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Répudier la dette nationale : une vraie mauvaise idée

Publié le 02 septembre 2010 par Lecriducontribuable

La dette de la France a passé en mars dernier le cap symbolique de 1500 milliards d’euros, soit plus de 80 % de la richesse nationale produite en un an.

Cette dette résulte du recours inconsidéré au déficit depuis 35 ans, et il est non seulement légitime de s’en préoccuper, mais de demander des mesures.

Certains internautes, qui ont rejoint une page du réseau social Facebook, proposent tout bonnement de « répudier la dette nationale ». C’est-à-dire, puisque cette dette a été contractée au nom des Français par l’État qui les représente, que la France cesse simplement de reconnaître la dette publique.

Une citation du penseur libéral américain Lysander Spooner inaugure cette page : « Aussi longtemps que l’humanité continuera de payer des « dettes nationales », comme on dit — c’est-à-dire, aussi longtemps qu’il y aura des dupes et des lâches prêts à payer pour être trompés, dépouillés, asservis et assassinés –, il y aura aussi de l’argent à emprunter pour ces objectifs ; et avec cet argent, on pourra engager quantité d’instruments appelés soldats pour maintenir ces lâches dans la soumission. » Et les membres de cette page, peu nombreux pour l’instant (une cinquantaine), sont proches de ses idées…

La répudiation de la dette nationale serait donc populaire chez ceux qui s’opposent à la hausse des dépenses publiques et celle des impôts qui va avec ?

Si l’idée est séduisante à première vue, elle n’en est pas moins très mauvaise.

L’argent public, c’est notre argent… les dettes publiques aussi !

Le slogan de cette page Facebook est que « nous, les « citoyens », ne sommes pas responsables des dettes contractées par les classes dirigeantes ». C’est déjà une erreur. Nous sommes effectivement victimes de l’endettement contracté par nos dirigeants. Mais nous n’en sommes pas moins responsables.

Comme Contribuables Associés le dit depuis vingt ans, l’argent public, c’est notre argent. Il s’ensuit que les dettes sont tout autant nôtres que les impôts… même si nous n’avons, dans les faits, consenti ni aux unes, ni aux autres.

Rhétorique marxiste

Les défenseurs des libertés, économiques en l’occurrence, devraient par ailleurs s’interroger sur la rhétorique qu’ils emploient : refuser de payer « leur » dette, c’est aussi le discours d’Olivier Besancenot, le porte-parole du NPA.

Le leader trotskyste désigne les « banques » et le « patronat » comme étant les responsables de la dette. Les membres de la page Facebook en question désignent les hommes politiques et l’État. Si les coupables désignés diffèrent, ne voit-on pas que la dialectique est de même nature ? Dans les deux cas, il s’agit d’une lutte des classes : prolétaires contre bourgeois, épargnants contre État. L’ennui, c’est que la lutte des classes est plus naturelle aux disciples de Lénine et Trotsky qu’à ceux (en principe) de Bastiat Hayek et Rothbard…

Philippe Herlin, auteur du livre France, la faillite ? à paraître ce mois-ci, pense que l’annulation par la France de sa dette publique « est un scénario complètement stupide qui mettrait par terre tout le système financier français ». Sur les 1500 milliards d’euros de la dette, un tiers, soit 500 milliards, est détenu par des banques et des assurances françaises. Répudier la dette signifierait donc ruiner les épargnants et les détenteurs d’assurances-vie dont l’argent a été placé en obligations pour financer les déficits de l’État.

Parmi ces épargnants, les entreprises comme les ménages, qui se retrouveraient dans l’impossibilité de produire pour les premières, et d’acheter pour les seconds. L’économie s’effondrerait du jour au lendemain.

Quant aux deux tiers de la dette restants, ils sont détenus par des créanciers étrangers, dont les États respectifs mettraient en place des mesures de rétorsion contre les intérêts français extérieurs : saisie des actifs français, et, comme cela ne suffirait pas à compenser le préjudice subi, rupture des relations commerciales avec la France, sachant qu’il s’agit de pays alliés…

Comme le rappelle Philippe Herlin dans son livre, dont nous publions les bonnes feuilles dans le dossier du Cri du Contribuable de septembre, le seul État à avoir entrepris d’annuler sa dette était la Russie soviétique. Les bolcheviks ont refusé de reconnaître les emprunts contractés par le tsar auprès d’un million et demi d’épargnants français qui n’ont pu récupérer une part (dérisoire) de leur dû qu’une fois l’Union soviétique dissoute, en 1991…

L’Argentine

Mais cela a été possible dans le cadre d’un État dirigiste et protectionniste. Est-ce vraiment ce que veulent ceux qui veulent réduire le poids de l’État ?

Impossibilité d’emprunter à nouveau

Vincent Bénard, auteur du blog économique « Objectif Liberté », n’est pas davantage convaincu par l’idée d’une répudiation de la dette. Comme Philippe Herlin, il prévient qu’un État qui refuserait de rembourser ses créanciers ne pourrait plus obtenir de prêts de leur part. Cela semble évident, mais avec un déficit d’environ 150 milliards d’euros en 2009, soit 8 % du produit intérieur brut (PIB) à peu près, l’État serait obligé d’équilibrer ses comptes. Ceux qui veulent une réduction drastique du poids de l’État peuvent y voir une occasion favorable, mais les ménages, les entreprises, les banques et les assureurs étant ruinés, cette option a quelque chose d’assez nihiliste : il faudrait donc aller jusqu’au désastre pour enfin diminuer le poids de l’État ?

Il est d’ailleurs beaucoup plus probable que la France, devenue autarcique par la force des choses, renforcerait encore davantage la puissance publique.


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