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Chronos de Linda Lê

Par Sylvie

RENTREE LITTERAIRE 2010

 

Cronos

Editions Christian Bourgois

Linda Lê, d'origine vietnamienne, est assurément l'une des plus belles plumes françaises du moment.

Je l'avais découverte avec Les aubes , monologue d'un homme aveugle rescapé du suicide par trois femmes initiatrices. Une révélation.

Une écriture très élégante, ciselée, utilisant des mots très rares, surannés. Trois thèmes principaux : Eros, Thanatos et la création.

En général, Linda Lê propose surtout des huit-clos tout en clair-obscur, des duos ou des triades.

Nous sommes ici toujours dans le huit-clos familial mais l'espace s'élargit puisque l'auteur analyse toute une société en déliquescence, meurtrie par la violence sans nom d'une dictature dans la ville imaginaire de Zaropolis. Le pouvoir appartient au Grand guide, guignol fantoche et à son ministre de l'intérieur, Karachi, qui s'en prend indifféremment aux opposants, aux pauvres, aux femmes, aux vieillards.

Une voix s'élève. Celle d'Una, mariée de force au sanguinaire Karachi. Elle s'est mariée pour sauver son père, un vieil astronome sénile. Cette voix s'exprime par l'intermédiaire de lettres envoyées à son frère adoptif, Andréas, comédien exilé, auteur de pièces subversives critiquant le régime. 

Una raconte son quotidien à son frère ; son refus de se donner à son monstre d'époux, son assistance quotidienne à son père sénile...et sa passion naissante pour un poète bien décidé à secouer le joug de la dictature. Lorsqu'elle tombe enceinte de lui, elle se décide à passer de l'autre côté, celui des opposants.

Deux atouts majeurs font le talent incontestable de Linda Lê : une écriture haletante mêlant mots rares, précieux et vulgaires ; la parole s'écoule sans fin, l'intrigue n'existe que par la voix des personnages.

Une atmosphère à nulle autre pareille, oscillant cette fois-ci entre (c'est mon avis personnel) un milieu futuriste digne d'une fin du monde horrible et une tragédie antique peuplée d'artistes.

Il est vrai que j'ai eu l'impression à plusieurs reprises de me promener dans un roman de SF, une ville proche de la fin du monde, avec ses habitants faméliques, horde sous le joug d'un dictateur éradiquant la race humaine.

Il y a bien sûr beaucoup de références aux tragédies antiques : Una est une nouvelle Antigone sacrifiée, sauvant son père invalide (Oedipe) et luttant en vain pour un ordre plus juste. Enfin, il y a toute une atmosphère magique peuplée de vieux scientifiques, de comédiens, de marionnettistes, d'arcomme dans les contes pour enfants.

Lecture assez ardue mais magique...


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