mattéo un long chemin de paradoxes en quête de reconnaissance : il reçoit une sérieuse éducation, suivi par le garde du corps Tam Lin avec qui il parvient à lier une relation d'amitié, mais demeure marginalisé, la famille lui témoignant au mieux de l'indifférence haineuse. Mattéo s'acharne à prouver sa valeur jusqu'à ce qu'il comprenne le sort qui lui est réservé, son statut de réservoir d'organes. Il fuit alors pour un pays frontalier, un état totalitaire dans lequel l'individu est sacrifié à la collectivité et surtout aux privilégiés du système. Pris pour un orphelin, il est placé dans une usine, exploité avec d'autres enfants.

Je n'en dirais pas plus sur les aventures de Mattéo, sur l'épilogue de ce roman. Ce résumé suffit à témoigner de sa richesse, tant en aventures qu'en thèmes : clonage bien sûr, mais aussi différence, regard social sur l'autre, valeurs collectives...Il y a tout un jeu de miroir entre humain nantis - humain en esclavage particulièrement intéressant : dans le domaine d'El Patron, les ouvriers sont des gens réduit à l'état de machines dociles et infatigables à cause d'un implant dans le cerveau ( ce sont les populations qui, poussées par le rêve d'une vie meilleure, ont tenté de rejoindre les USA ou le Mexique en traversant illégalement Opium. Arrêtés par les polices du domaine, ces familles le fournissent en main-d'oeuvre gratuite ) tandis qu'au Mexique, les enfants sont conditionnés pour servir l'état tout en étant livrés à une forme de travaux forcés.

Le récit est cruel, l'atmophère dans cette Maison du Scorpion - dans cette famille pervertie par le pouvoir et l'avidité - oppressante et sombre, c'est certain. Mais la variété des personnages secondaires bien campés, la personnalité attachante de Mattéo malgré sa violence parfois, les péripéties qui s'enchaînent au rythme de ses apprentissages en fond un roman passionnant qui ne sombre pas dans le sordide ou le pessimisme. S'il bouscule son lecteur, les qualités humaines, les sentiments tels que l'amour, l'amitié, la fraternité, le courage, le désir de justice n'en sont pas moins à l'honneur.

Quatre cent pages qui se lisent d'un souffle, en accompagnant Mattéo année après année, plongé dans cet univers si dérangeant - effrayant parce que proche d'une réalité contemporaine et parfaitement cohérent - ; quatre cent pages denses, sans complexité, servies par une écriture fluide, des chapitres courts, de nombreux dialogues. De l'action, des mystères, de l'émotion, un vrai moment de plaisir de lecture pour parler de la nature humaine, de liberté et de choix, de responsabilités politiques aussi. Un livre militant et magistral.

- A partir de 13 ans -

Titre que j'inscris au challenge Crazy SF -

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- Catégorie Dystopie -

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